La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/07/2023 | FRANCE | N°22NC01763

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 04 juillet 2023, 22NC01763


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 30 mars 2022, par lequel la préfète du Bas-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2202618 du 31 mai 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée

le 4 juillet 2022, M. C..., représenté par Me Rommelaere, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 30 mars 2022, par lequel la préfète du Bas-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2202618 du 31 mai 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 juillet 2022, M. C..., représenté par Me Rommelaere, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 30 mars 2022 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les décisions contestées sont insuffisamment motivées et sont entachées d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a méconnu les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les décisions litigieuses portent une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire français est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle a méconnu les stipulations de l'article 3§1 de la convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'illégalité en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin qui n'a pas produit d'observations en défense.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 6 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience publique.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bourguet-Chassagnon a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant nigérian né le 25 octobre 1984, entré irrégulièrement sur le territoire français le 3 août 2020, a présenté le 21 septembre suivant une demande d'asile qui a été rejetée par une décision du 28 décembre 2020 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée le 28 juillet 2021 par la Cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté du 30 mars 2022, la préfète du Bas-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. Par un jugement du 31 mai 2022, dont M. C... relève appel, le magistrat désigné du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Si la légalité d'une décision administrative s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise, il appartient au juge de tenir compte de l'ensemble des justifications apportées devant lui, dès lors qu'elles attestent de faits antérieurs ou contemporains à la décision contestée, même si ces éléments n'ont pas été portés à la connaissance de l'administration avant qu'elle se prononce.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. C... entretient depuis 2017 une relation avec Mme A..., ressortissante nigériane, titulaire d'une carte de résident en qualité de réfugiée valable jusqu'en novembre 2027, que l'intéressé, qui demeurait alors en Belgique, est entré en France le 3 août 2020 pour y solliciter l'asile et rejoindre sa compagne, avec laquelle il a eu une fille née en avril 2021, que M. C... a reconnu de manière anticipée cette enfant et assisté aux rendez-vous prénataux puis aux consultations médicales de sa fille. Il ressort également des pièces du dossier que le couple réside depuis novembre 2021 dans le logement proposé à Mme A... par un logeur social, cette dernière étant jusqu'alors hébergée par un couple de retraités, à leur domicile, à titre humanitaire. Dans ces conditions, eu égard notamment à l'impossibilité pour la cellule familiale du requérant de se reconstituer au Nigéria du fait du statut de réfugiée de Mme A..., et alors même que M. C... ne conteste pas être le père d'un enfant mineur résidant dans le pays dont il a la nationalité, la décision portant obligation de quitter le territoire français contestée porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande, et à demander l'annulation de la décision du 30 mars 2022 par laquelle la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français ainsi que, par voie de conséquence, celle des décisions fixant le délai de départ volontaire à trente jours et désignant le pays de son renvoi.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

6. Le présent arrêt, par lequel la Cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par M. C... à l'encontre de la mesure d'éloignement prise à son encontre, n'implique pas que l'administration délivre un titre de séjour à ce dernier. Il y a seulement lieu d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de statuer à nouveau sur la situation de l'intéressé dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer sans délai l'autorisation provisoire de séjour prévue à l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Par la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 6 février 2023, M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Rommelaere, conseil de M. C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cet avocat d'une somme de 1 500 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2202618 du 31 mai 2022 du tribunal administratif de Strasbourg et l'arrêté du 30 mars 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a fait obligation à M. C... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Bas-Rhin de procéder au réexamen de la situation de M. C... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à Me Rommelaere, avocat de M. C..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Rommelaere renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Rommelaere.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

- Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2023.

La rapporteure,

Signé : M. Bourguet-ChassagnonLa présidente,

Signé : A. Samson-Dye

La greffière,

Signé : M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

M. B...

2

N° 22NC01763


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01763
Date de la décision : 04/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: Mme Mariannick BOURGUET-CHASSAGNON
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : ROMMELAERE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-07-04;22nc01763 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award