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22/06/2023 | FRANCE | N°21NC01665

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 22 juin 2023, 21NC01665


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les décisions du 16 décembre 2019 par lesquelles le recteur de l'académie de Besançon, d'une part, a expressément rejeté sa demande de reclassement et, d'autre part, a rejeté son recours gracieux exercé contre la décision du 1er octobre 2019 engageant la procédure de sa mise à la retraite d'office et l'informant de la prise en charge financière de la moitié de son traitement.

Par un jugement n° 2000084 du 8 avril 2021, le

tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les décisions du 16 décembre 2019 par lesquelles le recteur de l'académie de Besançon, d'une part, a expressément rejeté sa demande de reclassement et, d'autre part, a rejeté son recours gracieux exercé contre la décision du 1er octobre 2019 engageant la procédure de sa mise à la retraite d'office et l'informant de la prise en charge financière de la moitié de son traitement.

Par un jugement n° 2000084 du 8 avril 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 juin 2021, Mme A..., représentée par Me Devevey, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 avril 2021 ;

2°) d'annuler ces décisions du 16 décembre 2019 ;

3°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Besançon de réexaminer sa demande de reclassement.

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le refus de reclassement méconnaît l'article 2-1 du décret du 30 novembre 1984 qui prévoit la possibilité pour un fonctionnaire d'être reclassé en dehors de son administration d'affectation ;

- l'administration n'a pas satisfait à son obligation de reclassement en lui proposant le même emploi dans deux lieux différents ;

- la décision engageant la procédure de mise à la retraite d'office est illégale dans la mesure où elle n'a pas été déclarée inapte à toutes fonctions ;

- son demi-traitement est illégal dans la mesure où il appartenait au recteur de prendre une décision concernant sa situation professionnelle dans un délai raisonnable.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 2 septembre 2021 et 16 novembre 2022, le recteur de l'académie de Besançon conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les autres moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mosser,

- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., institutrice puis professeure des écoles à compter du 1er septembre 2007, a été placée en congé de longue maladie du 2 janvier 2015 au 1er janvier 2016 et a été déclarée définitivement inapte à l'exercice de ses fonctions le 10 décembre 2015. Elle a été reclassée, par voie de détachement, au sein du corps des adjoints administratifs pour exercer des fonctions de secrétariat au lycée Victor Hugo de Besançon durant les années scolaires 2016-2017 et 2017-2018 puis au lycée Pierre Adrien Pâris de Besançon au titre de l'année scolaire 2018-2019. Le 18 juillet 2019, le recteur de l'académie de Besançon a mis fin à son reclassement professionnel par voie de détachement et prononcé sa réintégration dans son corps d'origine à compter du 1er septembre 2019. Par courrier du 30 septembre 2019, Mme A... a demandé au directeur académique des services de l'éducation nationale de lui faire part de nouvelles propositions de reclassement. Par un courrier du 1er octobre 2019, elle a été informée de l'engagement d'une procédure de mise à la retraite d'office ainsi que de la prise en charge financière de la moitié de son traitement pendant l'instruction de son dossier auprès du service gestionnaire de sa pension. Par des décisions du 16 décembre 2019, le recteur de l'académie de Besançon, d'une part, a rejeté le recours gracieux formé par Mme A... le 21 octobre 2019 contre ce courrier du 1er octobre 2019 et, d'autre part, a expressément rejeté sa nouvelle demande de reclassement. Mme A... relève appel du jugement du 8 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions du 16 décembre 2019.

2. Il est toujours loisible à la personne intéressée, sauf à ce que des dispositions spéciales en disposent autrement, de former à l'encontre d'une décision administrative un recours gracieux devant l'auteur de cet acte et de ne former un recours contentieux que lorsque le recours gracieux a été rejeté. L'exercice du recours gracieux n'ayant d'autre objet que d'inviter l'auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d'un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l'autorité administrative. Il appartient, en conséquence, au juge administratif, s'il est saisi dans le délai de recours contentieux qui a recommencé de courir à compter de la notification du rejet du recours gracieux, de conclusions dirigées formellement contre le seul rejet du recours gracieux, d'interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale.

3. Mme A... doit ainsi être regardée comme demandant à la cour d'annuler la décision du 1er octobre 2019 rejetant implicitement sa nouvelle demande de reclassement, engageant la procédure de mise à la retraite d'office et décidant de maintenir son demi traitement pendant l'instruction de son dossier et la décision du 16 décembre 2019 en tant qu'elle rejette expressément sa nouvelle demande de reclassement.

Sur les décisions du 1er octobre 2019 et du 16 décembre 2019 en ce qu'elles portent rejet de la nouvelle demande de reclassement formée par l'agent :

4. Aux termes du premier alinéa de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. ". L'article 2-1 du décret du 30 novembre 1984 pris en application de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 et qui prévoit la possibilité pour un fonctionnaire d'être reclassé en dehors de son administration d'affectation dispose : " La période de préparation au reclassement a pour objet de préparer et, le cas échéant, de qualifier son bénéficiaire pour l'occupation de nouveaux emplois compatibles avec son état de santé, s'il y a lieu en dehors de son administration d'affectation. Elle vise à accompagner la transition professionnelle du fonctionnaire vers le reclassement. (...) ". L'article 3 de ce décret prévoit que : " Le fonctionnaire qui a présenté une demande de reclassement dans un autre corps doit se voir proposer par l'administration plusieurs emplois pouvant être pourvus par la voie du détachement. L'impossibilité, pour l'administration, de proposer de tels emplois doit faire l'objet d'une décision motivée. (...) ".

5. Il résulte des dispositions précitées d'une part que, lorsqu'un fonctionnaire est reconnu, par suite de l'altération de son état physique, inapte à l'exercice de ses fonctions, il incombe à l'administration de rechercher si le poste occupé par ce fonctionnaire ne peut être adapté à son état physique ou, à défaut, de lui proposer une affectation dans un autre emploi de son grade compatible avec son état de santé et que si le poste ne peut être adapté ou si l'agent ne peut être affecté dans un autre emploi de son grade, il incombe à l'administration de l'inviter à présenter une demande de reclassement dans un emploi d'un autre corps et d'autre part, que l'obligation pesant sur l'administration de reclasser son agent ne consiste pas en une obligation de résultat mais nécessite d'entreprendre avec diligence toutes les démarches nécessaires afin de reclasser, dans la mesure du possible, cet agent.

6. Il ressort des pièces du dossier que, le 10 décembre 2015, Mme A... a été reconnue définitivement inapte à l'exercice de ses fonctions d'enseignement. Elle a été reclassée, par voie de détachement, au sein du corps des adjoints administratifs pour exercer des fonctions de secrétariat au lycée Victor Hugo de Besançon en surnombre durant l'année scolaire 2016-2017 puis sur une suppléance durant l'année scolaire 2017-2018 et enfin sur un poste définitif vacant de secrétariat de proviseur adjoint au lycée Pierre Adrien Pâris de Besançon durant l'année scolaire 2018-2019. Le 18 juillet 2019, le recteur de l'académie de Besançon a mis fin à son reclassement professionnel par voie de détachement en raison de difficultés rencontrées dans la réalisation des fonctions attachées à son emploi de secrétaire de chef d'établissement. Mme A..., réintégrée dans son corps d'origine à compter du 1er septembre 2019, a sollicité à nouveau, le 30 septembre suivant, son reclassement. D'une part, l'administration relève sans être contredite que Mme A... n'était pas en mesure d'assumer des fonctions de catégorie C relevant du corps des adjoints administratifs comme l'atteste l'échec des différentes tentatives de reclassement énoncées ci-dessus. D'autre part, l'administration fait valoir, sans davantage être contestée, qu'elle ne pouvait proposer à Mme A... un reclassement sur des postes de secrétaire administratif de catégorie B ou d'attaché d'administration de l'Etat, de catégorie A, seuls autres postes de la filière administrative, ces fonctions comportant des missions nécessitant des responsabilités supérieures à celles confiées aux adjoints administratifs. Dans ces conditions, pour satisfaire à son obligation de reclassement, le recteur de l'académie de Besançon n'était pas tenu de lui proposer d'autres emplois, notamment hors de son administration d'origine. Par suite, la requérante qui ne se trouve pas en période de préparation au reclassement, n'est en tout état de cause pas fondée à soutenir que l'administration aurait méconnu les dispositions précitées de l'article 2-1 du décret du 30 novembre 1984 et n'est pas davantage fondée à soutenir que l'administration aurait méconnu l'obligation de reclassement prévue par les dispositions mentionnées au point 5 ci-dessus.

Sur la décision du 1er octobre 2019 en ce qu'elle engage la procédure de mise à la retraite pour invalidité et place la requérante à demi-traitement :

7. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 47 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " Le fonctionnaire ne pouvant, à l'expiration de la dernière période de congé de longue maladie ou de longue durée, reprendre son service est soit reclassé dans un autre emploi, en application du décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 pris en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat en vue de faciliter le reclassement des fonctionnaires de l'Etat reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions, soit mis en disponibilité, soit admis à la retraite après avis de la commission de réforme. ".

8. S'il est constant que Mme A... n'a pas été reconnue inapte à toute fonction, ce qui a été confirmé par l'avis du comité médical du 6 janvier 2020, postérieur aux décisions en litige, il n'en demeure pas moins que, ainsi qu'il vient d'être dit, l'administration doit être regardée comme ayant satisfait à son obligation de reclassement. Par suite, en l'absence de possibilité de reclassement dans un autre emploi, la circonstance que l'administration ait décidé d'engager la procédure de mise à la retraite d'office ne méconnaît pas les dispositions précitées.

9. En deuxième lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article 3 du décret du 30 novembre 1984 : " La procédure de reclassement telle qu'elle résulte du présent article doit être conduite au cours d'une période d'une durée maximum de trois mois à compter de la demande de l'agent. ". Le second alinéa de l'article 47 du décret du 14 mars 1986 prévoit que : " Pendant toute la durée de la procédure requérant soit l'avis du comité médical, soit l'avis de la commission de réforme, soit l'avis de ces deux instances, le paiement du demi-traitement est maintenu jusqu'à la date de la décision de reprise de service ou de réintégration, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite ".

10. Si l'administration est tenue de procéder au reclassement d'un agent dans un délai de trois mois, il ressort des pièces du dossier que Mme A... s'est vu opposer expressément un refus à sa demande de reclassement dans ce délai par la décision du 16 décembre 2019. En revanche, il ne ressort ni des dispositions précitées, ni d'aucune autre disposition législative ou règlementaire, qu'un délai enserrerait la procédure tendant à ce que l'agent soit admis à la retraite en application de l'article 47 du décret du 14 mars 1986 précité. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision de la placer en demi-traitement serait illégale en raison du dépassement d'un délai " raisonnable ".

11. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation ainsi que par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Délibéré après l'audience du 1er juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juin 2023.

La rapporteure,

Signé : C. MosserLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 21NC01665


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01665
Date de la décision : 22/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : SELARL JEAN PHILIPPE DEVEVEY

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-06-22;21nc01665 ?
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