Vu la procédure suivante :
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 11 juin 2021 et le 3 avril 2022, la société Sarre et Eichel EnR, représentée par Me Delavenne, demande à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 18 février 2021 par lequel le préfet du Bas-Rhin a rejeté sa demande d'autorisation environnementale en vue de construire et d'exploiter un parc éolien sur le territoire de la commune d'Oermingen ;
2°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de poursuivre l'instruction de sa demande et d'engager la phase d'enquête publique dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté du 18 février 2021 est insuffisamment motivé ;
- le préfet du Bas-Rhin n'a pas procédé à un examen particulier de sa demande et a méconnu l'étendue de sa compétence ;
- le préfet du Bas-Rhin ne pouvait considérer l'avis de la direction générale de l'aviation civile comme favorable ;
- l'avis conforme du 12 janvier 2020 du ministre des armées est irrégulier car le ministre a accordé une valeur réglementaire à un document qui en est dépourvu ; la zone VOLTAC PHG n'est pas réservée à l'armée ; la décision est entachée d'une erreur de fait et le projet objet de la demande ne créera pas de contrainte supplémentaire préjudiciable à la sécurité des vols d'hélicoptère.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mars 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun moyen soulevé par la société Sarre et Eichel EnR n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'aviation civile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Sibileau, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,
- et les observations de Me Brunstein-Compard pour la société Sarre et Eichel EnR.
Considérant ce qui suit :
1. La société Sarre et Eichel EnR a déposé le 21 octobre 2020 une demande d'autorisation environnementale pour exploiter un parc éolien composé de cinq aérogénérateurs d'une hauteur de 200 mètres et de deux structures de livraison sur le territoire de la commune d'Oermingen. La société demande l'annulation de l'arrêté du 18 février 2021 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de délivrer cette autorisation.
Sur la légalité de l'arrêté du 18 février 2021 :
2. En premier lieu, si la société Sarre et Eichel EnR soutient que la décision du 18 février 2021 est insuffisamment motivée, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation de cet arrêté ne peut qu'être écarté en tout état de cause.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 181-32 du code de l'environnement : " Lorsque la demande d'autorisation environnementale porte sur un projet d'installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, le préfet saisit pour avis conforme : 1° Le ministre chargé de l'aviation civile : (...) / 2° Le ministre de la défense (...) " et de l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile : " A l'extérieur des zones grevées de servitudes de dégagement en application du présent titre, l'établissement de certaines installations qui, en raison de leur hauteur, pourraient constituer des obstacles à la navigation aérienne est soumis à une autorisation spéciale du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense. / Des arrêtés ministériels déterminent les installations soumises à autorisation ainsi que la liste des pièces qui doivent être annexées à la demande d'autorisation. L'autorisation peut être subordonnée à l'observation de conditions particulières d'implantation, de hauteur ou de balisage suivant les besoins de la navigation aérienne dans la région intéressée. ". Aux termes de l'article R. 181-34 du code de l'environnement : " Le préfet est tenu de rejeter la demande d'autorisation environnementale dans les cas suivants : (...) / 2° Lorsque l'avis de l'une des autorités ou de l'un des organismes consultés auquel il est fait obligation au préfet de se conformer est défavorable ; (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions que le préfet, saisi d'une demande d'autorisation environnementale portant sur un projet d'installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, doit recueillir l'accord du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense et qu'à défaut d'accord de l'un de ces ministres, il est tenu de refuser l'autorisation environnementale sollicitée. Par suite, le préfet du Bas-Rhin, saisi de la demande de délivrance d'une autorisation environnementale en vue de la réalisation de cinq aérogénérateurs d'une hauteur de 200 mètres et de deux structures de livraison sur le territoire de la commune d'Oermingen était tenu de la refuser au seul motif tiré de l'avis défavorable à ce projet émis par la ministre des armées le 12 janvier 2020. Par conséquent, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Bas-Rhin se serait, à tort, cru en situation de compétence liée et aurait ainsi entaché sa décision d'incompétence négative ou qu'il n'aurait pas procédé à un examen particulier de la demande de la société Sarre et Eichel EnR.
5. En troisième lieu, il résulte de l'avis défavorable du ministre des armées du 12 janvier 2020 fondé sur l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile que le projet se situe dans un espace permanent VOLTAC PHG N dédié à l'entrainement des équipages d'hélicoptères au vol à très basse altitude de jour comme de nuit à une hauteur inférieure à 150 mètres et en particulier au vol tactique à une hauteur inférieure à 50 mètres et que compte-tenu de la proximité du sol, de la gestion de l'anti-abordage avec les autres usagers aériens et des trajectoires imposées par le déroulement tactiques, l'implantation de nouveaux aérogénérateurs dans ce secteur est de nature à induire une contrainte supplémentaire préjudiciable à la sécurité des vols et à la réalisation de ces missions.
6. Si, ainsi que le fait valoir la société requérante, ce secteur ne constitue pas une servitude aéronautique et ne fait pas obstacle, par lui-même, au développement des projets éoliens, ceux-ci ne peuvent toutefois y être autorisés que sous réserve d'être compatibles avec la sécurité des aéronefs et avec l'utilisation de cette zone par les aéronefs militaires.
7. Contrairement à ce que soutient la société Sarre et Eichel EnR, le ministre des armées dans son avis du 12 janvier 2020 n'a pas indiqué que l'espace permanent VOLTAC PHG N était réservé aux seuls appareils militaires. Il résulte par ailleurs de l'instruction que, contrairement à ce que la société Sarre et Eichel EnR avait également soutenu, le site d'implantation du projet est effectivement situé dans cet espace permanent. Il résulte de l'instruction que les armées ne disposent en 2019 que de 3 521 kilomètres carrés de lieux d'entrainement (soit 43,15% de la surface de l'espace permanent VOLTAC PHG N) et que par conséquent la création du parc éolien viendra encore réduire cet espace. Le VOLTAC PHG N est un lieu d'entraînement se situant à proximité de la base du premier régiment d'hélicoptères de combat de Phalsbourg. Les pilotes doivent s'entraîner à des vols en CAM T c'est à dire en-dessous de 50 mètres. Ces vols sont effectués dans la zone par un seul pilote à bord et la proximité de l'aérodrome de Sarre-Union est cruciale en cas de panne ou de défectuosité d'un des appareils. Enfin, il n'est pas établi qu'il existe des zones de substitution pour les entraînements. Dans ces conditions, alors même que le secteur VOLTAC PHG N ne serait pas utilisé de façon permanente pour l'entraînement d'hélicoptères militaires et qu'il existe également des zones réglementées interdites à la navigation civile pour permettre de s'entraîner au vol tactique, c'est sans erreur d'appréciation que le ministre des armées a émis un avis défavorable en application de l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile au projet en litige en raison des contraintes qu'il induirait pour la sécurité des vols et la réalisation des missions lors des entraînements des hélicoptères.
8. En quatrième lieu, il résulte de ce qui a été exposé ci-dessus que le préfet du Bas-Rhin était tenu de rejeter la demande de la société Sarre et Eichel EnR dès lors que le ministre des armées a émis un avis négatif le 12 janvier 2020. Par conséquent, est sans influence sur la légalité de la décision attaquée, la circonstance que le préfet du Bas-Rhin ait substitué un avis explicite défavorable de la direction générale de l'aviation civile à un avis tacite favorable.
9 Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par la société Sarre et Eichel EnR à fin d'annulation doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, celles présentées à fin d'injonction et au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Sarre et Eichel EnR est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sarre et Eichel EnR et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré après l'audience du 13 avril 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- M. Sibileau, premier conseiller,
- Mme Barrois, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mai 2023.
Le rapporteur,
Signé : J.-B. SibileauLe président,
Signé : M. A...
La greffière,
Signé : S. RobinetLa République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
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N° 21NC01700