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06/07/2023 | FRANCE | N°22NC01076

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 5ème chambre, 06 juillet 2023, 22NC01076


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a assorti l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2104927 du 28 juillet 2021, la magistrate désignée par le président du t

ribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a assorti l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2104927 du 28 juillet 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er mai 2022, M. B..., représenté par Me Carraud, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 28 juillet 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 13 juillet 2021 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour temporaire dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas fait l'objet d'un examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'erreur de droit dès lors qu'il entre dans un cas de délivrance de plein droit d'un titre de séjour en application de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que de l'article L. 423-23 du même code ;

- elle a méconnu les stipulations de l'article 3§1 de la convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'illégalité en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et celles de l'article 3§1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée dès lors que la préfète du Bas-Rhin s'est abstenue de se prononcer sur les critères de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'elle n'a pas vérifié s'il existait des circonstances humanitaires ;

- elle est entachée d'illégalité en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et celles de l'article 3§1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin qui n'a pas produit d'observations en défense.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 29 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience publique.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bourguet-Chassagnon a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... B..., ressortissant albanais, né le 16 juin 1993, et son épouse, elle-même ressortissante albanaise, entrés sur le territoire français le 25 octobre 2016, ont présenté le 8 novembre 2016 des demandes d'asile, rejetées par décisions en date du 6 avril 2017 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmées le 10 juillet 2017 par la Cour nationale du droit d'asile. M. et Mme B... ont fait l'objet de mesures d'éloignement édictées le 26 septembre 2017, auxquelles ils n'ont pas déféré. Le 13 novembre 2017, ils ont présenté des demandes d'autorisations provisoires de séjour en qualité de parents d'enfant malade. Par arrêtés du 23 août 2018, dont la légalité a été confirmée par jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 20 décembre 2018 et par la cour administrative d'appel de Nancy le 3 décembre 2019, la préfète du Bas-Rhin a refusé de les admettre au séjour, les a obligés à quitter le territoire français sans délai et a édicté à leur encontre des interdictions de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Le 6 mars 2019, M. B... a sollicité le réexamen de sa demande d'asile. Le dossier a été clôturé par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 12 avril 2019. Le 23 mai 2019, M. et Mme B... ont à nouveau sollicité la délivrance d'autorisations provisoires de séjour en raison de la situation médicale de leur fils A..., né en octobre 2016 en Italie. Dans son avis du 30 septembre 2019, le collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que le défaut de prise en charge de l'état de santé de leur fils ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour l'enfant et, par ailleurs, que ce dernier pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine. M. et Mme B... ont fait l'objet de deux arrêtés en date du 27 mai 2020 portant refus d'admission au séjour et obligation de quitter le territoire français. La préfète du Bas-Rhin a édicté à l'encontre de M. B... un arrêté en date du 12 avril 2021 l'assignant à résidence. Par un arrêté du 13 juillet 2021, la préfète du Bas-Rhin l'a obligé de nouveau à quitter le territoire français sans délai, a prononcé, à son encontre, une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. Par un jugement du 28 juillet 2021, dont M. B... relève appel, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 juillet 2021.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...). Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. Il ressort des termes de la décision contestée que pour obliger M. B... à quitter le territoire français, la préfète du Bas-Rhin, après avoir visé la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, ainsi que les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a rappelé les principaux éléments de la situation administrative et personnelle de l'intéressé en indiquant notamment qu'il a déclaré être entré régulièrement en France le 25 octobre 2016 sans pouvoir le démontrer, que sa demande d'asile a été rejetée, que le dossier de sa demande de réexamen de demande d'asile a été clôturé en 2019, qu'il a fait l'objet de trois mesures d'éloignement auxquelles il n'a pas déféré, que ses demandes d'autorisation provisoire de séjour en qualité de parent d'enfant malade ont été rejetées en 2018 et 2020, que l'intéressé n'entrait pas dans le champ des dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif aux protections contre l'éloignement, qu'il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français et que son épouse étant dans la même situation administrative et leurs deux enfants étant mineurs, rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se recompose dans leur pays d'origine. La seule circonstance que la dernière phrase du motif de l'arrêté attaqué relatif à sa vie privée et familiale soit incomplète et ne précise pas, en l'espèce, les attaches familiales qu'il conservait en Albanie, demeure sans incidence sur la légalité de la mesure d'éloignement dès lors que les éléments ci-dessus rappelés l'ont mis à même de comprendre les motifs de cette décision et de pouvoir en débattre utilement. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée serait entachée d'une insuffisance de motivation.

4. En deuxième lieu, il ne ressort pas de l'arrêté attaqué que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle. Par suite, ce moyen doit également être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9. ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

6. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'occasion de la seconde demande d'autorisation provisoire de séjour présentée le 23 mai 2019 par M. et Mme B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 311-12 désormais codifiées à l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, dans son avis du 30 septembre 2019, que si l'état de santé de leur fils A... nécessite une prise en charge médicale, son défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'enfant peut voyager sans risque vers son pays d'origine, ainsi que l'avait déjà estimé le collège des médecins de l'OFII dans son précédent avis du 25 mai 2018. Il ressort du certificat médical établi le 13 mai 2019 par le Dr C... D..., pédiatre, directrice du CAMSP de Schiltigheim, que le fils de M. B... souffre d'une " affection d'origine congénitale entraînant un trouble du développement (...) " et " un retard important de ses acquisitions " nécessitant un suivi médical régulier ainsi qu'une prise en charge de soins multidisciplinaires (kinésithérapie motrice, orthophonie, éducation précoce, psychomotricité). Toutefois, les pièces produites par le requérant, si elles attestent des troubles dont souffre son fils dont le taux d'incapacité a été fixé à plus de 80% par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), se bornent à les décrire et ne se prononcent pas sur les conséquences d'une absence de prise en charge médicale. En particulier, alors que le requérant critique l'ancienneté de l'avis du collège des médecins, aucun des certificats postérieurs à l'avis du 30 septembre 2019 ne démontre que l'état de santé de l'enfant se serait dégradé avant que n'intervienne la mesure d'éloignement contestée, le 13 juillet 2021. Dans ces conditions, M. B... ne peut utilement invoquer la circonstance, au demeurant non établie, que son fils ne pourrait accéder effectivement au traitement approprié en cas de retour en Albanie. Si M. B... se prévaut par ailleurs des observations formulées par le Défenseur des droits lors d'instances contentieuses relatives à deux enfants albanais polyhandicapés, il ne ressort pas de ces seuls éléments que le fils du requérant ne pourrait pas bénéficier, en dehors du territoire français, d'une scolarité adaptée à la pathologie dont il est, quant à lui, affecté. La circonstance que le fils de l'intéressé ne pourrait pas bénéficier d'un accompagnement éducatif et médical de qualité équivalente à celui dont il bénéficie à l'heure actuelle ne saurait, à elle seule, être regardée comme portant atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées doit être écarté.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. M. B... fait valoir qu'il séjourne habituellement en France depuis le 25 octobre 2016 avec son épouse et ses deux enfants qui y sont scolarisés et qu'il y a désormais le centre de ses intérêts privés et familiaux. Il est toutefois constant qu'à la date de la décision attaquée, les époux se trouvaient tous deux en situation irrégulière sur le territoire français, malgré les différents refus de séjour et mesures d'éloignement pris à leur encontre par la préfète du Bas-Rhin depuis 2017. Compte tenu de ce qui vient d'être dit au point 6 de la présente décision, il ne ressort pas des pièces du dossier que la cellule familiale, à savoir M. et Mme B... et leurs deux enfants nés respectivement en octobre 2016 et en novembre 2017, ne pourrait se reconstituer dans le pays dont ils ont la nationalité, l'Albanie, où le requérant a vécu jusqu'à l'âge de 23 ans et où résident ses parents et ses deux sœurs, ainsi qu'il l'a lui-même déclaré en 2017. Par suite, compte tenu des circonstances de l'espèce et notamment des conditions de séjour en France de M. B..., la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

9. En cinquième lieu, pour les motifs exposés au point précédent de la présente décision, M. B..., qui ne démontre par ailleurs aucune insertion particulière en France et n'y dispose d'aucune attache personnelle ou familiale, ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la préfète du Bas-Rhin ne pouvait pas légalement l'obliger à quitter le territoire français sans méconnaître les dispositions de cet article.

Sur la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

10. En premier lieu, la décision refusant à M. B... un délai de départ volontaire vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment les articles L. 612-2 et L. 612-3 de ce code, et précise que l'intéressé est entré irrégulièrement sur le territoire français, qu'il n'a pas déféré aux trois précédentes mesures d'éloignement prises à son encontre et ne présente ainsi aucune garantie de représentation. Par suite, cette décision comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Elle est dès lors suffisamment motivée.

11. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire n'a pas été prise sur le fondement d'une décision faisant obligation de quitter le territoire français illégale. Le moyen tiré d'une telle exception d'illégalité ne peut, dès lors, qu'être écarté.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) ".

13. Le requérant, qui s'est soustrait aux trois précédentes mesures d'éloignement édictées à son encontre en 2017, 2018 et 2020, se trouvait dans la situation prévue au 5° de l'article L. 612-3 précité dans laquelle l'autorité administrative peut décider de ne pas octroyer de délai de départ volontaire. Dans ces conditions, le préfet a pu légalement refuser de lui accorder un délai de départ volontaire.

14. En quatrième lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment, alors même que l'intéressé s'est conformé aux obligations prescrites par l'arrêté portant assignation à résidence du 12 avril 2021, qu'en refusant d'accorder un délai de départ volontaire à M. B..., la préfète du Bas-Rhin n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision fixant le pays de destination :

15. En premier lieu, la décision attaquée fixe comme pays de destination le pays dont M. B... a la nationalité ou qui lui a délivré un titre de voyage en cours de validité ou de tout pays dans lequel il sera légalement admissible et vise l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La préfète du Bas-Rhin a également précisé que l'intéressé " n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine (ou dans son pays de résidence habituelle où il est effectivement admissible) ". La décision contestée comporte ainsi l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté.

16. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ".

17. M. B... soutient qu'il risque de subir les traitements prohibés par les stipulations précitées en cas de retour dans le pays dont il a la nationalité et que son fils A... serait exposé à des conséquences d'une exceptionnelle gravité au plan médical en l'absence de traitement approprié à son état de santé en Albanie, en violation des stipulations précitées. Toutefois, d'une part, il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile présentée par M. B... a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par décision du 6 avril 2017, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 10 juillet 2017 et que sa demande de réexamen a fait l'objet d'une décision de clôture par l'OFPRA le 12 avril 2019, le requérant n'apportant par ailleurs aucune précision sur les risques qu'il encourrait en cas de retour en Albanie. D'autre part, il résulte de ce qui a été dit au point 6 de la présente décision que le requérant n'établit pas que son retour en Albanie avec son fils exposerait ce dernier à des conséquences d'une exceptionnelle gravité au plan médical. Par suite, la décision fixant le pays de destination n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

18. En troisième lieu, pour les motifs exposés aux points 6, 8 et 9, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doivent être également écartés.

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

19. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". D'autre part, aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

20. En application des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité préfectorale peut, dans le respect des principes constitutionnels et conventionnels et des principes généraux du droit, assortir une obligation de quitter le territoire d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'intéressé, en se fondant pour en justifier tant le principe que la durée, sur la durée de sa présence en France, sur la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, sur la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et sur la menace à l'ordre public que représenterait sa présence en France.

21. La décision portant interdiction de retour sur le territoire français vise l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement duquel elle a été prise et rappelle que l'autorité administrative assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois années, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé. La décision contestée précise également que l'examen de la situation de l'intéressé relatif à l'interdiction de retour sur le territoire français a été effectué au regard de l'article L. 612-10 précité, que M. B... s'est maintenu irrégulièrement en France alors qu'il a fait l'objet de trois obligations de quitter le territoire français et d'une assignation à résidence et qu'en fixant à deux années la durée de cette interdiction, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce. Il ressort ainsi des termes de la décision attaquée que la préfète a pris en compte les critères prévus par les dispositions précitées, notamment en ce qu'il ne justifie pas bénéficier de liens intenses et stables sur le territoire français et qu'il a déjà fait l'objet de mesures d'éloignement. Par ailleurs, compte tenu de ce qui a été dit au point 6, le requérant ne fait valoir aucune circonstance humanitaire de nature à empêcher l'édiction d'une telle décision à son encontre. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'interdiction de retour prononcée à son encontre serait entachée d'une part, d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen des circonstances humanitaires et d'autre part, d'une erreur d'appréciation dans son principe ou sa durée.

22. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français n'a pas été prise sur le fondement d'une décision faisant obligation de quitter le territoire français illégale. Le moyen tiré d'une telle exception d'illégalité ne peut, dès lors, qu'être écarté.

23. En troisième lieu, le requérant ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles ne sont plus en vigueur depuis le 1er mai 2021.

24. En quatrième et dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 6 et 8, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés.

25. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. E... B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Carraud.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Laubriat, président de chambre,

Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023.

La rapporteure,

Signé : M. Bourguet-Chassagnon

Le président,

Signé : A. Laubriat

La greffière,

Signé : A. Bailly

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

A. Bailly

2

N° 22NC01076


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01076
Date de la décision : 06/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAUBRIAT
Rapporteur ?: Mme Mariannick BOURGUET-CHASSAGNON
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : CARRAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-07-06;22nc01076 ?
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