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04/07/2023 | FRANCE | N°22NC01908

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 04 juillet 2023, 22NC01908


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 4 février 2022, par lequel le préfet de la Marne a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.

Par un jugement n° 2200626 du 17 juin 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devan

t la cour :

Par une requête enregistrée le 18 juillet 2022, Mme A..., représentée par Me Sell...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 4 février 2022, par lequel le préfet de la Marne a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.

Par un jugement n° 2200626 du 17 juin 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 juillet 2022, Mme A..., représentée par Me Sellamna, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Marne du 4 février 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement :

- le jugement attaqué est entaché d'insuffisance de motivation ;

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant du bien-fondé du jugement :

- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée au préfet de la Marne qui n'a pas produit d'observations en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience publique.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bourguet-Chassagnon a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante marocaine, née le 30 décembre 1960, entrée sur le territoire français le 16 octobre 2018, sous couvert d'un visa de court séjour, a demandé au préfet de l'Aisne le 2 janvier 2019, de l'admettre au séjour pour raisons de santé. Par un arrêté du 14 juin 2019, le préfet de l'Aisne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. L'intéressée, qui s'était maintenue irrégulièrement sur le territoire français, a alors présenté au préfet de la Marne, le 7 juillet 2021, une demande d'admission exceptionnelle au séjour pour motifs personnels, sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté en date du 4 février 2022, le préfet de la Marne a refusé d'admettre exceptionnellement au séjour Mme A..., l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office. Par un jugement du 17 juin 2022, dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. A supposer même que le tribunal administratif ait entaché son jugement d'une erreur manifeste d'appréciation, une telle circonstance, si elle peut affecter éventuellement le bien-fondé du jugement de première instance, est, en revanche, sans incidence sur sa régularité. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

3. Il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties et pouvait s'appuyer sur les éléments mentionnés par le préfet dans son arrêté, s'est prononcé sur les moyens soulevés par Mme A... dans ses écritures et a suffisamment motivé son jugement, conformément à l'article L. 9 du code de justice administrative.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Aux termes de l'article L. 431-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. La requérante se prévaut de la présence en France de son frère et de sa sœur, de nationalité française, qui l'assistent et l'accompagnent lors de ses rendez-vous médicaux, de la prise en charge financière dont elle bénéficie par l'ensemble de sa famille vivant à Reims ou dans des villes avoisinantes, de la circonstance qu'elle se retrouverait isolée au Maroc en raison du décès de ses parents et des résidences éloignées des deux sœurs y demeurant, lesquelles sont dépourvues de ressources. Elle fait également valoir que son état de santé ne s'est amélioré que grâce aux soins reçus en France. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme A... est célibataire, sans charges de famille, et ne justifie pas être dépourvue d'attaches familiales au Maroc, pays dans lequel résident deux de ses sœurs et où elle a vécu jusqu'à l'âge de 57 ans. Elle n'établit pas davantage que son état de santé nécessiterait l'assistance d'une tierce personne, et plus particulièrement que seuls les membres de sa fratrie présents en France seraient à même de lui apporter ce soutien. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Marne aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que l'admission au séjour de l'intéressée ne répondait pas à des considérations humanitaires et ne se justifiait pas au regard de motifs exceptionnels. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté. Au regard des circonstances de fait précédemment rappelées, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme doit également être écarté.

6. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

7. Il est constant que l'avis du collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration du 4 juin 2019 rendu dans le cadre de la première demande de titre de séjour présentée par l'intéressée au préfet de l'Aisne avait retenu que l'état de santé de Mme A... nécessitait une prise en charge dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du Maroc, elle pouvait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et que son état de santé lui permettait de voyager sans risque. Ainsi qu'il a été dit précédemment, cette demande de titre de séjour avait été rejetée par un arrêté du préfet de l'Aisne du 14 juin 2019. Il ressort des différents certificats médicaux établis entre 2015 et septembre 2019 produits par la requérante que cette dernière souffre depuis plus de trente années de la maladie de Behcet se traduisant par une " inflammation intraoculaire sévère nécessitant une prise en charge multidisciplinaire ". D'une part, si le dépistage des maladies à risque induites par le traitement immuno-modérateur qui lui était alors prescrit, notamment de la tuberculose, était en cours à la date du 26 juin 2019, aucun document postérieur ne démontre que les explorations en cause auraient permis, depuis cette date, d'établir le diagnostic d'une nouvelle pathologie ou que l'état de santé de Mme A... se serait dégradé. D'autre part, le certificat médical établi le 2 septembre 2019 par un praticien hospitalier de l'hôpital Cochin à Paris se borne à indiquer que " le suivi et les traitements appropriés ne pourraient lui être dispensés dans le pays dont elle est originaire ", sans préciser les molécules ou les traitements prescrits. Il ressort enfin des différents documents médicaux que Mme A... nécessitait, en 2019, une prise en charge en médecine interne et en ophtalmologie afin de déterminer le traitement le plus adapté à sa pathologie, les prescriptions médicales délivrées au Maroc ayant échoué à améliorer son état de santé. A supposer que la prise en charge dans les services de l'hôpital Cochin se soit poursuivie jusque 2022, la requérante ne précise pas que des examens ou des interventions demeuraient nécessaires pour la détermination des modifications à apporter à son traitement à la date de l'arrêté litigieux. Dans l'hypothèse où cette prise en charge aurait pu aboutir à un diagnostic plus précis, elle ne mentionne pas davantage le type de traitement qui lui serait désormais prescrit et auquel elle ne pourrait accéder effectivement au Maroc. Dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français aurait méconnu les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que, en tout état de cause, celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Marne.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Samson-Dye, présidente de chambre,

Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2023.

La rapporteure,

Signé : M. Bourguet-ChassagnonLa présidente,

Signé : A. Samson-Dye

La greffière,

Signé : M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

M. C...

2

N° 22NC01908


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01908
Date de la décision : 04/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: Mme Mariannick BOURGUET-CHASSAGNON
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : SELLAMNA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-07-04;22nc01908 ?
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