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04/07/2023 | FRANCE | N°22NC02020

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 04 juillet 2023, 22NC02020


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 7 février 2022, par lequel la préfète du Bas-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a assorti l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et l'a assigné à résidence pour une durée de six mois.

Par un jugement n° 2200866 du 22 fé

vrier 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 7 février 2022, par lequel la préfète du Bas-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a assorti l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et l'a assigné à résidence pour une durée de six mois.

Par un jugement n° 2200866 du 22 février 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a prononcé l'annulation de la décision portant assignation à résidence et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 juillet 2022, M. C..., représenté par Me Sultan, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette ses conclusions à fin d'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans et fixant le pays de renvoi ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 7 février 2022 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat deux sommes de 2 000 euros, au titre de la première instance et de l'appel, à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le premier juge n'a pas répondu au moyen tiré de l'irrégularité de la notification de l'arrêté attaqué, effectuée par un agent du ministère de la justice, en contradiction avec les dispositions des articles L. 613-4 et L. 613-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni au moyen tiré de l'insuffisante motivation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, refus d'octroi de délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;

- elle ne pouvait être fondée sur le motif tiré de ce que son comportement constituerait une menace à l'ordre public alors que la préfète se contente de viser les infractions qu'il a commises sans examiner l'ensemble de sa situation ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée dès lors que la préfète du Bas-Rhin s'est abstenue de se prononcer sur chacun des quatre critères énoncés par l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne motive pas son refus de tenir compte des circonstances humanitaires dont il avait fait état ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et des décisions subséquentes.

La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin qui n'a pas produit d'observations en défense.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 27 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience publique.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bourguet-Chassagnon a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant algérien, né le 20 août 1994, a fait l'objet de deux mesures d'éloignement édictées par la préfète du Bas-Rhin le 25 juillet 2018 et le 6 août 2020, non contestées et demeurées non exécutées. Par un arrêté en date du 7 février 2022, la préfète du Bas-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a prononcé, à son encontre, une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et l'a assigné à résidence pour une durée de six mois. Par un jugement du 22 février 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision portant assignation à résidence et rejeté le surplus des conclusions de sa requête. M. C... relève appel de ce jugement, en tant qu'il a rejeté une partie des conclusions de sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort du jugement attaqué que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg n'a pas répondu expressément au moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français édictée à son encontre, qui n'était pas inopérant. M. C... est dès lors fondé à soutenir que le jugement est entaché d'irrégularité, en tant qu'il rejette ses conclusions à fin d'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français et des décisions subséquentes. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé dans cette mesure.

3. Il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les conclusions présentées par M. C... devant le tribunal administratif de Strasbourg tendant à l'annulation des décisions par lesquelles la préfète du Bas-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de son renvoi et a édicté à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français.

Sur la légalité des décisions attaquées :

En ce qui concerne les moyens communs :

4. Par un arrêté du 20 octobre 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 22 octobre 2021, la préfète du Bas-Rhin a donné délégation à M. A... D..., directeur des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer tous actes et décisions relevant des attributions dévolues à cette direction, à l'exception de certaines décisions au nombre desquelles ne figurent pas celles en litige. Par suite, le moyen tiré de ce que M. D..., signataire des décisions contestées, ne bénéficiait d'aucune délégation de compétence doit être écarté.

5. Aux termes de l'article L. 613-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel est notifiée une décision portant obligation de quitter le territoire français est également informé qu'il peut recevoir communication des principaux éléments, traduits dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend, des décisions qui lui sont notifiées en application des chapitres I et II. ".

6. Le requérant soutient que l'arrêté contesté lui aurait été notifié irrégulièrement par un agent du ministère de la justice et non par l'autorité administrative. Toutefois, et en tout état de cause, les conditions de notification d'une décision administrative sont sans incidence sur sa légalité. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la notification doit être écarté comme inopérant.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

7. Aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Toutefois, les motifs des décisions relatives au délai de départ volontaire et à l'interdiction de retour édictées le cas échéant sont indiqués ".

8. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré (...) s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour (...) / 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public (...) ".

9. Il ressort des termes de la décision contestée que pour obliger M. C... à quitter le territoire français, la préfète du Bas-Rhin, après avoir visé la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, ainsi que les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment les 2° et 5° de l'article L. 611-1 précité, a rappelé que l'intéressé, de nationalité algérienne, a déclaré être entré en France en 2017, qu'il a été condamné en 2020 à une peine d'emprisonnement de quatre mois pour des faits de tentative de vol en réunion et tentative de vol aggravé puis, en 2021 à une peine de six mois d'emprisonnement pour des faits de vol en réunion en récidive, que son comportement constituait manifestement une menace pour l'ordre public, qu'il a été écroué à la maison d'arrêt de Strasbourg du 9 octobre 2021 au 7 février 2022, qu'il a fait l'objet de deux obligations de quitter le territoire français en 2018 et 2020 auxquelles il n'a pas déféré, qu'il est célibataire et sans charge de famille et ne démontre pas être dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine, qu'il n'a effectué aucune démarche pour faire régulariser sa situation, qu'il est sans emploi et ne dispose d'aucun document de voyage. La décision l'obligeant à quitter le territoire français, qui vise deux des six motifs prévus par l'article L. 611-1, comporte ainsi l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée.

10. Le requérant soutient que c'est à tort que la préfète du Bas-Rhin a considéré que son comportement caractérisait une menace à l'ordre public. Toutefois, ainsi qu'il vient d'être dit, la décision portant obligation de quitter le territoire français contestée a été prise sur le fondement des 2° et 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a déclaré être entré en France sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa délivré par les autorités turques et s'est maintenu irrégulièrement depuis lors sur le territoire français. Ainsi, la préfète du Bas-Rhin a pu légalement, pour ce seul motif prévu par le 2° de l'article L. 611-1, obliger M. C... à quitter le territoire français. Il résulte de l'instruction qu'elle aurait pris la même décision si elle s'était fondée sur ce seul motif. Le moyen contestant le bien-fondé de l'autre motif doit, par suite, être écarté, comme inopérant.

11. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

12. M. C... fait valoir qu'il séjourne habituellement en France depuis 2017 et que, souffrant d'une maladie ayant conduit à son internement sans son consentement en hôpital psychiatrique du 20 décembre 2018 au 11 février 2019 puis en septembre 2021, il a besoin du soutien des membres de sa famille présents en France, à savoir ses quatre frères et ses parents. Il ressort, toutefois, des pièces du dossier que l'intéressé avait sollicité le 25 septembre 2017 son admission au séjour en raison de son état de santé. A la suite du rejet de sa demande, il a sollicité un titre de séjour pour ce même motif en octobre 2019. Dans son avis du 14 février 2020, le collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration a estimé qu'il pourrait bénéficier d'un traitement approprié en Algérie. Alors qu'il ne conteste pas que ses parents ne séjournent en France que temporairement pour motifs de santé ni que ses quatre sœurs résident en Algérie, le requérant ne démontre pas, par la seule production d'attestations peu circonstanciées de ses deux frères de nationalité française, que seuls ces derniers seraient en mesure de lui apporter l'aide dont il aurait besoin. Il ressort également des pièces du dossier que M. C... est célibataire, sans charges de famille en France, et ne sera pas isolé dans le pays dont il a la nationalité, l'Algérie, où résident ses quatre sœurs et où il a vécu, au moins, jusqu'en 2016, soit jusqu'à l'âge de 21 ans. Ainsi, la décision l'obligeant à quitter le territoire français n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale. La préfète du Bas-Rhin n'a, par suite, en prenant cette décision, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. Aux termes de l'article L. 611-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

14. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a sollicité à deux reprises la délivrance d'un certificat de résidence algérien pour raisons médicales. Par deux avis concordants des 6 février 2018 et 14 février 2020, le collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si le défaut de prise en charge de son état de santé pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour l'intéressé, il pouvait toutefois bénéficier effectivement d'un traitement approprié pour soigner la pathologie qui l'affecte dans son pays d'origine, l'Algérie. En se bornant à se prévaloir de la circonstance qu'il est suivi par un psychiatre, praticien hospitalier au sein de l'établissement public de santé Alsace Nord depuis le mois d'août 2020 et qu'il a fait l'objet d'une hospitalisation sous contrainte ordonnée par le juges des libertés du tribunal judiciaire de Strasbourg le 13 septembre 2021, M. C... n'infirme pas la teneur, ci-dessus exposée, de l'avis du collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration du 14 février 2020. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point précédent ne peut qu'être écarté.

15. Au regard des considérations de fait exposées aux points 12 et 14, la préfète du Bas-Rhin n'a pas entaché d'une erreur manifeste son appréciation des conséquences de la décision attaquée sur la situation personnelle et médicale de M. C....

En ce qui concerne le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

16. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...) ".

17. La décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire vise l'article L. 612-2 précité et expose, d'une part, que son comportement constitue une menace à l'ordre public et, d'autre part, qu'il s'est déjà soustrait aux deux précédentes mesures d'éloignement édictées à son encontre et qu'il est démuni de document de voyage. La décision attaquée comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est ainsi suffisamment motivée.

18. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué que, pour refuser à l'intéressé l'octroi d'un délai de départ volontaire, la préfète du Bas-Rhin s'est fondée sur les deux motifs prévus par le 1° et le 3° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si le requérant soutient que son comportement ne peut être regardé comme constitutif d'une menace pour l'ordre public, il ressort des pièces du dossier que M. C... s'est soustrait à l'exécution de deux précédentes mesures d'éloignement et ne dispose pas de documents de voyage. Il suit de là que la préfète du Bas-Rhin a pu, sans erreur d'appréciation, considérer que le risque qu'il se soustraie à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français était établi, en application des dispositions de l'article L. 612-3 du code précité. Ainsi, la préfète a pu légalement, pour ce seul motif prévu par le 3° de l'article L. 612-2 précité, refuser d'accorder à M. C... un délai de départ volontaire. Il résulte de l'instruction qu'elle aurait pris la même décision si elle s'était fondée sur ce seul motif. Le moyen contestant le bien-fondé de l'autre motif doit, par suite, être écarté comme inopérant.

19. Pour les motifs exposés aux points 12 et 14, la préfète du Bas-Rhin n'a pas entaché d'une erreur manifeste son appréciation des conséquences de la décision attaquée sur la situation personnelle et médicale de M. C....

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

20. Ainsi qu'il a été dit précédemment, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Par ailleurs, l'illégalité des décisions refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français, à la supposer même établie, serait sans influence sur la légalité de la décision fixant le pays de destination. Le moyen tiré de l'exception d'illégalité ne peut, dès lors, qu'être écarté.

21. La décision fixant le pays à destination duquel M. C... pourra être reconduit d'office comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est ainsi suffisamment motivée.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

22. D'une part, aux termes des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. ". D'autre part, aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

23. En application des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité préfectorale peut, dans le respect des principes constitutionnels et conventionnels et des principes généraux du droit, assortir une obligation de quitter le territoire d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'intéressé, en se fondant pour en justifier tant le principe que la durée, sur la durée de sa présence en France, sur la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, sur la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et sur la menace à l'ordre public que représenterait sa présence en France.

24. Il ressort des termes de la décision contestée que pour interdire à M. C... de revenir sur le territoire français pendant une durée de trente-six mois, la préfète du Bas-Rhin, après avoir visé l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a précisé que le requérant, qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, n'a effectué aucune démarche administrative tendant à régulariser sa situation au regard de son séjour en France, qu'il ne démontre pas l'intensité de ses liens avec la France, qu'il a été condamné pour les faits précédemment énoncés dans l'arrêté, que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public et enfin, qu'il s'est soustrait à l'exécution de deux précédentes mesures d'éloignement. La préfète indique que M. C... n'a pas fait valoir de circonstances humanitaires et que, dans les circonstances de l'espèce, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois années ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi la préfète du Bas-Rhin, qui n'était pas tenue de reprendre l'ensemble des éléments de la vie personnelle et de la situation médicale de M. C..., mentionnés précédemment dans son arrêté, a indiqué les considérations de droit et de fait qui constituaient le fondement de sa décision portant interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.

25. Au regard, notamment, de la motivation de la décision attaquée, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la préfète du Bas-Rhin n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation personnelle avant de prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trente-six mois.

26. Au regard des circonstances de fait exposées au point 12 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que la décision fixant à trente-six mois la durée de l'interdiction de retour prise à son encontre porterait une atteinte disproportionnée au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale ne peut qu'être écarté.

27. Compte tenu de ce qui a été précisé aux points 12 et 14, la préfète du Bas-Rhin n'a pas entaché d'une erreur manifeste son appréciation des conséquences de la décision attaquée sur la situation personnelle et médicale de M. C....

28. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire, désignation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 2200866 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 22 février 2022 est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... et ses conclusions de première instance sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Sultan.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

- Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2023.

La rapporteure,

Signé : M. Bourguet-ChassagnonLa présidente,

Signé : A. Samson-Dye

La greffière,

Signé : M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

M. B...

2

N° 22NC02020


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02020
Date de la décision : 04/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: Mme Mariannick BOURGUET-CHASSAGNON
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : SULTAN

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-07-04;22nc02020 ?
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