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27/06/2023 | FRANCE | N°22NC02029

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 27 juin 2023, 22NC02029


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 15 juin 2022 par lequel la préfète de la Meuse a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2201709 du 24 juin 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administr

atif de Nancy a admis M. A... C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, réserv...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 15 juin 2022 par lequel la préfète de la Meuse a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2201709 du 24 juin 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a admis M. A... C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, réservé les conclusions tendant à l'annulation de la décision refusant de l'admettre au séjour, ainsi que les conclusions à fin d'injonction et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 qui s'y rapportent, annulé cet arrêté en tant qu'il édicte une obligation de quitter le territoire français à l'encontre de M. A... C..., fixe le pays à destination duquel il pourra être éloigné et prononce une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, enjoint à la préfète de la Meuse de procéder au réexamen de la situation de M. A... C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer dans l'attente de cet examen une autorisation provisoire de séjour, enfin mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, à verser à Me Corsiglia, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 juillet 2022, la préfète de la Meuse demande à la cour d'annuler ce jugement.

Elle soutient que c'est à tort que le premier juge a estimé que l'état de santé de l'intéressé était susceptible de relever du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors qu'aucun des éléments qu'il avait produits ne mentionnait la maladie de Barlow et qu'il n'avait pas formé de demande de titre de séjour, ni informé l'administration qu'il souffrait de cette pathologie et qu'elle pourrait faire obstacle à son éloignement.

Par un mémoire enregistré le 3 octobre 2022, M. A... C..., représenté par Me Corsiglia, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- à titre principal, c'est à bon droit que le premier juge a estimé que l'administration n'avait pas procédé à l'examen particulier de sa situation, au regard des éléments qu'il avait transmis concernant son état de santé, en s'abstenant de saisir le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- à titre subsidiaire, la préfète a entaché ses décisions d'erreur d'appréciation en fondant l'obligation de quitter le territoire français et le refus de lui accorder un délai de départ volontaire sur une menace pour l'ordre public qui n'est pas caractérisée ; l'illégalité du refus de délai de départ volontaire implique que l'administration n'était pas tenue de lui interdire le retour sur le territoire français, alors au demeurant que son état de santé caractérise des circonstances humanitaires faisant obstacle à ce qu'une telle mesure puisse être légalement édictée à son encontre.

Le bénéfice de l'aide juridictionnelle a été maintenu au profit de M. A... C... par décision du 15 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Samson-Dye a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... A... C..., ressortissant égyptien né le 1er janvier 1988, a fait l'objet d'un arrêté de la préfète de la Meuse du 15 juin 2022 refusant de l'admettre au séjour, l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné et lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Après avoir admis l'intéressé au bénéfice de l'aide juridictionnelle et réservé les conclusions tendant à l'annulation de la décision refusant de l'admettre au séjour, ainsi que les conclusions accessoires qui s'y rapportent, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a annulé cet arrêté en tant qu'il édicte une obligation de quitter le territoire français à l'encontre de M. A... C..., fixe le pays à destination duquel il pourra être éloigné et prononce une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. La préfète de la Meuse doit être regardée comme contestant ce jugement, en tant qu'il annule une partie de son arrêté du 15 juin 2022 et qu'il fait droit aux conclusions aux fins d'injonction et relatives aux frais d'instance.

Sur le moyen d'annulation retenu par le jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. / (...) ". L'article R. 611-1 du même code précise : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que lorsque le préfet envisage de prononcer une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un ressortissant étranger, il doit s'assurer que la situation de l'intéressé n'entre dans aucun des cas listés à l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En particulier, lorsque des éléments sérieux relatifs à l'état de santé de l'intéressé ont été portés à sa connaissance, il appartient au préfet d'examiner ces éléments en vue de mettre en œuvre la procédure prévue par les dispositions précitées pour faire constater cet état de santé notamment en délivrant le dossier contenant la notice explicative de la procédure et le certificat médical vierge devant être transmis au collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).

4. Pour annuler l'arrêté litigieux, le premier juge a retenu qu'alors même que M. A... C... n'avait pas sollicité de titre de séjour en raison de son état de santé, le dépôt de sa demande de titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", accompagnée de la production de pièces médicales relatives à son état de santé, ne pouvait s'analyser que comme une demande de protection contre une mesure d'éloignement et devait conduire la préfète à s'assurer de ce qu'aucun élément de sa situation, au regard de son état de santé, ne faisait obstacle à ce qu'une mesure d'éloignement soit prononcée à son encontre. Le magistrat désigné en a déduit que l'arrêté en litige, qui se bornait à relever que les éléments produits par l'intéressé n'étaient pas significatifs, ne permettait pas d'établir que la préfète avait procédé à un examen particulier de la situation personnelle du requérant avant de prononcer l'obligation de quitter le territoire français en litige.

5. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, si la demande de titre de séjour qu'avait formée M. A... C... pour obtenir sa régularisation comportait plusieurs pièces relatives à son état de santé, les documents en question se bornaient à faire état de la prescription de médicaments contre la douleur, de convocation à des examens d'imagerie, de deux passages aux urgences en août 2020 pour des douleurs à l'épaule faisant état d'un examen clinique sans particularité et de l'absence de fracture, ou de douleurs chroniques musculo-tendineuse sur hyper-sollicitation, en lien avec une activité dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, d'un traumatisme facial sans lésion au scanner cérébral en mai 2018, et enfin, plus récemment, d'une inaptitude à la pratique du sport, ainsi qu'au travail, sans autre précision, et d'une consultation en addictologie. Aucun de ces éléments ne faisait, en particulier, état de la maladie de Barlow, pathologie cardiaque dont M. A... C... s'était prévalu en première instance. L'intéressé ne justifie donc pas avoir porté à la connaissance de la préfète de la Meuse des éléments relatifs à cet état de santé pouvant être qualifiés de sérieux et justifiant une analyse particulière au regard des dispositions citées au point 2, ou la mise en œuvre de la procédure prévue pour faire constater l'état de santé d'un étranger qui sollicite le bénéfice de la protection prévue par l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Il suit de là que la préfète de la Meuse est fondée à soutenir que c'est à tort que le premier juge a estimé, pour annuler l'obligation de quitter le territoire, que la seule mention que les éléments produits par l'intéressé n'étaient pas significatifs révélait un manquement, commis par l'administration, à son obligation de procéder à un examen de la situation de l'intéressé sous un angle sanitaire, avant de prendre à son encontre une mesure d'éloignement. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... C... devant le tribunal administratif et la cour.

Sur la légalité de l'arrêté litigieux :

7. En premier lieu, l'obligation de quitter le territoire litigieuse a été édictée sur le fondement du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoit la possibilité de prendre une telle mesure lorsque " Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ". Alors même que l'arrêté comportant cette mesure d'éloignement porte également rejet de la demande d'admission exceptionnelle au séjour adressée par M. A... C..., ce refus ne constitue pas la base légale de l'obligation de quitter le territoire français, et cette dernière décision n'a pas été prise pour l'application de ce refus. M. A... C... ne peut donc utilement exciper de l'illégalité du refus de séjour, à l'appui des conclusions dirigées contre la mesure d'éloignement dont il fait l'objet.

8. En deuxième lieu, l'arrêté litigieux a été signé par M. Christian Robbe-Grillet, secrétaire général de la préfecture de la Meuse, qui avait reçu délégation pour signer tous arrêtés, sous réserve d'exceptions ne concernant pas les actes en litige, par arrêté de la préfète de la Meuse du 13 octobre 2021, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire doit donc être écarté.

9. En troisième lieu, l'obligation de quitter le territoire français, le refus de délai de départ volontaire, la décision désignant le pays de renvoi et l'interdiction de retour sur le territoire français comportent un exposé suffisamment précis des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. M. A... C... n'est donc pas fondé à soutenir que ces décisions sont insuffisamment motivées. La circonstance que l'obligation de quitter le territoire français ne mentionne pas l'ensemble des éléments qu'il a mis en avant pour justifier de son intégration est sans incidence, par elle-même, sur la légalité de cette décision et ne l'entache pas, en particulier, d'erreur de fait.

10. En quatrième lieu, les conditions de notification de la mesure d'éloignement sont sans incidence sur la légalité de cette décision.

11. En cinquième lieu, la circonstance qu'un refus de séjour ait été opposé à l'intéressé concomitamment à l'obligation de quitter le territoire français, ou qu'il avait été débouté d'une demande d'asile, ne faisait pas obstacle, par elle-même, à ce que l'administration fonde cette mesure d'éloignement sur le 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M. A... C... a fait l'objet d'une condamnation par jugement du 22 septembre 2017 à une peine d'emprisonnement de cinq mois, notamment, pour conduite d'un véhicule sans permis de conduire et sous l'usage de stupéfiants, ainsi qu'à deux autres condamnations à quatre mois d'emprisonnement chacune, pour des faits survenus en 2016 et 2018, ayant trait à l'usage de faux documents et à leur détention frauduleuse. Au regard de la réitération de ces derniers faits, et au risque tenant à la conduite sous stupéfiants, la préfète n'a pas entaché sa décision d'erreur d'appréciation, ni d'erreur de droit, en estimant qu'il représentait une menace pour l'ordre public, et en édictant, pour ce motif, une obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi qu'un refus de délai de départ volontaire en application du 1° de l'article L. 612-2 du même code.

12. En sixième lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant. Il résulte, toutefois, également de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

13. De plus si, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour, il n'implique pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur les décisions accompagnant cette décision, et en particulier l'assignation à résidence, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.

14. Le moyen tiré de la violation du droit d'être entendu, articulé à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire comme de la décision fixant le pays de renvoi, doit être écarté, dès lors qu'il ressort des pièces produites par l'administration que l'intéressé a été informé de la perspective de son éloignement à destination du pays dont il a la nationalité, ou de tout autre pays dans lequel il serait légalement admissible ou qui lui aurait délivré un document de voyage, et invité à présenter ses remarques, par un courrier du 13 janvier 2022 qui lui a été remis le 18 janvier suivant.

15. En septième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 5, M. A... C... ne justifie pas avoir porté à la connaissance de la préfète de la Meuse des éléments sérieux relatifs à son état de santé justifiant la mise en œuvre de la procédure prévue pour faire constater l'état de santé d'un étranger qui sollicite le bénéfice de la protection prévue par l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de sorte que le moyen tiré du vice de procédure, tenant à l'absence de consultation du collège de médecins de l'OFII, doit être écarté. Par ailleurs, l'ensemble des éléments médicaux produits devant le tribunal et la cour ne permettent d'établir ni l'exceptionnelle gravité des conséquences d'un défaut de prise en charge ni l'absence de possibilité de bénéficier effectivement du traitement approprié en cas de retour dans son pays d'origine, alors en particulier que la maladie de Barlow dont il est atteint ne nécessite, en dernier lieu, qu'un suivi échographique, ainsi que des soins dentaires. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

16. En huitième lieu, si M. A... C... allègue vivre en France depuis 2006, il ne produit pas de documents justifiant de sa présence sur le territoire national dès cette période, l'administration ayant retenu sa présence à compter de 2014, date de la présentation de sa demande d'asile. Il ne produit en outre aucun document établissant la réalité de sa relation alléguée avec une ressortissante marocaine en situation régulière et ne se prévaut d'aucune autre attache familiale en France, ni même de liens privés particulièrement intenses. Dans ces conditions, au regard des condamnations pénales dont il a fait l'objet, de manière réitérée et récente, de ce qui a été dit sur son état de santé, et alors même qu'il a exercé une activité professionnelle en France, la mesure d'éloignement dont il fait l'objet n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard du but en vue duquel elle a été prise. Le moyen tiré de ce qu'elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est donc pas fondé.

17. En neuvième lieu, lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français. Tel n'est pas le cas de la mise en œuvre de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel ne prescrit pas la délivrance d'un titre de plein droit mais laisse à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels dont l'intéressé se prévaut. M. A... C... ne peut donc utilement se prévaloir de ces dispositions pour contester la mesure d'éloignement édictée à son encontre. De même, dès lors qu'un étranger ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, il ne peut utilement se prévaloir des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 pour l'exercice de ce pouvoir.

18. En dixième lieu, l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français n'étant pas démontrée, M. A... C... n'est pas fondé à exciper d'une telle illégalité à l'appui de ses conclusions dirigées contre les autres décisions litigieuses.

19. En onzième lieu, le moyen tiré de ce que l'intéressé ne représente pas de risque de fuite, invoqué à l'encontre du refus de délai de départ volontaire, n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

20. En douzième lieu, ainsi qu'il a été dit, l'ensemble des éléments médicaux produits devant le tribunal et la cour ne permettent d'établir ni l'exceptionnelle gravité des conséquences d'un défaut de prise en charge ni l'absence de possibilité de bénéficier effectivement du traitement approprié en cas de retour en Egypte, de sorte que M. A... C... ne peut soutenir que les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales font obstacle à ce qu'il soit renvoyé vers son pays d'origine, au regard de son état de santé. Pour le surplus, le moyen tiré de ce que l'intéressé serait exposé à des risques de traitements prohibés par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, articulé à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi, n'est assorti d'aucun élément permettant d'apprécier la réalité et l'actualité de tels risques, et ne peut donc qu'être écarté.

21. En treizième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour ". L'article L. 612-10 précise : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".

22. Il résulte de ce qui précède que l'intéressé a été légalement privé de délai de départ volontaire. En outre, au regard de ce qui a été indiqué précédemment quant à son état de santé, il n'est pas fondé à se prévaloir de circonstances humanitaires. Dès lors, M. A... C... n'est pas fondé à contester l'interdiction de retour, dans son principe même. Par ailleurs, s'il peut être regardé comme résidant en France depuis 2014, en l'absence d'éléments établissant sa présence dès 2006 ainsi qu'il l'allègue, il ne justifie pas de sa relation avec une ressortissante marocaine, ni d'autres attaches en France. En outre, il est constant qu'il a fait l'objet de précédentes mesures d'éloignement et ainsi qu'il a été dit, il représente une menace pour l'ordre public. Dès lors, en lui interdisant de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an, la préfète n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation. Au regard de ces circonstances, le moyen tiré de ce que cette décision d'interdiction de retour méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit également être écarté.

23. Aucun des moyens invoqués pour contester l'arrêté litigieux n'étant fondé, la préfète de la Meuse est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné a fait droit aux conclusions aux fins d'annulation, d'injonction et relatives aux frais d'instance de M. A... C.... Ce dernier ayant la qualité de partie perdante en appel, ses conclusions tendant à l'application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative présentées devant la cour ne peuvent également qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les articles 3, 4 et 5 du jugement n° 2201709 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy du 24 juin 2022 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. A... C... devant le tribunal administratif de Nancy et ses conclusions présentées en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. D... A... C... et à Me Corsiglia.

Copie en sera adressée au préfet de la Meuse.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

- Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2023.

La présidente-rapporteure,

Signé : A. Samson-DyeL'assesseure la plus ancienne,

Signé : M. Bourguet-Chassagnon

La greffière,

Signé : M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière :

M. B...

2

N° 22NC02029


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02029
Date de la décision : 27/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : CORSIGLIA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-06-27;22nc02029 ?
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