Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 25 mars 2022, par lesquels la préfète du Bas-Rhin a ordonné son transfert aux autorités allemandes et l'a assigné à résidence pour une durée de 45 jours, renouvelable trois fois, dans le département du Haut-Rhin.
Par un jugement n° 2202626 du 4 mai 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 juin 2022 et le 22 août 2022, M. C..., représenté par Me Rafiei-Damneh, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les arrêtés de la préfète du Bas-Rhin du 25 mars 2022 ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin d'enregistrer sa demande d'asile selon la procédure normale dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du seizième jour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision ordonnant son transfert aux autorités allemandes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, méconnait les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- elle méconnait les articles 4 et 19 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
- la décision portant assignation à résidence est entachée d'illégalité en conséquence de l'illégalité de la décision portant transfert aux autorités allemandes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 août 2022, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- le requérant a été déclaré en fuite, le délai de transfert aux autorités allemandes est ainsi prolongé de dix-huit mois ;
- les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 3 février 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 20 février 2023.
En application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées par courrier en date du 4 avril 2023, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce qu'il n'y avait plus lieu à statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation de l'arrêté de transfert en raison de la caducité de cette décision.
Par un mémoire, enregistré le 12 avril 2023, la préfète du Bas-Rhin a présenté des observations en réponse au moyen soulevé d'office.
Elle soutient que les conclusions de la requête ne sont pas sans objet en raison de la prolongation du délai de transfert porté à 18 mois du fait de la fuite de M. C....
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 28 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience publique.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bourguet-Chassagnon a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant camerounais né le 26 janvier 1985, entré irrégulièrement en France le 2 mars 2022, selon ses déclarations, a sollicité des autorités françaises son admission au séjour au titre de l'asile le 4 mars 2022. La consultation du fichier Eurodac ayant révélé que ses empreintes ont été relevées par les autorités allemandes et belges, la préfète du Bas-Rhin a saisi les autorités allemandes, le 7 mars 2022, d'une demande de reprise en charge en application de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 avant de saisir le surlendemain les autorités belges d'une demande de prise en charge en application de l'article 12 de ce même règlement. Seules les autorités allemandes ont accepté le 11 mars 2022 la reprise en charge de M. C..., en application de l'article 18-1 de ce règlement. Par deux arrêtés du 25 mars 2022, notifiés le 19 avril 2022, la préfète du Bas-Rhin a prononcé son transfert auprès des autorités allemandes et l'a assigné à résidence dans le département du Bas-Rhin pour une durée de 45 jours. Par un jugement du 4 mai 2022, dont M. C... relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur la décision de transfert aux autorités allemandes :
2. Aux termes de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur (...) de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue(...), au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. / 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté (...) à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ". Aux termes de l'article 9 du règlement n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 dans sa rédaction issue du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 : " (...) 2. Il incombe à l'Etat membre qui, pour un des motifs visés à l'article 29, paragraphe 2, du règlement (UE) n°604/2013, ne peut procéder au transfert dans le délai normal de six mois à compter de la date de l'acceptation de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée, ou de la décision finale sur le recours ou le réexamen en cas d'effet suspensif, d'informer l'Etat responsable avant l'expiration de ce délai. À défaut, la responsabilité du traitement de la demande de protection internationale et les autres obligations découlant du règlement (UE) n°604/2013 incombent à cet Etat membre conformément aux dispositions de l'article 29, paragraphe 2, dudit règlement ". Aux termes de l'article L.572-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office avant l'expiration d'un délai de quinze jours. Toutefois, ce délai est ramené à quarante-huit heures dans les cas où une décision d'assignation à résidence en application de l'article L. 751-2 ou de placement en rétention en application de l'article L. 751-9 a été notifiée avec la décision de transfert ou que l'étranger fait déjà l'objet de telles mesures en application des articles L. 731-1, L. 741-1, L. 741-2, L. 751-2 ou L. 751-9. / Lorsque le tribunal administratif a été saisi d'un recours contre la décision de transfert, celle-ci ne peut faire l'objet d'une exécution d'office avant qu'il ait été statué sur ce recours ". Aux termes de l'article L. 572-4 de ce code : " L'étranger qui fait l'objet d'une décision de transfert (...) peut, dans les conditions et délais prévus à la présente section, en demander l'annulation au président du tribunal administratif (...) ". Aux termes de l'article L. 572-7 du même code : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre VII. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé ".
3. D'une part, il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le jugement du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande, a été notifié à l'administration, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.
4. D'autre part, il résulte des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement n° 604/2013, combinées avec celles du règlement n° 1560/2003 modifié qui en porte modalités d'application, que si l'Etat membre sur le territoire duquel séjourne le demandeur d'asile a informé l'Etat membre responsable de l'examen de la demande, avant l'expiration du délai de six mois dont il dispose pour procéder au transfert de ce demandeur, qu'il n'a pu y être procédé du fait de la fuite de l'intéressé, l'Etat membre requis reste responsable de l'instruction de la demande d'asile pendant un délai de dix-huit mois, courant à compter de l'acceptation de la reprise en charge, dont dispose l'Etat membre sur le territoire duquel séjourne le demandeur pour procéder à son transfert. Il résulte clairement des dispositions de l'article 29, que la notion de fuite doit s'entendre comme visant notamment le cas où un ressortissant étranger se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à une mesure d'éloignement le concernant.
5. Enfin, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit, dans son arrêt du 19 mars 2019, Jawo (C-163/17), que : " L'article 29, paragraphe 2, seconde phrase, du règlement Dublin III doit être interprété en ce sens qu'un demandeur " prend la fuite ", au sens de cette disposition, lorsqu'il se soustrait délibérément aux autorités nationales compétentes pour procéder à son transfert, afin de faire échec à ce dernier. Il peut être présumé que tel est le cas lorsque ce transfert ne peut être mis à exécution en raison du fait que ce demandeur a quitté le lieu de résidence qui lui a été attribué sans avoir informé les autorités nationales compétentes de son absence, à condition qu'il ait été informé de ses obligations à cet égard, ce qu'il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier. Ce demandeur conserve la possibilité de démontrer que le fait qu'il n'a pas avisé ces autorités de son absence est justifié par des raisons valables et non pas par l'intention de se soustraire à ces autorités ". Il ressort en outre de cet arrêt que la fuite doit être appréciée sur la base de preuves concrètes et objectives au regard des circonstances particulières de chaque espèce.
6. Le délai initial de six mois dont disposait la préfète du Bas-Rhin pour procéder à l'exécution de sa décision de transférer M. C... vers l'Allemagne a été interrompu par la saisine du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg. Ce délai a recommencé à courir à compter de la notification à l'administration du jugement rendu le 4 mai 2022, soit le 5 mai 2022. Le 17 mai 2022, l'administration a déclaré l'intéressé en fuite via le réseau de communication électronique " DubliNet " et a informé les autorités allemandes d'un report du délai de transfert de l'intéressé jusqu'au 4 novembre 2023. Pour démontrer que M. C... était en situation de fuite à la date du 17 mai 2022, la préfète du Bas-Rhin se borne à verser au dossier la copie d'un échange de messages électroniques entre l'agent de l'office français de l'immigration et de l'intégration en charge du dossier de M. C... et un responsable de l'association Accueil sans frontières 67, dont il ressort que le requérant avait accepté son orientation vers un nouveau lieu d'hébergement, l'HUDA ASF de Benfeld, et qu'il ne s'était pourtant pas présenté en gare de Benfeld le 12 mai 2022 à l'horaire prévu. En réponse, le requérant qui conteste s'être trouvé en fuite au sens du 2 de l'article 29 précité du règlement n° 604/2013, indique qu'en raison de l'aggravation de son état de santé nécessitant une intervention chirurgicale et des soins réguliers au centre hospitalier de Strasbourg, ce dont il justifie, il avait conservé son hébergement à Strasbourg, étant dans l'impossibilité tant physique que financière d'emprunter plusieurs fois par semaine les transports en commun.
7. D'une part, il n'est pas établi, ni même allégué par l'administration, que l'intéressé aurait été effectivement informé de ce qu'il devait aviser les autorités nationales compétentes de son absence dans l'hypothèse où il devrait quitter le lieu de résidence qui lui avait été attribué. D'autre part, en l'espèce, la seule circonstance que le requérant n'ait pas rejoint son nouveau lieu d'hébergement, alors qu'il continuait à être domicilié au SPADA 67, situé 2 rue Bartish à Strasbourg, ne saurait être regardée comme ayant eu pour effet d'empêcher la mise à exécution de la décision de transfert. Il ressort en effet des pièces du dossier que l'adresse de l'intéressé, demeurée inchangée tant au cours de la procédure administrative que contentieuse, était nécessairement connue de l'administration. Alors que le requérant a indiqué vouloir coopérer malgré ses problèmes de santé lors de la notification des arrêtés litigieux, la préfète du Bas-Rhin ne fait état d'aucune diligence accomplie par ses services en vue de procéder au transfert effectif de M. C... vers l'Allemagne avant la date du 5 novembre 2022 ni d'aucun manquement de l'intéressé à une convocation qui lui aurait été notifiée par les services de la préfecture ou à l'obligation de pointage hebdomadaire édictée à son encontre le 25 mars 2022. En tout état de cause, son abstention à se rendre dans le centre d'hébergement vers lequel il avait été orienté est suffisamment justifiée par la dégradation de son état de santé, dont il avait d'ailleurs fait mention à l'occasion de la notification de l'arrêté de transfert contesté, le 19 avril 2022. Il ressort en effet des certificats délivrés par des praticiens hospitaliers les 6 et 9 mai 2022 ainsi que les 18 et 23 août suivants, que le patient souffrait de douleurs importantes et croissantes, d'épisodes de fièvre à domicile, ne pouvait maintenir une position debout prolongée, présentait des difficultés à la marche et à la mobilisation en raison d'un abcès complexe n'ayant pu être mis en évidence qu'à la suite d'un examen radiologique (IRM) et pour lequel il a finalement été opéré en urgence le 23 août 2022. Dans ces conditions, le requérant ne peut être regardé comme s'étant soustrait délibérément aux autorités nationales compétentes pour procéder à son transfert, afin de faire échec à ce dernier.
8. Par suite, M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que la préfète du Bas-Rhin l'a déclaré en fuite et a prolongé le délai d'exécution de la décision de transfert jusqu'au 4 novembre 2023.
9. Il résulte de ce qui précède que le délai d'exécution de la décision de transfert auprès des autorités allemandes expirait au 5 novembre 2022, date à laquelle la France est devenue responsable de l'examen de la demande de protection internationale de M. C.... Par suite, la décision de transfert est devenue caduque et ne pouvait plus être légalement exécutée. Cette caducité étant intervenue postérieurement à l'introduction de l'appel, les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté ordonnant son transfert aux autorités allemandes sont désormais dépourvues d'objet. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. C... à fin d'annulation de la décision ordonnant son transfert aux autorités allemandes.
Sur la décision portant assignation à résidence :
10. L'arrêté portant assignation à résidence de l'intéressé ayant été exécuté et ayant produit des effets, il y a lieu de statuer sur les conclusions tendant à son annulation, au soutien desquelles le requérant invoque le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'arrêté de transfert.
11. Aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité (...) ". Il résulte des dispositions citées que la faculté laissée à chaque Etat membre, par l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans ce règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
12. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.
13. D'une part, s'il ressort des pièces du dossier et, en particulier, des certificats médicaux établis par des praticiens de l'hôpital civil de Strasbourg des 6 et 9 mai 2022 et des 18 et 23 août suivant, qu'à ces dates le requérant a été pris en charge pour une pathologie ayant nécessité finalement une hospitalisation en urgence, ces certificats sont postérieurs à la date de la décision en litige. Ils ne mentionnent pas la date de début des soins ou d'apparition constatée de troubles nécessitant une prise en charge. Ils ne sont donc pas de nature à établir qu'à la date de l'arrêté de transfert contesté, à laquelle doit être appréciée sa légalité, l'état de santé de M. C... faisait obstacle à son transfert en Allemagne, où il a, au demeurant, bénéficié d'une intervention chirurgicale par le passé afin de traiter la pathologie qui l'affecte.
14. Par suite, en s'abstenant de faire application de la clause discrétionnaire prévue au 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013, la préfète du Bas-Rhin n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
15. D'autre part, M. C... soutient que la décision de transfert l'expose au risque d'être renvoyé au Cameroun, dans lequel il encourt des risques pour sa vie à raison de sa participation passée au conflit qui perdure dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest de ce pays en tant que membre des forces armées, en violation des dispositions de l'article 19 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et de subir des traitements inhumains ou dégradants prohibés à l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 4 de la Charte. Toutefois, l'Allemagne est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. A supposer même que la demande d'asile de l'intéressé aurait été définitivement rejetée par les autorités allemandes, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier qu'il ne serait pas en mesure de faire valoir, le cas échéant, devant ces mêmes autorités, tout élément nouveau relatif à l'évolution de sa situation personnelle et à la situation qui prévaut dans son pays d'origine ni que ces mêmes autorités, en conséquence de leur acceptation de la reprise en charge de M. C..., n'évalueront pas de nouveau, avant de procéder à un éventuel éloignement de l'intéressé vers son pays d'origine, les risques auxquels il y serait exposé en cas de retour. Alors que l'intéressé ne fait état d'aucun élément particulier susceptible d'établir qu'il serait soumis, en Allemagne, à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et aux articles 4 et 19 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse serait contraire à ces stipulations ne peuvent qu'être écartés.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. C..., qui ne saurait exciper de l'illégalité de la décision de transfert, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande, en tant qu'il contestait l'arrêté du 25 mars 2022 l'assignant à résidence dans le département du Bas-Rhin. Ses conclusions à fin d'injonction doivent, par voie de conséquence, être rejetées, ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de transfert aux autorités allemandes du 25 mars 2022 de la préfète du Bas-Rhin.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Rafiei-Damneh.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 25 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Samson-Dye, présidente de chambre,
- Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,
- Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2023.
La rapporteure,
Signé : M. Bourguet-ChassagnonLa présidente,
Signé : A. Samson-Dye
La greffière,
Signé : M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
M. B...
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N° 22NC01442