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22/06/2023 | FRANCE | N°22NC00635

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 22 juin 2023, 22NC00635


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2021 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2108870 du 22 février 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure de

vant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 mars 2022, M. A..., représenté par Me Kilin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2021 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2108870 du 22 février 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 mars 2022, M. A..., représenté par Me Kilinç, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 février 2022 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 9 décembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que le préfet a fait application de conditions non prévues par l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la légalité de l'arrêté en litige :

- l'arrêté contesté est entaché d'insuffisance de motivation ;

- il est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle, dès lors, d'une part, que le préfet n'a pas examiné sa demande de renouvellement de son titre de séjour " vie privée et familiale ", d'autre part, qu'il n'a pas tenu compte des éléments de sa situation personnelle en France et, enfin, qu'il n'a pas été procédé à l'examen réel de sa demande motivée par son activité salariale ;

- il n'a pas été procédé à l'examen de sa demande sur le fondement de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté en litige est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'une erreur d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 6 de la décision n° 1/80 du Conseil d'association CEE Turquie du 19 septembre 1980.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2023, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 15 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la décision n° 1/80 du 19 septembre 1980 adoptée par le conseil d'association institué par l'accord d'association entre la Communauté économique européenne et la Turquie ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Brodier a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant turc né en 1986, est entré régulièrement sur le territoire français sous couvert d'un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française, valable du 20 novembre 2019 au 20 novembre 2020. L'intéressé a obtenu, le 20 novembre 2020, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " valable jusqu'au 19 novembre 2021. Le 20 septembre 2021, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ". Par un arrêté du 9 décembre 2021, le préfet du Haut-Rhin a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai. M. A... relève appel du jugement du 22 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Il ressort du formulaire de demande de titre de séjour complété par M. A... le 20 septembre 2021 que, si ce dernier a coché la case " renouvellement " puisqu'il était alors titulaire d'un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", il doit être regardé comme ayant sollicité un changement de statut pour se voir délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié ". Sa demande était expressément motivée par la circonstance qu'il travaillait déjà en France. Il ressort de l'arrêté en litige que le préfet du Haut-Rhin a considéré que sa demande était une demande présentée à titre exceptionnel sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il l'a rejetée en retenant notamment que l'intéressé ne justifiait pas d'une activité professionnelle en France et que la production d'une promesse d'embauche en qualité de " chauffeur-maçon " n'était pas suffisante pour justifier une régularisation. Toutefois, M. A... soutient, sans être contesté, qu'il avait produit son contrat de travail à durée indéterminée signé le 26 avril 2021 pour un poste à temps complet de " chauffeur-maçon " ainsi que l'ensemble de ses fiches de paie. Par ailleurs, et alors même que l'arrêté en litige vise l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne comporte aucune motivation propre à établir que le préfet a procédé à l'examen de la demande de M. A... au regard de ces dispositions. Dans ces conditions, le requérant est fondé à soutenir que la motivation de l'arrêté en litige révèle qu'il n'a pas été procédé à l'examen particulier de sa demande de changement de statut. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens dirigés contre cette décision, le requérant est fondé à demander l'annulation de la décision de refus de titre de séjour.

3. L'annulation de la décision de refus de titre de séjour emporte nécessairement l'annulation des décisions faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination.

4. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 décembre 2021.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Eu égard au moyen d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet du Haut-Rhin réexamine la demande de M. A... et lui délivre, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant expressément à exercer une activité professionnelle. Il y a lieu de prescrire au préfet de procéder au réexamen de sa situation dans le délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt. Il n'y a en revanche pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

6. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 septembre 2022. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Kilinç, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de la somme de 1 000 euros au titre des frais que M. A... aurait exposés dans la présente instance s'il n'avait pas été admis à l'aide juridictionnelle.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2108870 du tribunal administratif de Strasbourg du 22 février 2022 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 9 décembre 2021 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Haut-Rhin de réexaminer la demande de titre de séjour de M. A..., dans le délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt, et de délivrer à l'intéressé, dans l'attente et sans délai, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à exercer une activité professionnelle.

Article 4 : L'Etat versera à Me Kilinç, sous réserve qu'il renonce à percevoir la contribution étatique à l'aide juridictionnelle, la somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Kilinç et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

Délibéré après l'audience du 1er juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Brodier, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juin 2023.

La rapporteure,

Signé : H. BrodierLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 22NC00635


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC00635
Date de la décision : 22/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Hélène BRODIER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : KILINC UMIT

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-06-22;22nc00635 ?
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