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04/07/2023 | FRANCE | N°22NC01325

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 04 juillet 2023, 22NC01325


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... et Mme B... C... née I... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 17 janvier 2019, par lesquels le préfet du Haut-Rhin a rejeté leurs demandes de délivrance d'un titre de séjour, ensemble la décision de rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement nos 1904122, 1904123 du 27 mai 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 ma

i 2022 et le 19 août 2022 sous le n° 22NC01325, M. E... C..., représenté par Me Boukara, deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... et Mme B... C... née I... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 17 janvier 2019, par lesquels le préfet du Haut-Rhin a rejeté leurs demandes de délivrance d'un titre de séjour, ensemble la décision de rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement nos 1904122, 1904123 du 27 mai 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 mai 2022 et le 19 août 2022 sous le n° 22NC01325, M. E... C..., représenté par Me Boukara, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 27 mai 2021 en tant qu'il le concerne ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 17 janvier 2019 ainsi que le rejet du recours gracieux du 29 mars 2019 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son profit de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de verser à son conseil la somme de 600 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement :

- le premier juge n'a pas répondu au moyen tiré des erreurs de faits entachant l'arrêté attaqué ;

S'agissant du bien-fondé du jugement :

- la décision de refus de titre de séjour est entachée de plusieurs erreurs de fait ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mise en œuvre du pouvoir de régularisation du préfet du Haut-Rhin dès lors qu'il remplit les critères posés par la circulaire du 28 novembre 2012 dont il peut se prévaloir ;

- elle a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;

- l'annulation des décisions édictées à l'encontre de son épouse implique d'annuler les décisions le concernant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 août 2022, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par décision du 3 mars 2022.

II. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 mai 2022 et le 19 août 2022 sous le n° 22NC01326, Mme B... C... née I..., représentée par Me Boukara, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 27 mai 2021 en tant qu'il la concerne ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 17 janvier 2019 ainsi que le rejet du recours gracieux du 29 mars 2019 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son profit de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de verser à son conseil la somme de 600 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement :

- le premier juge n'a pas répondu au moyen tiré de l'insuffisante motivation du refus de titre de séjour s'agissant de sa demande d'admission exceptionnelle visant à obtenir la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " ;

- le premier juge n'a pas répondu au moyen tiré des erreurs de faits entachant l'arrêté attaqué ;

S'agissant du bien-fondé du jugement :

- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée en ce qui concerne sa demande de délivrance d'un titre de séjour " salarié " en application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa demande ;

- elle est entachée de plusieurs erreurs de fait ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mise en œuvre du pouvoir de régularisation du préfet du Haut-Rhin dès lors qu'elle remplit les critères posés par la circulaire du 28 novembre 2012 dont elle peut se prévaloir ;

- elle a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 août 2022, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par décision du 3 mars 2022.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience publique.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bourguet-Chassagnon a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C..., ressortissants du H... nés respectivement le 10 octobre 1960 et le 6 octobre 1971, sont entrés irrégulièrement en France au cours du mois de septembre 2013, pour y solliciter l'asile. Leurs demandes ont été rejetées par décisions du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 20 septembre 2013, confirmées par la cour nationale du droit d'asile le 23 juillet 2014. Les mesures d'éloignement prononcées à leur encontre par arrêtés du 19 février 2014 du préfet du Haut-Rhin sont demeurées inexécutées. Par la suite, Mme C... a présenté une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, rejetée par un arrêté du 29 juillet 2014. A la suite de l'annulation contentieuse de cet arrêté par un jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 octobre 2014, l'intéressée s'est vue délivrer le 6 juillet 2015 une carte de séjour temporaire pour raisons médicales, renouvelée pour la période du 6 juillet 2016 au 5 juillet 2017, M. C... bénéficiant parallèlement d'autorisations provisoires de séjour en conséquence. Par un arrêté du 9 août 2018, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui accorder le renouvellement de ce titre de séjour tout en invitant les époux C... à présenter auprès de ses services une demande d'admission exceptionnelle au séjour. Par deux arrêtés du 17 janvier 2019, le préfet du Haut-Rhin a refusé de leur délivrer les titres demandés. Leur recours gracieux a été rejeté par une décision du 29 mars 2019. Par un jugement du 27 mai 2021, dont les requérants relèvent appel par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés ainsi que du rejet de leur recours gracieux.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Strasbourg a expressément répondu au moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision de refus de titre de séjour édictée à l'encontre de Mme C.... Il en va de même s'agissant du moyen, commun aux deux demandes, tiré de ce que les décisions attaquées seraient entachées d'erreurs de fait. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité en raison d'un défaut de réponse à des moyens opérants.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...). Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

4. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. ". En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".

5. Il ressort des pièces du dossier, notamment des formulaires de demande d'admission au séjour renseignés par M. et Mme C..., de leur courrier d'accompagnement du 9 octobre 2018 ainsi que du compte-rendu de l'entretien en préfecture effectué le 10 octobre 2018, que les intéressés ont présenté une demande d'admission exceptionnelle au séjour en se prévalant de la durée de leur présence en France, de la scolarisation de deux de leurs enfants et de leur intégration réussie au sein de la commune de Mulhouse, afin de solliciter la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en application des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des critères de la circulaire du 28 novembre 2012. Saisi de ces demandes, le préfet a étudié la possibilité de leur délivrer des cartes de séjour temporaires portant la mention " vie privée et familiale ", en application des dispositions mentionnées et de celles de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Compte tenu de la formulation précise de la demande de titre de séjour de Mme C..., reprise dans le cadre de son recours gracieux, et à supposer même établi que l'intéressée ait transmis aux services de la préfecture, avant l'édiction de l'arrêté contesté, le contrat à durée déterminée d'insertion conclu avec l'association Acces pour un emploi d'agent de production ainsi que divers bulletins de salaire pour la période du 1er août 2017 au 22 février 2019, le préfet du Haut-Rhin n'était pas tenu d'examiner si Mme C... pouvait prétendre à la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " dans le cadre des dispositions de l'article L. 313-14 précité. Le moyen tiré du défaut d'examen de la demande de Mme C... ne peut, dès lors, qu'être écarté.

6. Les décisions individuelles défavorables doivent comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent leur fondement. Les décisions contestées visent les textes dont elles font application, en particulier les articles L. 313-14 et L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionnent les faits qui en constituent le fondement. Le préfet du Haut-Rhin a notamment relevé que Mme C... ne remplissait pas les conditions de délivrance de plein droit d'un titre de séjour compte tenu des conditions et de la durée de son séjour, de l'absence de véritable insertion dans la société française, de sa faible maîtrise de la langue française, du parcours scolaire fragile et peu assidu de ses enfants et de la présence de l'une de ses filles au H.... L'arrêté souligne également que l'intéressée ne présente aucune considération humanitaire ou motif exceptionnel permettant de l'admettre exceptionnellement au séjour en raison des liens qu'elle conserve avec le pays dont elle a la nationalité, le H.... Par suite, le préfet qui n'était pas saisi par Mme C... d'une demande de délivrance d'une carte de séjour temporaire mention " salarié " en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi qu'il a été dit au point 5, n'a pas entaché les décisions contestées d'une insuffisance de motivation.

7. Les requérants soutiennent que le préfet a fondé les décisions en litige sur des motifs erronés en fait. D'une part, ils font valoir qu'ils sont bien insérés dans la société française dès lors que Mme C... a suivi des cours de français en 2015-2016 avant d'exercer une activité professionnelle depuis le 1er août 2017, que M. C... s'est inscrit à des cours de français en 2018 et travaille depuis octobre 2020 pour l'association Access et que depuis 2019, leur fils A... s'est investi dans sa scolarité. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que les intéressés, qui ne peuvent utilement se prévaloir de circonstances postérieures aux décisions contestées, justifiaient d'une insertion particulière impliquant que leur soient délivrés des titres de séjour à la date de ces arrêtés. D'autre part, ils estiment que le préfet s'est mépris sur les conditions de leur séjour en France entre 2013 et 2019 alors qu'ils y ont résidé durant la majeure partie de cette période sous couvert de cartes de séjour temporaire ou d'attestations provisoires de séjour. Si le préfet omet en effet de mentionner que les intéressés ont séjourné régulièrement en France pendant plus de trois années et demi en raison de l'état de santé de Mme C... et mentionne à tort les arrêtés de refus de titre de séjour du 29 juillet 2014 pris à leur encontre, annulés par un jugement définitif du 16 octobre 2014 du tribunal administratif de Strasbourg, il ressort toutefois des pièces du dossier que le préfet aurait pris les mêmes décisions au regard des autres motifs de fait retenus pour refuser de leur délivrer un titre de séjour. Le moyen ne peut dès lors qu'être écarté.

8. La décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux du 4 février 2015 Ministre de l'intérieur c/ M. F... D... a jugé que la personne en droit de prétendre à l'attribution d'un avantage prévu par un texte peut se prévaloir, devant le juge administratif, des lignes directrices publiées permettant de déterminer à qui l'attribuer parmi ceux qui sont en droit d'y prétendre, mais qu'il en va autrement lorsque l'administration a défini des orientations générales pour l'octroi d'une mesure de faveur au bénéfice de laquelle l'intéressé ne peut faire valoir aucun droit. Elle a jugé que la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile comportait des orientations générales destinées à éclairer les préfets dans l'exercice de leur pouvoir de prendre des mesures de régularisation des étrangers en situation irrégulière, mesures de faveur au bénéfice desquelles ceux-ci ne peuvent faire valoir aucun droit, et que les intéressés ne peuvent donc utilement se prévaloir de telles orientations à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir contre une décision préfectorale refusant de régulariser leur situation par la délivrance d'un titre de séjour.

9. En instituant le mécanisme de garantie de l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration, le législateur n'a pas permis de se prévaloir d'orientations générales dès lors que celles-ci sont définies pour l'octroi d'une mesure de faveur au bénéfice de laquelle l'intéressé ne peut faire valoir aucun droit, alors même qu'elles ont été publiées sur l'un des sites mentionnés à l'article D. 312-11 précité. S'agissant des lignes directrices, le législateur n'a pas subordonné à leur publication sur l'un de ces sites la possibilité pour toute personne de s'en prévaloir, à l'appui d'un recours formé devant le juge administratif.

10. Dès lors qu'un étranger ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, il ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de ces dispositions, des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 pour l'exercice de ce pouvoir. Les requérants ne sont, par suite, pas fondés à invoquer cette

circulaire.

11. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

12. Entrés en France en septembre 2013, les requérant se prévalent d'un séjour habituel en France d'un peu plus de 5 ans, dont plus de trois années en situation régulière, de la scolarisation de leurs deux enfants mineurs depuis janvier 2014 et des efforts accomplis pour s'insérer dans la société française. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'à la date des décisions litigieuses, les intéressés s'étaient maintenus sur le territoire français malgré une mesure d'éloignement édictée en février 2014, que l'état de santé de Mme C... ne justifiait plus que soit renouvelé le titre de séjour en qualité d'étranger malade qui lui avait été accordé en 2015, que M. C... ainsi que les deux enfants du couple rencontraient des difficultés dans la maîtrise de la langue française et que la scolarité de de leur fils A... était marquée par de nombreuses absences ainsi que des problèmes de comportement relevés par certains de ses professeurs. De plus, les intéressés n'étaient pas dépourvus d'attaches familiales dans le pays dont ils ont la nationalité, le H..., où résidait leur fille G... en 2019 et où ils ont vécu, respectivement, jusqu'à l'âge de 53 et 42 ans. Ainsi, les décisions de refus de délivrance d'un titre de séjour n'ont pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. et Mme C... au respect de leur vie privée et familiale. Le préfet du Haut-Rhin n'a, par suite, en prenant ces décisions, méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Au regard des circonstances précédemment rappelées, ces décisions ne sont pas entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur la situation personnelle des requérants.

13. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

14. M. et Mme C... invoquent la scolarisation en France de leurs deux enfants, âgés de 15 et 10 ans, respectivement en classes de 2nde professionnelle et de CM1 à la date des décisions contestées et soutiennent que les refus de titre de séjour ont pour effet de placer l'ensemble de la famille dans une situation de grande précarité. Toutefois, la seule scolarisation en France des deux enfants depuis janvier 2014 ne suffit pas à caractériser une atteinte à leur intérêt supérieur, dès lors que les requérants n'invoquent aucun obstacle à ce que ceux-ci poursuivent leur scolarité au H..., pays dont ils ont la nationalité et où ils ont vécu jusqu'en 2013 et dans lequel M. C... a exercé une activité professionnelle en qualité de maçon pendant plus de 17 ans. Ainsi, les décisions litigieuses, qui n'ont ni pour objet, ni pour effet de séparer les enfants de leurs parents ou de les empêcher de poursuivre leur scolarité dans leurs pays d'origine, n'ont pas méconnu les stipulations citées au point précédent.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. E... C... et de Mme B... C... née I... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C..., à Mme B... C... née I..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Boukara.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente de chambre,

- Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

- Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2023.

La rapporteure,

Signé : M. Bourguet-ChassagnonLa présidente,

Signé : A. Samson-Dye

La greffière,

Signé : M. J...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

M. J...

2

Nos 22NC01325, 22NC01326


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01325
Date de la décision : 04/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: Mme Mariannick BOURGUET-CHASSAGNON
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : BOUKARA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-07-04;22nc01325 ?
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