Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Saint-Claude et M. B... A..., agissant en sa qualité de président du conseil de surveillance du centre hospitalier " Louis Jaillon " de Saint-Claude, ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 20 avril 2018 par laquelle l'administrateur provisoire du centre hospitalier " Louis Jaillon " a décidé de transformer le service de chirurgie de cet établissement, à compter du 23 avril 2018, en l'organisant sous forme de chirurgie ambulatoire avec activité opératoire le lundi et mardi.
Par un jugement n° 1801119 du 16 juin 2020, le tribunal administratif de Besançon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 août 2020, la commune de Saint-Claude et M. B... A..., agissant en sa qualité de président du conseil de surveillance du centre hospitalier " Louis Jaillon " de Saint-Claude, représentés par Me Herrmann, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1801119 du tribunal administratif de Besançon du 16juin 2020 ;
2°) d'annuler la décision de l'administrateur provisoire du centre hospitalier " Louis Jaillon " du 20 avril 2018 ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier " Louis Jaillon " le versement à chacun d'une somme de 1 500 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité, dès lors que les premiers juges n'ont pas répondu à l'ensemble de leurs moyens et ont statué " ultra petita ", voire " ultra maxima " ;
- le jugement attaqué est également entaché d'irrégularité dès lors que, en méconnaissance du principe du contradictoire et du respect des droits de la défense, les pièces complémentaires qu'ils ont déposées le 13 mars 2020 et leur note en délibéré adressée le 3 juin 2020 n'ont pas été communiquées aux parties adverses ;
- du fait d'une instruction partiale et partielle, les premiers juges ont méconnu le droit à un procès équitable garanti par le premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- ce droit à un procès équitable a également été méconnu, dès lors que, en refusant de reporter l'audience publique du 26 mai 2020, malgré la crise sanitaire de la covid-19, ou de recourir aux moyens de communication audiovisuelle, électronique ou téléphonique prévus par l'article 7 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020, portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, le tribunal a imposé un cadre restrictif à la possibilité pour les parties d'être présente à l'audience et de s'y exprimer ;
- la décision du 20 avril 2018 est insuffisamment motivée en droit et en fait ;
- l'administrateur provisoire n'a pas établi et transmis au directeur de l'agence régionale de santé un rapport de gestion deux mois avant la fin de sa mission, soit au plus tard le 17 mars 2018, en méconnaissance de l'article L. 6143-3-1 du code de la santé publique ;
- la décision en litige est entachée d'un vice de procédure au regard des dispositions des articles L. 6122-1 et L. 6122-2 du code de la santé publique, dès lors que la conversion des activités de chirurgie nécessitait préalablement l'avis et l'autorisation du directeur général de l'Agence régionale de santé de Bourgogne Franche-Comté, ainsi que l'avis de la commission spécialisée de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie compétente pour le secteur sanitaire ;
- dans l'hypothèse où cette décision s'analyserait comme une mesure de révision de l'activité de chirurgie, elle est également entachée d'un vice de procédure, faute d'avoir été précédée de la procédure contradictoire prévue par l'article L. 6122-12 du code de la santé publique, laquelle implique de recueillir l'avis circonstancié de la commission spécialisée de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie compétente pour le secteur sanitaire ;
- à supposer que la décision en litige constitue une mesure de retrait de l'activité de chirurgie, elle est encore entachée d'un vice de procédure en l'absence de mesure de suspension prise à l'issue de la procédure ad hoc prévue par l'article L. 6122-13 du code de la santé publique ;
- l'administrateur provisoire n'avait pas compétence pour procéder à la transformation du service de chirurgie ;
- la procédure prévue à l'article D. 6122-38 du code de la santé publique n'a pas été respectée ;
- compte tenu de ses conséquences sur le projet d'établissement, sur la politique d'amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins et sur les conditions d'accueil et de prise en charge des patients, la décision en litige a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, en l'absence d'avis du conseil de surveillance de l'établissement, conformément aux dispositions de l'article L. 6143-1 du code de la santé publique ;
- la décision en litige est entachée d'une erreur de droit pour défaut de base légale ;
- l'organisation courante du service de chirurgie ayant été garante de la permanence et de la qualité des soins, et donc de la sécurité des patients, la fermeture de ce service au bénéfice d'un simple système ambulatoire est de nature à créer une situation intolérable en termes de sécurité et de santé publiques, spécialement en zone de montage compte tenu de l'existence de voies de circulation rares et difficiles en période hivernale ;
- en ciblant le service de chirurgie et en excluant de son cadre coercitif les autres services, la décision en litige opère une discrimination évidente et infondée, constitutive d'une rupture d'égalité devant les charges publiques, dès lors que les problématiques liées aux difficultés de recrutement, d'organisation des gardes et des astreintes et au recours à des intérimaires sont rigoureusement identiques pour tous les services du centre hospitalier " Louis Jaillon " ;
- la décision en litige méconnaît le projet régional de santé de
Bourgogne-Franche-Comté 2012-2016 et, plus particulièrement, les dispositions et les objectifs du schéma régional de santé ;
- la décision attaquée méconnaît également les dispositions de l'article L. 1110-1, du premier alinéa de l'article L. 1110-3, de l'article L. 1110-5 et du premier alinéa de l'article L. 1110-8 du code de la santé publique ;
- la décision en litige est entachée d'un détournement de procédure, dès lors que l'arrêt du service de chirurgie pour un simple accueil ambulatoire est envisagé depuis 2017 pour des raisons exclusivement économiques et financières.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2021, le centre hospitalier " Louis Jaillon " de Saint-Claude, représenté par Me Porte, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge solidaire des requérants d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens invoqués par les requérants ne sont pas fondés.
La requête a été régulièrement communiquée à l'agence régionale de santé de Bourgogne-Franche-Comté, qui n'a pas défendu dans la présente instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Meisse,
- et les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Membre depuis le 20 octobre 2012 de la communauté hospitalière de territoire Jura Sud, le centre hospitalier " Louis Jaillon " de Saint-Claude est un établissement public de santé de proximité, qui propose notamment une offre de soins en chirurgie ophtalmologique, viscérale, orthopédique et traumatologique. Il est confronté depuis plusieurs années à des difficultés de recrutement du personnel soignant, à une fuite des patients et à une situation financière dégradée. L'établissement n'ayant pas présenté de plan de redressement dans le délai d'un mois qui lui était imparti, par un courrier du 27 février 2017, le directeur général de l'agence régionale de santé de Bourgogne-Franche-Comté l'a placé sous administration provisoire, pour une durée d'un an à compter du 18 mai 2017, en application des dispositions de l'article L. 6143-3-1 du code de la santé publique. Estimant que la pénurie de médecins-anesthésistes-réanimateurs, à laquelle était alors confronté le centre hospitalier " Louis Jaillon ", rendait impossible, au sein du service de chirurgie, une prise en charge des patients en hospitalisation complète, l'administrateur provisoire, désigné par la ministre des solidarités et de la santé, a prononcé, par une décision du 20 avril 2018, prise après concertation avec le directoire et avis favorable de la commission médicale d'établissement du 26 mars 2018, la transformation de l'organisation de ce service sous une forme exclusivement ambulatoire, avec activité opératoire les lundis et mardis, à compter du 23 avril 2018. La commune de Saint-Claude et M. B... A..., agissant en qualité de président du conseil de surveillance de l'établissement public de santé, ont saisi le tribunal administratif de Besançon d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 20 avril 2018. Ils relèvent appel du jugement n° 1801119 du 16 juin 2020, qui rejette leur demande.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, si les requérants soutiennent que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité, dès lors que les premiers juges n'auraient pas répondu à l'ensemble de leurs moyens ou auraient répondu à des moyens non soulevés et auraient ainsi statué " ultra petita ", voire " ultra maxima ", le moyen ainsi articulé n'est pas assorti de précision suffisante pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, il ne peut qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le juge administratif a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.
4. Postérieurement à la clôture de l'instruction fixée au 6 janvier 2020, la commune de Saint-Claude et M. A... ont adressé au tribunal administratif de Besançon plusieurs pièces complémentaires, en l'occurrence les comptes-rendus des réunions du comité médical d'établissement du 26 mars 2018, du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du 3 avril 2018 et du comité technique d'établissement du 17 avril 2018, ainsi que le relevé des décisions prises par le directoire le 26 mars 2018. Il ne ressort pas des pièces du dossier que ces différents documents, qui ont été enregistrés au greffe de ce tribunal le 13 mars 2020, contenaient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit, susceptible d'exercer une influence sur le jugement de la présente affaire et dont les requérants n'étaient pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction. Dans ces conditions, et alors que le relevé des décisions prises par le directoire le 26 mars 2018 était déjà joint au mémoire en défense du centre hospitalier " Louis Jaillon ", enregistré le 25 octobre 2019, les premiers juges, qui n'ont pas fondé leur jugement sur ces pièces complémentaires, n'étaient nullement tenus de rouvrir l'instruction et de les communiquer aux parties adverses Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les principes du contradictoire et du respect des droits de la défense auraient été méconnus pour ce motif.
5. En troisième lieu, lorsque le juge administratif est saisi, postérieurement à la clôture de l'instruction et au prononcé des conclusions du rapporteur public, d'une note en délibéré émanant d'une des parties à l'instance, il lui appartient dans tous les cas d'en prendre connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision. S'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré, il n'est tenu de le faire à peine d'irrégularité de sa décision que si cette note contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office.
6. La note en délibéré que la commune de Saint-Claude et M. A... ont produite après l'audience du 26 mai 2020, mais avant la lecture du jugement le 16 juin 2020, a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Besançon le 3 juin 2020. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cette note contenait l'exposé, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou devant être relevée d'office par le tribunal, soit d'une circonstance de fait, dont les requérants n'étaient pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que les premiers juges ne pouvaient ignorer sans fonder leur jugement sur des faits matériellement inexacts. Par suite, en estimant que cette note ne justifiait pas la réouverture de l'instruction et en se bornant à la viser sans prendre en compte son contenu pour rendre leur décision, les premiers juges n'ont pas davantage méconnu les principes du contradictoire et du respect des droits de la défense.
7. En quatrième lieu, il n'est pas établi que le tribunal administratif aurait procédé à une instruction partielle et partiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à un procès équitable, garanti par le premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne peut qu'être écarté.
8. En cinquième et dernier lieu, le juge, auquel il incombe de veiller à la bonne administration de la justice, n'a aucune obligation, hormis le cas où des motifs exceptionnels tirés des exigences du débat contradictoire l'imposeraient, de faire droit à une demande de report de l'audience formulée par une partie. Il n'a pas davantage à motiver le refus qu'il oppose à une telle demande.
9. Il ressort des pièces du dossier que, la veille de l'audience publique du 26 mai 2020, dont les avis d'audience avaient été notifiés aux parties le 13 mai 2020, le conseil de la commune de Saint-Claude et de M. A... en a sollicité le report, en se prévalant de l'état d'urgence sanitaire lié à la lutte contre l'épidémie de la covid-19, à la localisation du tribunal en zone rouge et aux difficultés de transport qui en résultaient. Toutefois, eu égard notamment au caractère écrit de la procédure juridictionnelle et alors même que la demande faisait état de la volonté des requérants d'être représentés à cette audience et de pouvoir s'y exprimer personnellement, les circonstances ainsi alléguées ne peuvent être regardées comme constituant des motifs exceptionnels justifiant que le tribunal administratif fasse droit à cette demande de report. Par suite, en maintenant la tenue de l'audience au 26 mai 2020 et en s'abstenant de recourir aux moyens de communication audiovisuelle, électronique ou téléphonique prévus par l'article 7 de l'ordonnance du 25 mars 2020, portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, les premiers juges n'ont pas davantage méconnu le droit à un procès équitable garanti par le premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la légalité externe de la décision du 20 avril 2018 :
10. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent ".
11. Il ressort des pièces du dossier que la décision en litige du 20 avril 2018, qui a pour objet la transformation sous une forme exclusivement ambulatoire de l'organisation du service de chirurgie du centre hospitalier " Louis Jaillon " de Saint-Claude, présente un caractère réglementaire. Elle ne saurait donc être regardée comme une décision administrative individuelle défavorable, qui doit être motivée en application des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté comme inopérant.
12. En deuxième lieu, d'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 6122-1 du code de la santé publique : " Sont soumis à l'autorisation de l'agence régionale de santé les projets relatifs à la création de tout établissement de santé, la création, la conversion et le regroupement des activités de soins, y compris sous la forme d'alternatives à l'hospitalisation ou d'hospitalisation à domicile, et l'installation des équipements matériels lourds ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 6122-6 du même code : " La conversion mentionnée à l'article L. 6122-1 consiste à transformer pour tout ou partie la nature de ses activités de soins ". Aux termes de l'article R. 6122-25 du même code : " Sont soumises à l'autorisation prévue à l'article L. 6122-1 les activités de soins, y compris lorsqu'elles sont exercées sous la forme d'alternatives à l'hospitalisation, énumérées ci-après : (...) / 2° Chirurgie ; (...) ". Aux termes de l'article R. 6122-27 du même code : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 122-1 est accordée par le directeur général de l'agence régionale de santé ".
13. D'autre part, aux termes du premier et du troisième alinéas de l'article L. 6143-3-1 du même code : " Par décision motivée et pour une durée n'excédant pas douze mois, le directeur général de l'agence régionale de santé place l'établissement public de santé sous administration provisoire (...) lorsque, après qu'il a mis en œuvre la procédure prévue à l'article L. 6143-3, l'établissement ne présente pas de plan de redressement dans le délai requis (...). / Pendant la période d'administration provisoire, les attributions du conseil de surveillance et du directeur, ou les attributions de ce conseil ou du directeur, sont assurées par les administrateurs provisoires (...) ". Aux termes de l'article L. 6143-7 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Le directeur, président du directoire, conduit la politique générale de l'établissement. (...) / Après concertation avec le directoire, le directeur : (...) / 2° Décide, conjointement avec le président de la commission médicale d'établissement, de la politique d'amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins, ainsi que des conditions d'accueil et de prise en charge des usagers (...) ".
14. Il ressort des pièces du dossier que la décision en litige du 20 avril 2018 a été prise, en concertation avec le directoire et après avis favorable de la commission médicale d'établissement du 26 mars 2018, au motif que la pénurie de médecins-anesthésistes-réanimateurs, à laquelle était confronté le centre hospitalier " Louis Jaillon ", rendait impossible pour des raisons de sécurité, la permanence des soins en hospitalisation complète au sein du service de chirurgie. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, une telle décision ne peut être regardée comme une mesure de conversion de l'offre de soins, qui aurait dû être prise par le directeur général de l'agence régionale, dès lors qu'elle se borne à modifier les conditions d'exécution de l'autorisation donnée à l'activité de chirurgie, sans en transformer la nature, en instaurant une prise en charge des patients sous une forme exclusivement ambulatoire. Or, il résulte de l'article 2 de l'arrêté du directeur général de l'agence régionale de santé de Bourgogne-Franche-Comté du 12 mai 2017 que, pendant la période d'administration provisoire, l'administrateur désigné par la ministre des solidarités et de la santé assurera, conformément aux dispositions du troisième alinéa de l'article L. 6143-3-1 du code de la santé publique, les attributions du directeur et du conseil de surveillance du centre hospitalier " Louis Jaillon ". Dans ces conditions, en application du 2° du septième alinéa de l'article L. 6143-7 du même code, l'administrateur provisoire était bien compétent pour déterminer les nouvelles conditions d'accueil et de prise en charge des usagers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait et il ne peut qu'être écarté.
15. En troisième lieu, aux termes du second paragraphe de l'article D. 6122-38 du code de la santé publique : " II.- Lorsque le titulaire de l'autorisation entend modifier les locaux ou les conditions d'exécution de l'autorisation d'activité de soins ou d'équipement matériel lourd, il en informe le directeur général de l'agence régionale de santé en lui transmettant les documents afférents au projet. Lorsque le directeur général de l'agence régionale de santé constate que la modification n'appelle pas une nouvelle décision d'autorisation nécessitant le dépôt d'une demande, il donne son accord au projet en indiquant qu'il pourra être procédé, après réalisation, à une vérification du maintien de la conformité des éléments de l'activité de soins ou de l'utilisation de l'équipement matériel lourd concernés par cette opération. Cette vérification est effectuée selon la procédure prévue au I, après que le titulaire de l'autorisation a déclaré au directeur général de l'agence régionale de santé l'achèvement de l'opération ".
16. Si la commune de Saint-Claude et M. A... sont fondés à soutenir que la décision en litige du 20 avril 2018 modifie les conditions d'exécution de l'autorisation d'activité de chirurgie, il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 20 mars 2018, reçu le 23 mars suivant, l'administrateur provisoire a informé le directeur général de l'agence régional de santé de Bourgogne-Franche-Comté de ce que le centre hospitalier " Louis Jaillon " ne sera plus en mesure d'assurer l'activité de chirurgie en hospitalisation complète à compter du mois d'avril 2018. En sollicitant le 6 avril 2018 la confirmation, par décision officielle, de l'arrêt de ce mode de prise en charge des patients et la date de mise en œuvre de la nouvelle organisation retenue, puis en prenant acte, le 13 juin 2018, des changements opérés par la décision en litige, le directeur général de l'agence régionale de santé doit être regardé comme ayant donné son accord au projet. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article D. 6122-38 du code de la santé publique doit être écarté.
17. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 6143-1 du code de la santé publique : " Le conseil de surveillance se prononce sur la stratégie et exerce le contrôle permanent de la gestion de l'établissement (...). / Il donne son avis sur : - la politique d'amélioration continue de la qualité, de la sécurité des soins et de la gestion des risques ainsi que les conditions d'accueil et de prise en charge des usagers ; (...) ".
18. Il ressort des pièces du dossier que l'administrateur provisoire assurait, à la date de la décision en litige du 20 avril 2018, les attributions du directeur et du conseil de surveillance du centre hospitalier " Louis Jaillon ". Dans ces conditions, la commune de Saint-Claude et M. A... ne sont pas fondés à soutenir que, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 6143-1 du code de la santé publique, le conseil de surveillance n'aurait pas été consulté pour avis sur les conditions d'accueil et de prise en charge des usagers. Par suite, le moyen ne peut être accueilli.
19. En cinquième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 14 du présent arrêt, la décision en litige du 20 avril 2018, qui modifie les conditions d'exécution de l'autorisation d'activité de chirurgie, sans en transformer la nature, ne constitue pas une conversion de l'offre de soins. De même, elle n'a pas eu pour objet, ni pour effet, de procéder à la révision, à la suspension ou au retrait d'une telle activité. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les règles procédurales énoncées aux articles L. 6122-1, L. 6122-2, L. 6122-12 et L. 6122-13 du code de la santé publique auraient été méconnues. Par suite, les moyens invoqués en ce sens doivent être écartés.
20. En sixième et dernier lieu, aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 6143-3-1 du code de la santé publique : " Deux mois au moins avant la fin de leur mandat, les administrateurs provisoires remettent un rapport de gestion au directeur général de l'agence. Au vu de ce rapport, ce dernier peut décider de mettre en œuvre les mesures prévues aux articles L. 6131-1 et suivants. Il peut également proroger l'administration provisoire pour une durée maximum de douze mois. A défaut de décision en ce sens avant la fin du mandat des administrateurs, l'administration provisoire cesse de plein droit ".
21. La commune de Saint-Claude et M. A... soutiennent qu'en méconnaissance des dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 6143-3-1 du code de la santé publique, l'administrateur provisoire n'a pas établi de rapport de gestion deux mois avant la fin de sa mission, soit au plus tard le 17 mars 2018. Toutefois, ce rapport ayant uniquement pour objet d'éclairer le directeur général de l'agence régional de santé sur les suites à donner à l'administration provisoire à l'issue de la période initiale de douze mois, une telle méconnaissance, à la supposer même établie, est sans incidence sur la légalité de la décision en litige du 20 avril 2018. Par suite, le moyen doit être écarté comme inopérant.
En ce qui concerne la légalité interne de la décision du 20 avril 2018 :
22. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, l'administrateur provisoire, investi des attributions du directeur et du conseil de surveillance de l'établissement, a procédé à une réorganisation du service de chirurgie sous une forme exclusivement ambulatoire au motif que, compte tenu de la pénurie de médecins-anesthésistes-réanimateurs, la prise en charge des patients en hospitalisation complète ne pouvait plus être assurée dans des conditions suffisantes de sécurité. Contrairement aux allégations des requérants, la décision en litige du 20 février 2018, qui modifie les conditions d'exécution de l'autorisation de l'activité de soins concernée, est fondée sur les dispositions combinées du 2° du septième alinéa de l'article L. 6143-7 et du second paragraphe de l'article D. 6122-8 du code de la santé publique. Par suite, le moyen tiré du défaut de base légale ne peut qu'être écarté.
23. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 1434-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable : " Le projet régional de santé définit, en cohérence avec la stratégie nationale de santé et dans le respect des lois de financement de la sécurité sociale, les objectifs pluriannuels de l'agence régionale de santé dans ses domaines de compétences, ainsi que les mesures tendant à les atteindre. ". Aux termes de l'article L. 1434-2 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Le projet régional de santé est constitué : 1° D'un cadre d'orientation stratégique, qui détermine des objectifs généraux et les résultats attendus à dix ans ; 2° D'un schéma régional de santé, établi pour cinq ans sur la base d'une évaluation des besoins sanitaires, sociaux et médico-sociaux et qui détermine, pour l'ensemble de l'offre de soins et de services de santé, y compris en matière de prévention, de promotion de la santé et d'accompagnement médico-social, des prévisions d'évolution et des objectifs opérationnels. Ces objectifs portent notamment sur la réduction des inégalités sociales et territoriales en matière de santé, sur l'amélioration de l'accès des personnes les plus démunies à la prévention et aux soins, sur le renforcement de la coordination, de la qualité, de la sécurité, de la continuité et de la pertinence des prises en charge sanitaires et médico-sociales ainsi que sur l'organisation des parcours de santé, notamment pour les personnes atteintes de maladies chroniques et les personnes en situation de handicap ou de perte d'autonomie. (...) ".
24. D'une part, s'il est vrai que le schéma régional de santé du plan régional de santé de Bourgogne-Franche-Comté 2012-2016, dont la validité a été prorogée jusqu'au 1er janvier 2018 en application du VIII de l'article 158 de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, préconise le maintien d'une implantation et d'un plateau technique chirurgical au sein du centre hospitalier " Louis Jaillon " de Saint-Claude, il est constant que cette préconisation est subordonnée au respect par l'établissement d'un seuil de 1 500 séjours chirurgicaux par an et que ce seuil n'est plus atteint depuis au moins 2015, ainsi que cela résulte du schéma régional de santé 2018-2023. En tout état de cause, la décision en litige, qui se borne à organiser le service de chirurgie selon un mode exclusivement ambulatoire, ne remet nullement en cause les spécialités chirurgicales proposées par cet établissement hospitalier, ni les activités opératoires correspondantes.
25. D'autre part, les requérants font valoir que l'abandon de la chirurgie en hospitalisation complète est de nature à créer une situation intolérable pour les usagers en terme de sécurité et de santé publiques, spécialement en zone de montagne. Toutefois, ainsi qu'il a été dit précédemment et alors qu'il n'est pas établi que l'administrateur provisoire se serait abstenu de mener une politique active de recrutement, cet abandon a précisément été justifié par l'impossibilité d'assurer, compte tenu de la pénurie des médecins-anesthésistes-réanimateurs, une prise en charge sécure des patients. En outre, l'organisation de la chirurgie sous une forme exclusivement ambulatoire a conduit le centre hospitalier " Louis Jaillon ", qui était déjà doté d'un service d'accueil des urgences et d'une structure mobile d'urgence et de réanimation permettant, le cas échéant, l'acheminement en urgence des patients vers des plateaux techniques de chirurgie adaptés à leurs pathologies, au besoin en ayant recours aux moyens héliportés basés au centre hospitalier régional universitaire de Besançon, à mettre également en place un protocole de transfert des patients dont l'état de santé requiert une hospitalisation complète.
26. Enfin, alors que les articles D. 6124-301 à D. 6124-305 du code de la santé publique soumettent les unités de chirurgie ambulatoires à des conditions techniques de fonctionnement, afin notamment de garantir la sécurité des prises en charge, le schéma régional de santé 2018-2023, comme d'ailleurs le précédent, font du développement du mode ambulatoire en chirurgie un enjeu majeur d'évolution des établissements de santé, qui, à l'instar du centre hospitalier " Louis Jaillon ", ne dépassent pas le seuil de 1 500 séjours chirurgicaux par an.
27. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions et des objectifs du schéma régional de santé du plan régional de santé de Bourgogne-Franche-Comté 2012-2016 doit, en tout état de cause, être écarté.
28. En troisième lieu, si les requérants font valoir que la décision en litige du 20 avril 2018, qui " cible " l'activité de chirurgie au sein du centre hospitalier " Louis Jaillon ", est constitutive d'une rupture d'égalité entre les services, il ressort des pièces du dossier que la nouvelle organisation instituée par l'administrateur provisoire permet de maintenir l'ensemble des spécialités chirurgicales proposées par cet établissement et de garantir aux usagers une prise en charge dans des conditions de sécurité. Elle est justifiée par l'impossibilité d'assurer aux patients en hospitalisation complète une surveillance permanente par un médecin-anesthésiste-réanimateur et repose ainsi sur des considérations objectives et vise à remédier à une situation spécifique à la chirurgie. Par suite, et alors que le service de gynécologie-obstétrique, également confronté à des difficultés de recrutement du personnel soignant, a fait l'objet, quant à lui, d'une suspension, puis d'un retrait définitif par le directeur général de l'agence régionale de santé de Bourgogne Franche-Comté de son autorisation d'activité de soins, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.
29. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 1110-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable : " Le droit fondamental à la protection de la santé doit être mis en œuvre par tous moyens disponibles au bénéfice de toute personne. Les professionnels, les établissements et réseaux de santé, les organismes d'assurance maladie ou tous autres organismes participant à la prévention et aux soins, et les autorités sanitaires contribuent, avec les usagers, à développer la prévention, garantir l'égal accès de chaque personne aux soins nécessités par son état de santé et assurer la continuité des soins et la meilleure sécurité sanitaire possible ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 1110-3 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Aucune personne ne peut faire l'objet de discriminations dans l'accès à la prévention ou aux soins ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 1110-5 du même code : " Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l'urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir, sur l'ensemble du territoire, les traitements et les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l'efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire et le meilleur apaisement possible de la souffrance au regard des connaissances médicales avérées. (...) ". Aux termes de l'article L. 1110-8 du même code : " Le droit du malade au libre choix de son praticien et de son établissement de santé et de son mode de prise en charge, sous forme ambulatoire ou à domicile, en particulier lorsqu'il relève de soins palliatifs au sens de l'article L. 1110-10, est un principe fondamental de la législation sanitaire. / Les limitations apportées à ce principe par les différents régimes de protection sociale ne peuvent être introduites qu'en considération des capacités techniques des établissements, de leur mode de tarification et des critères de l'autorisation à dispenser des soins remboursables aux assurés sociaux ".
30. Contrairement à ce que soutiennent les requérants et en tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'offre de soins en chirurgie proposée par le centre hospitalier " Louis Jaillon ", dans le cadre de la nouvelle organisation instituée par la décision en litige du 20 avril 2018, serait attentatoire aux droits fondamentaux des usagers garantis par ces dispositions. Par suite, en tout état de cause et alors qu'au demeurant le droit du malade au libre choix de son établissement de santé et de son mode de prise en charge doit s'entendre sous réserve notamment des capacités techniques des établissements concernés, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 1110-1 et du premier alinéa des articles L. 1110-3, L. 1110-5 et L. 1110-8 du code de la santé publique.
31. En cinquième et dernier lieu, en se bornant à affirmer que la fermeture du service de chirurgie s'est fait exclusivement pour des raisons budgétaires et à faire état, au soutien de leurs allégations, d'un communiqué de presse de l'agence régionale de santé de Bourgogne-Franche-Comté datant du 8 mars 2017, les requérants n'établissent pas que la décision en litige serait entachée d'un détournement de procédure. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
32. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Saint-Claude et M. A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 20 avril 2018.
Sur les frais de justice :
33. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du centre hospitalier " Louis Jaillon ", qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes réclamées par la commune de
Saint-Claude et par M. A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire des requérants le versement au défendeur d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Saint-Claude et de M. A... est rejetée.
Article 2 : La commune de Saint-Claude et M. A... verseront solidairement au centre hospitalier " Louis Jaillon " la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Claude, à
M. B... A..., au centre hospitalier " Louis Jaillon ", au directeur générale de l'agence régionale de santé de Bourgogne-Franche-Comté et au ministre de la santé et de la prévention.
Délibéré après l'audience du 16 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Haudier, présidente,
- M. Meisse, premier conseiller,
- M. Marchal, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2023.
Le rapporteur,
Signé : E. MEISSE
La présidente,
Signé : G. HAUDIER
Le greffier,
Signé : F. LORRAIN
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 20NC02376 2