Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés le 18 août 2020, le 22 juin 2022 et le 28 mars 2023, la société Wind Lorraine Scheidwald, représentée par Me Gelas, demande à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 18 juin 2020 par lequel le préfet de la Moselle a rejeté sa demande d'autorisation environnementale portant sur un parc de trois éoliennes et deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Schweyen ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de reprendre l'instruction de sa demande d'autorisation environnementale dans un délai de trente jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté est entaché d'un vice d'incompétence négative ;
- il est insuffisamment motivé ;
- l'avis de la direction générale de l'aviation civile est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation, de telle sorte que l'arrêté contesté est illégal du fait de l'illégalité de cet avis.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 novembre 2021, la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement,
- le code de l'aviation civile,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Barrois, première conseillère,
- les conclusions des Mme Antoniazzi, rapporteure publique,
- et les observations de Me Boudrot, représentant la société Wind Lorraine Scheidwald.
Considérant ce qui suit :
1. Le 18 septembre 2019, la société Wind Lorraine Scheidwald a déposé une demande d'autorisation environnementale assortie d'une étude d'impact pour un projet de parc éolien composé de trois aérogénérateurs et de deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Schweyen dans le département de la Moselle. Par un arrêté du 18 juin 2020 dont la société Wind Lorraine Scheidwald demande l'annulation, le préfet de la Moselle a rejeté sa demande d'autorisation environnementale.
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 181-32 du code de l'environnement : " Lorsque la demande d'autorisation environnementale porte sur un projet d'installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, le préfet saisit pour avis conforme : / (...) 2° Le ministre chargé de la défense (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile : " A l'extérieur des zones grevées de servitudes de dégagement en application du présent titre, l'établissement de certaines installations qui, en raison de leur hauteur, pourraient constituer des obstacles à la navigation aérienne, est soumise à une autorisation spéciale du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense. (...) ". Aux termes de l'article R. 181-34 du code de l'environnement : " Le préfet est tenu de rejeter la demande d'autorisation environnementale dans les cas suivants : / (...) 2° Lorsque l'avis de l'une des autorités ou de l'un des organismes consultés auquel il est fait obligation au préfet de se conformer est défavorable ; (...) ".
3. Il résulte des dispositions précitées que l'autorité administrative compétente pour délivrer une autorisation unique doit, lorsque l'installation envisagée est susceptible de constituer un obstacle à la navigation aérienne en raison de son emplacement et de sa hauteur, saisir le ministre chargé de l'aviation civile et le ministre de la défense et que cette autorité est tenue, à défaut d'accord de l'un des ministres dont l'avis est ainsi requis, de refuser l'autorisation demandée.
4. Par suite, le préfet de la Moselle saisi de la demande de délivrance d'une autorisation environnementale en vue de la réalisation d'un projet de parc éolien composé de trois aérogénérateurs d'une hauteur de 150 mètres et de deux postes de livraison, était tenu de la refuser au seul motif tiré de l'avis défavorable à ce projet émis par la direction générale de l'aviation civile (DGAC) du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires le 3 avril 2020. Par conséquent, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Moselle se serait, à tort, cru en situation de compétence liée et aurait ainsi entaché sa décision d'incompétence négative. Il en résulte que le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté du préfet de la Moselle ne peut qu'être écarté comme inopérant.
5. En second lieu, il résulte de l'avis défavorable de la direction de la sécurité aéronautique de l'Etat (DSAE) du ministère des armées fondé sur l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile que le projet, proche des limites nationales entre la France et l'Allemagne, est implanté à trois kilomètres du seuil de la piste 03 de l'aérodrome de Deux-Ponts situé dans le Land de Rhénanie-Palatinat, et que pour les atterrissages, cet aérodrome est doté d'une seule procédure aux instruments dont la phase finale se déroule dans l'espace aérien français. L'avis précise que compte-tenu de la proximité du seuil de piste et de l'axe d'atterrissage, une étude spécifique a été diligentée par les autorités allemandes compétentes en matière d'aviation civile qui a permis d'établir que ces éoliennes auront un réel impact sur la sécurité de cette procédure, leur présence ne permettant plus d'atterrissage basé sur l'unique moyen de radionavigation installé sur cette plateforme. Ainsi, et alors même que l'étude établie par les autorités allemandes n'aurait pas été produite et que la société allègue sans l'établir que son projet n'aurait pas d'impact sur la procédure d'atterrissage et notamment sur le recours à la procédure de vol aux instruments, il résulte suffisamment des éléments produits par la DGAC que le projet litigieux constitue un obstacle sur le territoire français à la sécurité de la navigation aérienne et à la sécurité des personnes et des biens survolés sur le territoire français.
6. Enfin, le document intitulé " actualité pour aviateurs " du ministère fédéral daté du 5 août 2015 et un courriel d'un agent de la direction de la sécurité de l'aviation civile nord-est ne permettent pas d'établir avec certitude que l'aérodrome est dépourvu d'activités et serait définitivement fermé de telle sorte que toute reprise d'activité aérienne serait désormais impossible.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Wind Lorraine Scheidwald n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 18 juin 2020 par lequel le préfet de la Moselle a rejeté sa demande d'autorisation environnementale. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Wind Lorraine Scheidwald est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Wind Lorraine Scheidwald et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- M. Sibileau, premier conseiller,
- Mme Barrois, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juin 2023.
La rapporteure,
Signé : M. BarroisLe président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : V. Firmery
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
V. Firmery
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N° 20NC02396