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29/06/2023 | FRANCE | N°20NC02608

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 29 juin 2023, 20NC02608


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 26 juin 2018, par lequel le maire de la commune de Hauteroche a accordé un permis de construire modificatif portant sur l'installation d'une porte de garage, la construction d'une terrasse et d'un carport ainsi que la modification de la couverture du pool house à M. et Mme C..., faisant suite au permis de construire délivré par arrêté du 6 juin 2016, portant sur la construction d'un garage et d'un pool house.

Par

un jugement n° 1801514 du 8 juillet 2020, le tribunal administratif de Besanç...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 26 juin 2018, par lequel le maire de la commune de Hauteroche a accordé un permis de construire modificatif portant sur l'installation d'une porte de garage, la construction d'une terrasse et d'un carport ainsi que la modification de la couverture du pool house à M. et Mme C..., faisant suite au permis de construire délivré par arrêté du 6 juin 2016, portant sur la construction d'un garage et d'un pool house.

Par un jugement n° 1801514 du 8 juillet 2020, le tribunal administratif de Besançon a partiellement fait droit à cette requête en annulant l'arrêté du 26 juin 2018, en tant qu'il autorise la construction d'un mur bahut d'une hauteur supérieure à 0,50 mètres.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 7 septembre 2020 et le 20 avril 2023, la commune de Hauteroche, représentée par Me Suissa, demande à la cour :

1°) d'annuler partiellement le jugement du tribunal administratif de Besançon du 8 juillet 2020, en tant qu'il annule l'arrêté du 26 juin 2018 en ce qu'il autorise la construction d'un mur bahut d'une hauteur supérieure à 0,50 mètres ;

2°) de mettre à la charge de M. et Mme B..., une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a déclaré la requête de M. et Mme B... recevable, dès lors qu'ils ne justifiaient pas d'un intérêt pour agir contre l'arrêté litigieux ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que l'arrêté litigieux méconnaît les dispositions de l'article UA11 du règlement du PLU de Crançot.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 avril 2023, M. et Mme B..., représentés Me Elise Humbert, concluent, :

1°) à titre principal, par voie d'appel incident, à l'annulation du jugement du tribunal administratif, en ce qu'il n'a pas annulé l'arrêté du 26 juin 2018 dans son intégralité et par voie de conséquence à l'annulation intégrale de l'arrêté du 26 juin 2018 ;

2°) à titre subsidiaire, au rejet de la requête de la commune ;

3°) à ce que soit mis à la charge de la commune de Hauteroche, le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils justifient d'un intérêt à agir ;

- l'arrêté litigieux méconnaît les dispositions de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme ;

- l'arrêté litigieux méconnaît les dispositions de l'article UA11 du règlement du PLU de Crançot ;

- l'arrêté litigieux a été obtenu à la suite de manœuvres frauduleuses, constitutives d'une fraude, entachant sa légalité.

- les moyens allégués par la commune de Hauteroche ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à M. et Mme C... qui n'ont pas produit de mémoire.

La clôture de l'instruction a été fixée au 28 avril 2023 par une ordonnance du 6 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Wallerich, président,

- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,

- et les observations de Me Clément substituant Me Suissa, conseil de la commune de Hauteroche et de Me Humbert conseil de M. et Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 6 juin 2016, le maire de la commune de Hauteroche a délivré un permis de construire un garage et un pool house à M. et Mme C.... Par un arrêté du 26 juin 2018, un permis de construire modificatif portant sur l'installation d'une porte de garage, la construction d'une terrasse et d'un carport, ainsi que la modification de la couverture du pool house, leur a été accordé. Par une demande introduite devant le tribunal administratif de Besançon, M. et Mme B... ont sollicité l'annulation de l'arrêté du 26 juin 2018. Par un jugement du 8 juillet 2020, le tribunal administratif de Besançon a partiellement fait droit à cette demande, en annulant l'arrêté contesté seulement en ce qu'il autorise la construction d'un mur bahut d'une hauteur supérieure à 0,50 mètres. La commune de Hauteroche relève appel de ce jugement, seulement en ce qu'il annule partiellement l'arrêté. Par la voie de l'appel incident, M. et Mme B... demandent à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif, en ce qu'il n'a pas annulé l'arrêté du 26 juin 2018 dans son intégralité et par voie de conséquence, d'annuler l'arrêté du 26 juin 2018 dans son intégralité.

Sur la régularité du jugement attaqué :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance tirée de l'absence d'un intérêt conférant la qualité pour agir au sens de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme :

2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".

3. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

4. Lorsque le requérant, sans avoir contesté le permis initial, forme un recours contre un permis de construire modificatif, son intérêt pour agir doit être apprécié au regard de la portée des modifications apportées par le permis modificatif au projet de construction initialement autorisé.

5. La commune fait valoir que la demande de première instance était irrecevable au motif que M. et Mme B... n'avait pas d'intérêt à agir contre l'arrêté du 26 juin 2018 portant permis de construire modificatif. En l'espèce, il ressort toutefois des pièces du dossier que la résidence principale de M. et Mme B... se situe à proximité immédiate du terrain d'assiette du projet, les deux parcelles étant contiguës. Ils justifient donc de la qualité de voisins immédiats et bénéficient ainsi de la présomption rappelée au point 3. Aussi, eu égard aux constructions autorisées par le permis de construire modificatif, ils démontrent avoir une vue directe et plongeante, notamment sur la terrasse en litige. Par voie de conséquence, c'est à bon droit que le tribunal administratif a pu estimer que M. et Mme B... justifiaient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir et regarder leur demande de première instance recevable.

Sur la légalité de l'arrêté du 26 juin 2018 :

En ce qui concerne les conclusions d'appel principal présentées par la commune de Hauteroche :

6. Aux termes de l'article UA11 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de Crançot alors applicable : " Tant à l'alignement que sur les limites séparatives, les clôtures doivent être le moins visibles possible et constituées par des haies vives ou du grillage de couleur neutre comportant ou non un mur bahut. La hauteur totale n'excédera pas 1,50 m, y compris le mur bahut, ce dernier ne pouvant excéder 0,50 m. A... le cas d'un terrain en pente, ces hauteurs sont des hauteurs moyennes ".

7. La commune fait valoir que l'arrêté contesté ne méconnaît pas les dispositions de l'article UA11 du règlement du PLU, relatif aux clôtures, dès lors que le mur de clôture, édifié avant la délivrance dudit permis, ne constitue pas selon elle un mur bahut et n'a pas été autorisé par l'arrêté contesté. Il ressort des pièces du dossier que le mur en cause sert de support au carport. A... cette mesure, il ne peut être regardé que comme un mur bahut servant à supporter cet autre élément architectural. Par conséquent, sa hauteur ne pouvait excéder 0,50 mètres conformément aux dispositions de l'article UA11 du règlement du PLU. Or, au regard des pièces du dossier, il apparaît que sa hauteur est d'1,40 mètres, bien supérieure à celle autorisée. Aussi, dès lors que cette construction figure dans le dossier de demande de permis de construire modificatif, en particulier sur les plans, le maire l'a implicitement mais nécessairement autorisé en délivrant l'arrêté contesté. Par voie de conséquence, la commune de Hauteroche n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article UA11 du règlement du PLU pour annuler sur ce point l'arrêté du 26 juin 2018.

En ce qui concerne les conclusions d'appel incident présentées par M. et Mme B... :

S'agissant du moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R.431-10 du code de l'urbanisme :

8. Aux termes du c) de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également (...) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ".

9. Les insuffisances ou omissions entachant un dossier de demande de permis de construire ne sont, en principe, susceptibles de vicier la décision prise, compte tenu des autres pièces figurant dans ce dossier, que si elles ont été de nature à affecter l'appréciation à laquelle se sont livrées les autorités chargées de l'examen de cette demande.

10. Les époux B... font valoir que l'arrêté du 26 juin 2018 méconnaît les dispositions du c) de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme, dès lors que le dossier de permis de construire ne comporte aucun document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages. Ils estiment que cette incomplétude a été de nature à altérer l'appréciation de l'autorité administrative, quant à la conformité du projet en la matière, dès lors que ces documents ont un caractère substantiel. Il ressort effectivement des pièces produites que le dossier de demande de permis de construire modificatif ne comporte aucun élément propre à l'insertion de la porte de garage, du carport, de la terrasse, ainsi que de la modification de la couverture du pool house, dans leur environnement. En revanche, il comprend plusieurs plans de coupe, des vues de chaque façade, ainsi que deux plans de masse, qui contiennent les modifications projetées par rapport à l'existant, ainsi que leurs hauteurs et aspects. Par conséquent, eu égard à l'ensemble des pièces du dossier de demande de permis modificatif, les insuffisances qu'il comporte n'ont pas été pas de nature à fausser l'appréciation de l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable. Partant, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que l'arrêté du 26 juin 2018 a été pris en méconnaissance de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme.

S'agissant du moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article UA11 du règlement du PLU de Crançot :

11. Aux termes de l'article UA11 du règlement du PLU : " les constructions doivent présenter un aspect compatible avec la tenue générale de la zone et l'harmonie du paysage environnant. Les principes suivants doivent être respectés : simplicité des formes, harmonie du volume, harmonie des couleurs, intégration dans le site ".

12. Les époux B... font valoir que l'arrêté du 26 juin 2018 méconnaît les dispositions de l'article UA11 du règlement du PLU de Crançot, dès lors que le projet ne s'intègre initialement pas dans le site, et que le permis de construire modificatif a pour effet d'aggraver le défaut d'harmonie visuelle, en autorisant la construction d'une terrasse et d'un carport. Si M. et Mme B... soutiennent que le projet initial ne s'intègre pas dans l'environnement, cela ne relève pas des modifications apportées par le permis de construire modificatif. Ils ne sont donc pas fondés à contester ces éléments, qui relèvent du permis de construire initial, dans la présente instance. Aussi, s'ils affirment que les modifications apportées par le permis de construire modificatif sont de nature à aggraver la situation et le défaut d'harmonie visuelle, ils se bornent à produire trois photographies, dont l'une n'est plus d'actualité, dès lors que le garage a été recouvert de la couleur grise autorisée dans le permis de construire initial. Aussi, les deux autres photographies ne sauraient justifier en quoi l'installation d'une porte de garage, la construction d'une terrasse à l'arrière du garage, la création d'un carport, ainsi que la modification de la couverture du pool house, seraient insusceptibles de s'intégrer dans leur environnement, eu égard aux dispositions de l'article UA11 du règlement du PLU précité. A... cette mesure le moyen précité doit être écarté.

S'agissant du moyen tiré de dissimulation de la véritable destination du projet constitutive de manœuvres frauduleuses :

13. Les époux B... estiment que le permis de construire modificatif est affecté d'une fraude entachant sa légalité, dès lors qu'il a été obtenu selon eux à la suite d'une dissimulation intentionnelle de la véritable destination du projet. A considérer que la véritable destination du projet ait effectivement été intentionnellement dissimulée, cette manœuvre serait de nature à compromettre la légalité du permis de construire initial portant sur la construction du garage, mais aucunement celle du permis de construire modificatif, qui, pour rappel, porte seulement sur l'installation d'une porte de garage, la construction d'une terrasse et d'un carport, ainsi que la modification de la couverture du pool house. Il ne saurait en être déduit que la déclaration de ces éléments cache en réalité une affectation, une utilisation, autre que celle mentionnée dans le dossier de demande de permis de construire modificatif à la date de son dépôt. En conséquence, il ne ressort pas des pièces du dossier que le permis de construire modificatif est affecté d'une fraude de nature à entacher sa légalité. Partant, M. et Mme B... ne sont pas fondés à le soutenir.

14. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à demander l'annulation du jugement du 8 juillet 2020, en tant qu'il n'a pas annulé l'arrêté du 26 juin 2018 dans son intégralité ni l'annulation totale de cette décision.

Sur les frais d'instance :

15. A... les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. et Mme B... la somme que la commune de Hauteroche demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. De même, les dispositions de cet article font obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par M. et Mme B... soient mises à la charge de la commune de Hauteroche.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Hauteroche est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident de M. et Mme B... sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Hauteroche, à M. et Mme D... B... et à M. et Mme E... C....

Copie en sera adressée au préfet du Jura.

Délibéré après l'audience du 5 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- M. Sibileau, premier conseiller,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 juin 2023.

Le président-rapporteur,

Signé : M. WallerichL'assesseur le plus ancien

dans le grade le plus élevé,

Signé : J.B. Sibileau La greffière,

Signé : E. Delors

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

N° 20NC0260802


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02608
Date de la décision : 29/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: M. Marc WALLERICH
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : DSC AVOCATS TA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-06-29;20nc02608 ?
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