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21/06/2023 | FRANCE | N°23NC00749

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 21 juin 2023, 23NC00749


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 19 janvier 2023 par lequel le préfet de la Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français et a prolongé son interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans supplémentaires.

Par un jugement n° 2300454 du 15 février 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du préfet de la Moselle en date du 19 janvi

er 2023 portant obligation de quitter le territoire français et prolongeant l'interdic...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 19 janvier 2023 par lequel le préfet de la Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français et a prolongé son interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans supplémentaires.

Par un jugement n° 2300454 du 15 février 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du préfet de la Moselle en date du 19 janvier 2023 portant obligation de quitter le territoire français et prolongeant l'interdiction de retour pour une durée de 2 ans.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 mars 2023, le préfet de la Moselle demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2300454 du 15 février 2013 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Strasbourg.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a annulé sa décision au motif que le contrôle judiciaire rend l'exécution de la mesure d'éloignement matériellement impossible ; aucune disposition légale n'empêche de prononcer une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger placé sous contrôle judiciaire quand bien même la date du procès pénal serait tardive ;

- contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, le comportement de M. C..., placé en détention provisoire pour des faits de meurtre, représente une menace à l'ordre public ;

- sa décision est également motivée par la circonstance que la demande d'asile de M. C... a été rejetée ;

- l'ensemble des moyens soulevés en première instance contre son arrêté préfectoral ne sont pas fondés.

M. C..., à qui la procédure a été communiquée, n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 28 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 2 mai 2023 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Roussaux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant kosovar né le 7 avril 1972, est entré en France le 29 avril 2019 avec son épouse et leurs enfants mineurs pour solliciter l'octroi du statut de réfugié. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 24 novembre 2021. Le 11 janvier 2022, l'intéressé a été mis en examen pour homicide et placé en détention provisoire. Par un arrêt de la chambre d'instruction de la cour d'appel de Metz du 19 janvier 2023, M. C... a été remis en liberté et placé sous contrôle judiciaire avec interdiction de quitter le département de la Moselle. Par arrêté du même jour, le préfet de la Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire et a prolongé son interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. M. C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg l'annulation de cet arrêté préfectoral. Le préfet de la Moselle relève appel du jugement du 15 février 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté du 19 janvier 2023 portant obligation de quitter le territoire français et prolongeant l'interdiction de retour de M. C... d'une durée de deux ans.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants :( ...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ;5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; (...°) ".

3. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué que le préfet de la Moselle a fondé sa décision portant obligation de quitter le territoire français sur deux motifs de droit. D'une part, le 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile du fait du rejet définitif de la demande d'asile de M. C... par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par décision du 24 novembre 2021, notifiée le 1er décembre 2021. D'autre part, le 5° du même article, le préfet de la Moselle ayant considéré que le comportement de M. C... était constitutif d'une menace à l'ordre public.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a été mis en examen pour des faits de meurtre commis dans un centre d'hébergement le 8 janvier 2022 et placé en détention provisoire le 11 janvier 2022. Si par une ordonnance du 28 décembre 2022, le juge des libertés et de la détention de Metz a prolongé la détention provisoire de l'intéressé pour une durée de 6 mois, cette décision a été annulée par un arrêt du 19 janvier 2023 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Metz qui a ordonné la remise en liberté immédiate de M. C... sous contrôle judiciaire avec interdiction de quitter le département de la Moselle et obligation de pointage hebdomadaire à la gendarmerie nationale d'Ennery. L'arrêt rendu par la cour d'appel de Metz, précise que la remise en liberté de l'intéressé et son seul placement sous contrôle judiciaire ont été motivés par la circonstance que les éléments de l'enquête pénale semblent accréditer la version des faits qui a toujours été soutenue par le requérant, à savoir qu'il avait été agressé par la victime, qui le soupçonnait d'avoir une relation avec son épouse et que, blessé lui-même très gravement au cours de l'attaque, M. C... n'avait agi que pour se défendre en immobilisant son agresseur au moyen d'une clé d'étranglement technique qu'il avait pratiquée dans ses fonctions antérieures de policier dans son pays d'origine, acte qui avait malheureusement entraîné sa mort. Dans ces conditions, au regard de la motivation extrêmement détaillée de l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Metz et alors qu'en outre le casier judiciaire de M. C... ne fait état d'aucune condamnation, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce dernier présentait, à la date de la décision en litige, une menace à l'ordre public comme l'a relevé le premier juge.

5. Toutefois, et comme le soutient le préfet de la Moselle tant en première instance qu'en appel, M. C..., dont la demande au titre de l'asile avait été rejetée définitivement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 24 novembre 2021, se trouvait également dans le champ d'application du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité, second fondement de la décision en litige. Or ce seul motif pouvait justifier la décision litigieuse.

6. Dans ces conditions, le préfet de la Moselle est fondé à soutenir que le second motif tiré de ce que la demande d'asile de M. C... avait été définitivement rejetée, suffisait à lui seul à fonder la décision attaquée et que c'est donc à tort que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'obligation de quitter le territoire et par voie de conséquence l'interdiction de retour.

7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... contre ces décisions.

Sur le moyen invoqué contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. L'existence d'une mesure de contrôle judiciaire avec interdiction de quitter le département de la Moselle est sans incidence sur la légalité de l'arrêté litigieux, celui-ci n'ayant pas pour effet de soustraire l'intéressé à l'exécution de ladite mesure dès lors que l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne pourra intervenir qu'une fois levée par le juge judiciaire l'interdiction de quitter le territoire. Dès lors, le moyen doit être écarté.

Sur le moyen invoqué contre la décision portant prolongation de l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans :

9. Aux termes de l'article L. 612-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut prolonger l'interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans dans les cas suivants : 1° L'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français alors qu'il était obligé de le quitter sans délai ; (...). ".

10. Il ressort des pièces du dossier que si M. C... n'a pas été en mesure d'exécuter la première décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai prise à son encontre le 13 janvier 2022, c'est en raison de sa détention du 11 janvier 2022 jusqu'au 19 janvier 2023. Dans ces conditions et alors qu'il était matériellement empêché de quitter le territoire français, le préfet ne pouvait se prévaloir du maintien irrégulier en France de M. C... pour justifier une prolongation de l'interdiction de retour sur le territoire. C'est par suite par une inexacte application des dispositions précitées qu'une prolongation d'une interdiction de retour a été prononcée.

11. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Moselle est uniquement fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé sa décision du 19 janvier 2022 portant obligation de quitter le territoire français.

D E C I D E :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 2300454 du 15 février 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg est annulé en tant qu'il annule la décision du 19 janvier 2022 portant obligation de quitter le territoire français.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Strasbourg et tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français du 19 janvier 2022 est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du préfet est annulé.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... C....

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Roussaux, première conseillère.

- Mme Picque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2023.

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 23NC00749


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00749
Date de la décision : 21/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-06-21;23nc00749 ?
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