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27/06/2023 | FRANCE | N°22NC02217

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 27 juin 2023, 22NC02217


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 19 mai 2022 par lequel le préfet de la Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2201229 du 20 juillet 2022, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 et 23 août 202

2, M. A..., représenté par Me Lebaad, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 juille...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 19 mai 2022 par lequel le préfet de la Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2201229 du 20 juillet 2022, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 et 23 août 2022, M. A..., représenté par Me Lebaad, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 juillet 2022 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 19 mai 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 400 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté en litige est entaché d'insuffisance de motivation, en l'absence d'élément de fait concernant son parcours et sa situation, en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- il est intervenu en méconnaissance du principe du contradictoire garanti à l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- il est entaché d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête de M. A... a été communiquée au préfet de la Marne, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 16 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Brodier a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né en 2002 et de nationalité guinéenne, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 10 juillet 2021 selon ses déclarations, afin d'y solliciter l'asile. Sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 septembre 2021, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile le 22 février 2022. Par un arrêté du 19 mai 2022, le préfet de la Marne a fait obligation de quitter le territoire à M. A... dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le requérant relève appel du jugement du 20 juillet 2022 par lequel le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, l'arrêté en litige précise que la décision faisant obligation de quitter le territoire français à M. A... est fondée sur le 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'elle fait suite au rejet définitif de sa demande d'asile par la décision de la Cour nationale du droit d'asile du 22 février 2022. Il indique en outre que la décision fixant le pays de destination ne contrevient pas aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'intéressé n'ayant pas établi être exposé à des peines ou traitements contraires à ces stipulations en cas de retour dans son pays d'origine. L'arrêté en litige comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, et alors que les dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ne sauraient être utilement invoquées pour contester une mesure d'éloignement, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige est entaché d'insuffisance de motivation.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". L'article L. 122-1 du même code dispose : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (...) ". Aux termes de l'article L. 121-2 : " Les dispositions de l'article L. 121-1 ne sont pas applicables : (...) 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière ; (...) ".

4. Il résulte des dispositions du livre VI du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions portant obligation de quitter le territoire français. Ainsi, le requérant ne saurait utilement invoquer les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration à l'encontre de la mesure d'éloignement adoptée à son encontre. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire ne peut qu'être écarté.

5. En troisième lieu, il y a lieu d'adopter le motif retenu à bon droit par le premier juge, au point 6 du jugement attaqué, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. En quatrième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. M. A... ne résidait, à la date de l'arrêté en litige, que depuis dix mois sur le territoire français, où il ne justifie pas posséder des attaches familiales ou privées. Sa demande d'asile ne saurait sérieusement le faire regarder comme s'étant intégré en France. Quant à la circonstance que ses parents sont décédés, elle ne permet pas de lui ouvrir un droit à choisir le lieu le plus approprié pour poursuivre sa vie privée. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

8. En cinquième lieu, un ressortissant étranger ne peut faire l'objet d'une mesure prescrivant à son égard une obligation de quitter le territoire français en application de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour.

9. Eu égard aux circonstances mentionnées au point 7, M. A... ne justifie pas qu'il remplirait les conditions d'obtention d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En sixième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

11. Il ressort des pièces produites par M. A..., qui soutient faire l'objet de menaces de mort de la part de son demi-frère dans le cadre du partage de l'héritage de leur père, qu'il a obtenu la protection des autorités judiciaires de son pays, qui ont notamment requis des forces de police qu'elles recherchent son demi-frère afin qu'il soit présenté à un procureur de la République. Dans ces conditions, le requérant n'établit pas qu'il courrait, en cas de retour en Guinée, des risques de subir des traitements prohibés à l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations et des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Marne en date du 19 mai 2022. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me Lebaad et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Marne.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

- Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2023.

La rapporteure,

Signé : H. BrodierLa présidente,

Signé : A. Samson-DyeLa greffière,

Signé : M. B...La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

M. B...

2

N° 22NC02217


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02217
Date de la décision : 27/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: Mme Hélène BRODIER
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : LEBAAD

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-06-27;22nc02217 ?
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