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06/06/2023 | FRANCE | N°22NC01918

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 06 juin 2023, 22NC01918


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 22 février 2022 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de l'admettre au séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 2202824 du 20 juin 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 juillet 2022, M. A..., repré

senté par Me Wassermann demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 22 février 2022 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de l'admettre au séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 2202824 du 20 juin 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 juillet 2022, M. A..., représenté par Me Wassermann demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 20 juin 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 février 2022 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de l'admettre au séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision attaquée est entachée d'incompétence dès lors que la délégation de signature accordée est trop imprécise ;

- la décision méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le traitement de l'hépatite B en Guinée est insuffisant, qu'il n'a aucun relai familial dans ce pays pour l'accompagner dans sa maladie et que rien ne justifie le changement d'avis du collège des médecins de l'OFII et du préfet en neuf mois ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale en France et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 septembre 2022, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 août 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Barrois, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen né le 26 mai 1999, est entré sur le territoire français selon ses déclarations le 3 septembre 2018 afin d'y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande d'asile enregistrée le 5 septembre a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 17 décembre 2019, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 20 avril 2021. En parallèle, il avait sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour raisons de santé le 4 décembre 2020 qui, à la suite d'un avis favorable du collège des médecins de l'OFII, lui a été accordé par le préfet pour une durée de six mois jusqu'au 21 novembre 2021. Le 22 septembre 2021, il a sollicité le renouvellement de ce titre qui, à la suite d'un avis défavorable du collège des médecins de l'OFII lui a été refusé par un arrêté du 22 février 2022 assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. A... fait appel du jugement du 20 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le cadre du litige :

2. Les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile énumèrent les cas dans lesquels l'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger qui n'est pas au nombre de ceux mentionnés par l'article L. 200-1 du même code. En vertu de ces dispositions, tel est notamment le cas lorsque : " 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents " ou lorsque : " 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ". Aux termes de l'article L. 614-5 du même code : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 1°, 2° ou 4° de l'article L. 611-1 est assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quinze jours suivant la notification de la décision. / L'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-7, notifiée postérieurement à la décision portant obligation de quitter le territoire français, peut être contestée dans les mêmes conditions. / Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou parmi les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue dans un délai de six semaines à compter de sa saisine. / L'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin le concours d'un interprète et la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise. / L'audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public, en présence de l'intéressé, sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas. L'étranger est assisté de son conseil s'il en a un. Il peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin qu'il lui en soit désigné un d'office. / Lorsque l'étranger conteste une décision portant obligation de quitter le territoire fondée sur le 4° de l'article L. 611-1 et une décision relative au séjour intervenue concomitamment, le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin statue par une seule décision sur les deux contestations ".

3. Les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne font pas obstacle, dans l'hypothèse où un étranger, à qui a été refusée la reconnaissance de la qualité de réfugié ou la protection subsidiaire et qui a fait l'objet d'une ou, le cas échéant, de plusieurs obligations de quitter le territoire français fondées sur le 4° de cet article, a présenté une demande tendant à la délivrance ou au renouvellement d'un titre de séjour, à ce que l'autorité administrative assortisse le refus qu'elle est susceptible d'opposer à cette demande d'une obligation de quitter le territoire français fondée sur le 4° de cet article.

4. Dans une telle hypothèse, la décision relative au séjour et l'obligation de quitter le territoire français dont elle est assortie doivent être regardées comme intervenues concomitamment au sens du dernier alinéa de l'article L. 614-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, la contestation de la décision relative au séjour à l'occasion d'un recours contre l'obligation de quitter le territoire français suit le régime contentieux applicable à l'obligation de quitter le territoire prévu par cet article alors même que cette dernière a pu être prise également sur le fondement du 3° de l'article L. 611-1 du même code.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 22 février 2022 :

5. En premier lieu, il résulte de l'arrêté DCL-2020-A-93 du 31 décembre 2020 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Moselle du 4 janvier 2021 que M. Delcayrou, secrétaire général de la préfecture de la Moselle a reçu délégation de signature du préfet pour signer tous arrêtés, décisions, circulaires rapports et correspondances relevant des attribution de l'Etat dans le département de la Moselle à l'exception des mesures générales concernant la défense nationale et la défense interne du territoire ainsi que des réquisitions de la force armée et des déclinatoires de compétence et arrêtés de conflit. Par suite, le moyen tiré de ce que la délégation de signature serait imprécise est écarté comme manquant en fait.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée (...) ".

7. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte-tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

8. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de renouveler un titre de séjour à M. A... en raison de son état de santé, le préfet de la Moselle s'est fondé sur l'avis du 2 février 2022 du collège de médecins du service médical de l'OFII qui a estimé que l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine. Toutefois, même s'il est constant que M. A... souffre d'une hépatite B confirmée en dernier lieu par un certificat médical du 6 juillet 2022 et que dans un précédent avis, le collège des médecins de l'OFII avait recommandé le séjour pour soins d'une durée de six mois, les éléments produits par M. A... qui n'établissent pas la gravité des conséquences en cas de défaut de prise en charge et qui sont identiques à ceux de la première instance ne permettent pas de remettre en cause utilement l'avis émis en dernier lieu par le collège des médecins de l'OFII. Dès lors, le préfet de la Moselle n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de renouveler à M. A... le titre de séjour qu'il sollicitait sur le fondement de ces dispositions.

9. En dernier lieu, même s'il a été provisoirement admis au séjour du 7 juin 2021 au 21 novembre 2021 pour se soigner, le requérant vit seul en France, n'a pas d'enfants mineurs à charge, ni de famille proche sur le territoire et il ne justifie pas ne plus avoir aucunes attaches privées ou familiales dans son pays d'origine qu'il a quitté récemment et où résiderait notamment sa sœur. Les circonstances, au demeurant non établies, qu'il aurait trouvé provisoirement un emploi malgré son état de santé et serait intégré sont sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. Dans ces conditions, et compte tenu de la courte durée de présence en France du requérant, l'arrêté en cause n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle

Délibéré après l'audience du 17 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- M. Sibileau, premier conseiller,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juin 2023.

La rapporteure,

Signé : M. BarroisLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : V. FirmeryLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

V. Firmery

2

N° 22NC01918


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01918
Date de la décision : 06/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Marion BARROIS
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : WASSERMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-06-06;22nc01918 ?
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