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06/07/2023 | FRANCE | N°22NC02407

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 5ème chambre, 06 juillet 2023, 22NC02407


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 24 mars 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2201139 du 23 août 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 septembre 2022, Mme A..., représentée par Me Champy, demande à la co

ur :

1°) d'annuler ce jugement du 23 août 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 mars 2022 ;

3°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 24 mars 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2201139 du 23 août 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 septembre 2022, Mme A..., représentée par Me Champy, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 23 août 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 mars 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification du présent arrêt ou de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de séjour est entachée d'incompétence ;

- elle est insuffisamment motivée en fait ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen individuel de sa situation personnelle ;

- en indiquant que les éléments présentés ne peuvent lui conférer un droit au séjour, le préfet a entaché sa décision d'une erreur de droit au regard de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant refus de séjour est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle entretient une relation avec un ressortissant français et est dépourvue d'attache dans son pays d'origine ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont entachées d'incompétence ;

- elles méconnaissent le principe du contradictoire ;

- elles sont insuffisamment motivées ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale en raison de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire est privée de base légale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dans la mesure où le préfet n'a pas examiné si sa situation personnelle ne nécessitait pas un délai de départ plus long ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle en ce qu'elle n'a plus de contact dans son pays d'origine.

Par un mémoire enregistré le 8 novembre 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au reste de la requête.

Il soutient que les moyens présentés par Mme A... ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Mosser a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., née le 18 mai 1998 à Casablanca (Maroc), de nationalité marocaine, est entrée en France le 23 août 2016 sous couvert d'un passeport diplomatique et d'un titre de séjour spécial expiré le 17 mai 2019. Elle a ensuite bénéficié d'un titre de séjour étudiant renouvelé jusqu'au 30 novembre 2020. N'ayant pu en obtenir son renouvellement, Mme A... a sollicité, par courrier en date du 25 août 2021, son admission exceptionnelle au séjour. Par arrêté du 24 mars 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de l'admettre au séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Mme A... relève appel du jugement du 23 août 2022 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 24 mars 2022.

Sur l'arrêté pris dans son ensemble :

2. Mme A... reprenant en appel, sans apporter d'élément nouveau, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté en litige, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à juste titre par le tribunal administratif de Nancy dans son jugement du 23 août 2022.

Sur la décision portant refus de séjour :

3. En premier lieu, l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Ainsi, le préfet de Meurthe-et-Moselle, qui n'avait pas à viser toutes les circonstances de fait de la situation de Mme A..., précise les conditions d'entrée et de séjour de la requérante sur le territoire français et fait référence à la relation qu'elle entretient avec un ressortissant français. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation en fait doit être écarté.

4. En deuxième lieu, il ne résulte ni de la motivation de l'arrêté en litige, ni d'aucune autre pièce du dossier, que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de Mme A... avant de prendre la décision contestée. Dès lors, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation particulière de l'intéressée doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée régulièrement en France à l'âge de 18 ans avec son père, attaché au consulat du Royaume du Maroc à Marseille. Elle a été scolarisée en BTS agricole, au titre de l'année universitaire 2016-2017, puis s'est réorientée, au titre de l'année universitaire 2019-2020, en première année de licence de psychologie. Mme A... se prévaut de la présence en France de sa famille et de la relation qu'elle entretient avec un ressortissant français. Toutefois, l'intensité et l'ancienneté de cette relation n'est pas établie par les pièces versées au dossiers, notamment l'attestation de contrat d'électricité et de gaz aux deux noms pour un logement à Longwy, les photos non datées et les témoignages dont la majorité sont peu circonstanciés. Si ses parents et l'un de ses frères vivent régulièrement en France, Mme A... ne justifie pas être dépourvue de toute attache au Maroc où elle a vécu jusqu'à l'âge de 18 ans. Par ailleurs, la seule circonstance qu'elle a poursuivi des études en France et a travaillé à titre accessoire au cours de l'année 2020, n'est pas de nature à justifier d'une intégration particulière au sein de la société française. Dans ces conditions, le préfet n'a pas entaché sa décision d'erreur de droit ou d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En quatrième et dernier lieu, pour les mêmes raisons que celles qui viennent d'être exposées, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas porté au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels la décision contestée a été prise. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; (...) ". L'article L. 613-1 du même code dispose : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Toutefois, les motifs des décisions relatives au délai de départ volontaire et à l'interdiction de retour édictées le cas échéant sont indiqués. "

9. Les dispositions précitées des articles L. 611-1 et L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient pas de motivation distincte pour la décision portant obligation de quitter le territoire français, et n'impliquent pas, par conséquent, dès lors que le refus de titre de séjour est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, de mention spécifique pour respecter les exigences de motivation. Par suite, eu égard à ce qui a été dit au point 3, le moyen tiré du défaut de motivation de la mesure d'éloignement doit être écarté.

10. En deuxième lieu, lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche, qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer que, en cas de rejet de sa demande, il pourra faire l'objet, le cas échéant, d'une mesure d'éloignement du territoire français, avec ou sans délai de départ volontaire, et d'une interdiction de retour. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux.

11. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'était pas tenu de mettre Mme A... en mesure de présenter ses observations préalablement à l'édiction de la mesure d'éloignement prise à son encontre. Mme A... n'établit pas, ni même n'allègue avoir sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux ou avoir été empêchée, lors du dépôt et au cours de l'instruction de sa demande de titre de séjour, de faire valoir auprès de l'administration tous les éléments jugés utiles à la compréhension de sa situation personnelle et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire doit être écarté.

12. En troisième lieu, il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.

13. En quatrième et dernier lieu, pour les mêmes raisons que celles qui sont exposées au point 6, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnait ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni n'est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme A....

Sur la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours :

14. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le délai de départ volontaire.

15. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté, ni des pièces du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'aurait pas examiné la possibilité d'octroyer à Mme A... un délai supérieur à trente jours et se serait estimé en situation de compétence liée. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté comme manquant en fait.

16. En troisième et dernier lieu, Mme A... ne fait état d'aucune circonstance particulière justifiant qu'un délai supérieur à trente jours lui soit accordé. Partant, la décision fixant le délai de départ volontaire n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme A....

Sur la décision fixant le pays de destination :

17. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 3, l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Ainsi, le préfet de Meurthe-et-Moselle, qui n'avait pas à viser toutes les circonstances de fait de la situation de Mme A..., précise que celle-ci n'établit pas être exposée à des peines ou des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans le pays dont elle a la nationalité. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

18. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 10 que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'était pas tenu de mettre Mme A... en mesure de présenter ses observations préalablement à la décision fixant le pays de destination. Mme A... n'établit, ni même n'allègue avoir sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux ou avoir été empêchée, lors du dépôt et au cours de l'instruction de sa demande de titre de séjour, de faire valoir auprès de l'administration tous les éléments jugés utiles à la compréhension de sa situation personnelle et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire doit être écarté.

19. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et à Me Champy.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Laubriat, président,

Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023.

La rapporteure,

Signé : C. MosserLe président,

Signé : A. Laubriat

La greffière,

A. Signé : Bailly

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

A. Bailly

2

N° 22NC02407


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02407
Date de la décision : 06/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAUBRIAT
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : CHAMPY

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-07-06;22nc02407 ?
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