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27/06/2023 | FRANCE | N°22NC01425

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 27 juin 2023, 22NC01425


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 30 juin 2020 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné d'office.

Par un jugement n° 2103848 du 4 novembre 2021, le tribunal administratif de

Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

P

ar une requête enregistrée le 2 juin 2022, M. B..., représenté par Me Perez, demande à la cour :

1°) d'an...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 30 juin 2020 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné d'office.

Par un jugement n° 2103848 du 4 novembre 2021, le tribunal administratif de

Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 juin 2022, M. B..., représenté par Me Perez, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 juin 2020 pris à son encontre par la préfète du Bas-Rhin ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour temporaire dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai, et de lui remettre dans l'attente, dans ces deux hypothèses, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour a été prise en méconnaissance des dispositions des articles L. 435-1 et L. 423-3, correspondant aux anciens articles L. 313-11 7° et L. 313-14, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour ;

- cette mesure d'éloignement méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire, enregistré le 30 janvier 2023, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Samson-Dye a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant turc né le 1er novembre 1976, est entré en France le 1er novembre 2013, sous couvert d'un visa Schengen portant la mention " visiteur ". Par un arrêté du 30 juin 2020, la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer le titre de séjour qu'il avait sollicité en se prévalant, notamment, de sa vie privée et familiale, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné d'office. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté, comme non fondée.

Sur la fin de non-recevoir opposée en première instance :

2. Il résulte de la combinaison de l'article 38, du premier alinéa de l'article 56 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 et du deuxième alinéa de l'article 23 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 qu'une demande d'aide juridictionnelle interrompt le délai de recours contentieux et qu'un nouveau délai de même durée recommence à courir à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours après la notification à l'intéressé de la décision se prononçant sur sa demande d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, à compter de la date de désignation de l'auxiliaire de justice au titre de l'aide juridictionnelle. Il en va ainsi quel que soit le sens de la décision se prononçant sur la demande d'aide juridictionnelle, qu'elle en ait refusé le bénéfice, qu'elle ait prononcé une admission partielle ou qu'elle ait admis le demandeur au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, quand bien même dans ce dernier cas le ministère public ou le bâtonnier ont, en vertu de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991, seuls vocation à contester une telle décision.

3. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté litigieux a été notifié le 1er juillet 2020 et qu'une demande d'aide juridictionnelle avait été enregistrée le 9 juillet 2020, dans le délai de recours contentieux de trente jours prévu par le I de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de sorte que le délai imparti pour saisir le tribunal a été interrompu. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande de M. B... aurait été enregistrée au tribunal administratif de Nancy après l'expiration de ce délai de 30 jours, qui a commencé à courir à compter de l'expiration du délai de quinze jours après la notification à l'intéressé de la décision se prononçant sur sa demande d'aide juridictionnelle. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée par le préfet devant les premiers juges et tirée de la tardiveté doit être écartée.

Sur la légalité de l'arrêté litigieux :

4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a épousé en France, le 8 novembre 2013, quelques jours après son arrivée sur le territoire national, une compatriote, avec laquelle il a eu un enfant, né le 3 juillet 2015. Son épouse est titulaire d'une carte de résident et le requérant allègue, sans être contredit, que sa compagne réside en France depuis 1999 et qu'elle est mère d'enfants d'une précédente union, nées en France en 2000 et 2003. Il est également établi qu'au moins l'une des belles-filles de M. B... est de nationalité française. Aucune pièce du dossier ne permet de mettre en doute la communauté de vie entre les époux, alors notamment que le requérant produit plusieurs témoignages corroborant l'existence d'une vie commune, ainsi que sa participation à l'éducation de leur fils. Il n'est par ailleurs ni établi, ni même allégué, que M. B... constituerait une menace pour l'ordre public. Dans ces conditions, et alors même que M. B... relève des catégories d'étrangers susceptibles de bénéficier du regroupement familial, le refus de titre de séjour qui lui a été opposé porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, au regard des buts en vue desquels cette mesure a été prise. M. B... est donc fondé à soutenir que le refus de titre de séjour litigieux méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et à en demander l'annulation. Il est également fondé à se prévaloir, par la voie de l'exception, de cette illégalité pour soutenir que l'obligation de quitter le territoire français est elle-même illégale, d'une part, et pour déduire de l'illégalité de cette mesure d'éloignement que la décision fixant le pays de renvoi est elle-même illégale, d'autre part. M. B... est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête.

Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :

6. En l'absence de changement de circonstance de fait ou de droit, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, au regard du motif d'annulation retenu, que la préfète du Bas-Rhin délivre à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans cette attente, en raison de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, et en vertu de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète délivrera sans délai à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour l'autorisant expressément à exercer une activité professionnelle. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

7. M. B... a été admis à l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Perez, avocate de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Perez de la somme de 1 500 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 2103848 du 4 novembre 2021 et l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 30 juin 2020 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Bas-Rhin de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à M. B... dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, sans délai, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant expressément à travailler.

Article 3 : L'Etat versera à Me Perez la somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1997, sous réserve que Me Perez renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Perez et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

- Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2023.

La présidente-rapporteure,

Signé : A. Samson-DyeL'assesseure la plus ancienne,

Signé : M. Bourguet-Chassagnon

La greffière,

Signé : M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

M. C...

2

N° 22NC01425


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01425
Date de la décision : 27/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : PEREZ

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-06-27;22nc01425 ?
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