Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté en date du 24 août 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui renouveler son titre de séjour.
Par un jugement n° 2102778 du 7 juillet 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 août 2022, M. B... représenté par Me Bach-Wassermann demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 7 juillet 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté en date du 24 août 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui renouveler son titre de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation, dans un délai de deux mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal a commis une erreur de droit en substituant à l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lequel s'était fondé le préfet l'article L. 432-1 du même code alors que le préfet ne dispose pas du même pouvoir d'appréciation et que les garanties attachées à ces dispositions ne sont pas les mêmes ;
- le tribunal a également procédé de la sorte à une substitution de motif en caractérisant les faits constituant une menace à l'ordre public à la place du préfet ;
- la décision porte atteinte à sa vie privée et familiale et à l'intérêt supérieur de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Barrois, première conseillère,
- et les observations de Me Bach-Wassermann, pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain né le 9 juillet 1998, est entré sur le territoire français le 3 septembre 2016 sous couvert d'un visa long séjour portant la mention étudiant valable jusqu'au 26 août 2017. Il a obtenu ensuite un titre de séjour étudiant valable jusqu'au 4 novembre 2020 dont il a demandé le renouvellement le 14 octobre 2020. En cours d'instruction de sa demande, il a sollicité un changement de statut pour obtenir un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français le 17 mai 2021. Par un arrêté du 24 août 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour. M. B... relève appel du jugement du 7 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il résulte des termes mêmes de la décision attaquée que le préfet a estimé dans un premier temps que M. B... avait apporté la preuve de sa contribution à l'entretien et à l'éducation de sa fille de nationalité française. Des attestations émanant de sa compagne, des parents de celle-ci et d'un voisin confirment son rôle actif dans l'éducation et l'entretien de sa fille ainsi que la communauté de vie qu'il partage toujours avec sa compagne. Par ailleurs, les faits de violence conjugale ayant conduit à sa condamnation par le tribunal correctionnel de Nancy se sont produits en 2019, demeurent isolés, n'ont pas entrainé d'incapacité, et sa compagne, présente à l'audience, n'a pas entendu ni porter plainte, ni se constituer partie civile. Cette dernière a en revanche apporté son soutien au requérant, a témoigné à deux reprises en sa faveur et a attesté de la poursuite de la vie commune. Enfin, M. B..., en France depuis six ans à la date de la décision attaquée, a montré sa volonté d'insertion professionnelle en obtenant un brevet de techniques supérieures le 9 septembre 2020, une licence professionnelle en 2021 dans le secteur du bâtiment et des travaux publics et en obtenant une promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée sans période d'essai de la part d'une entreprise du bâtiment après un contrat d'apprentissage réussi. Par suite, dans les circonstances particulières de l'espèce, la décision a porté une atteinte disproportionnée au droit de M. B... à mener une vie privée et familiale et méconnaît ainsi les stipulation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions et à demander l'annulation de l'arrêté du 24 août 2021.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué ci-dessus retenu et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à M. B... un titre de séjour mention vie privée et familiale. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de délivrer à M. B... ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2102778 du 7 juillet 2022 du tribunal administratif de Nancy et l'arrêté du 24 août 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. B... sont annulés.
Article 2: Il est enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- M. Sibileau, premier conseiller,
- Mme Barrois, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juin 2023.
La rapporteure,
Signé : M. BarroisLe président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : V. FirmeryLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
V. Firmery
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N° 22NC02138