La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/05/2023 | FRANCE | N°20NC03059

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 11 mai 2023, 20NC03059


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner le centre hospitalier régional (CHR) de Metz-Thionville à lui verser la somme de 43 935,36 euros en réparation du préjudice financier qui a résulté de l'illégalité des décisions du 28 avril 2015 et du 28 décembre 2015 E... lesquelles le CHR a refusé de lui accorder une prolongation d'activité, d'enjoindre au CHR de calculer ses pertes de pension de retraite dues à l'absence de prolongation d'activité sur une période de trois

ans et de le condamner à lui verser cette somme pendant 20 ans et de condamne...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner le centre hospitalier régional (CHR) de Metz-Thionville à lui verser la somme de 43 935,36 euros en réparation du préjudice financier qui a résulté de l'illégalité des décisions du 28 avril 2015 et du 28 décembre 2015 E... lesquelles le CHR a refusé de lui accorder une prolongation d'activité, d'enjoindre au CHR de calculer ses pertes de pension de retraite dues à l'absence de prolongation d'activité sur une période de trois ans et de le condamner à lui verser cette somme pendant 20 ans et de condamner le CHR à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral.

E... un jugement n° 1806222 du 24 août 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné le CHR de Metz-Thionville à verser à M. B... la somme de 4 000 euros en réparation de son préjudice moral, assortie des intérêts à compter du 7 septembre 2018, et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

E... une requête, enregistrée le 19 octobre 2020, M. B..., représenté E... Me Maetz de la Selarl Leonem, demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du 24 août 2020 ;

2°) de condamner le CHR de Metz-Thionville à lui verser la somme de 43 935,36 euros, augmentée des intérêts au taux légal avec capitalisation des intérêts à compter de sa demande préalable ;

3°) d'enjoindre au CHR de calculer la perte de retraite à raison de l'absence de prolongation d'activité sur trois ans et de lui verser les 240 mensualités correspondantes, soit 12 mensualités sur 20 années, somme augmentée des intérêts au taux légal avec capitalisation des intérêts à compter de la demande préalable ;

4°) de condamner le CHR de Metz-Thionville à lui verser, en réparation de son préjudice moral, la somme de 20 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal avec capitalisation des intérêts à compter de sa demande préalable ;

5°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement du 24 août 2020 en tant qu'il limite la condamnation du CHR de Metz-Thionville à lui verser la somme de 4 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

6°) de condamner le CHR de Metz-Thionville à lui verser, en réparation de son préjudice moral, la somme de 20 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal avec capitalisation des intérêts à compter de sa demande préalable ;

7°) de mettre à la charge du CHR de Metz-Thionville une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ne pouvaient pas, sans dénaturer les pièces du dossier, considérer que sa demande de prolongation était fondée sur les dispositions de l'article 1-1 de la loi du 13 septembre 1984 ;

- ils ont commis une erreur de droit en écartant l'existence d'une décision implicite d'acceptation de sa demande de prolongation d'activité ;

- ils ont commis une erreur de droit en écartant l'application des dispositions de l'article 4 du décret du 30 décembre 2009 aux demandes présentées en application de

l'article 1-1 de la loi du 13 septembre 1984 ;

- en limitant l'indemnisation du préjudice moral à 4 000 euros, les premiers juges ont méconnu le principe de réparation intégrale du préjudice ;

- il bénéficiait d'une décision implicite d'acceptation de sa prolongation d'activité pour une durée de trois années, que l'annulation des deux décisions des 28 avril et 28 décembre 2015 a fait revivre ;

- les décisions illégales n'étant pas motivées E... la durée de la prolongation qu'il avait sollicitée, il avait droit à une prolongation pendant trois ans ;

- sa perte de revenus s'élève à 11 571,36 euros entre janvier 2016 et janvier 2017 et à 23 814 euros entre février 2017 et janvier 2019 ;

- il a été privé d'une prime de départ à la retraite, à hauteur de 50 euros brut E... an ;

- il a été privé de la prime de service, à raison de 2 800 euros E... an ;

- il a subi une perte de pension de retraite, dont le montant aurait été plus élevé s'il avait cotisé douze trimestres supplémentaires ;

- les refus de lui accorder un maintien en activité ont occasionné un préjudice moral qu'il y a lieu de l'indemniser à hauteur de 20 000 euros.

E... un mémoire en défense, enregistré le 3 mars 2021, le centre hospitalier régional (CHR) de Metz-Thionville, représenté E... Me Olszak de la Selas Olszak et Levy, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés E... M. B... à l'encontre du jugement ne sont pas fondés ;

- le tribunal a opéré une juste appréciation de son préjudice moral en lui accordant la somme de 4 000 euros à titre de réparation ;

- M. B... ne disposait d'aucun droit à bénéficier d'une prolongation d'activité pendant une durée de trois ans ;

- à supposer qu'il aurait pu en bénéficier, les préjudices invoqués ne présentent pas de lien réel et certain au-delà d'une durée de prolongation d'une année ;

- le montant de l'indemnité allouée au titre de la perte de revenus ne pourrait excéder 9 063,96 euros ;

- la demande présentée au titre d'une éventuelle perte de prime de service n'est pas fondée ;

- ayant été radié des cadres le 1er janvier 2016, il ne peut pas prétendre à l'indemnisation d'un préjudice tenant à la perte de chance de bénéficier d'une pension de retraite revalorisée.

Un mémoire en production de pièces, présenté pour M. B... en réponse à la mesure d'instruction diligentée E... la cour le 13 mars 2023, a été enregistré le 21 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 2009-1744 du 30 décembre 2009 ;

- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme D...,

- les observations de Me Picoche, avocat de M. B...,

- les observations de Me Hamm, avocate du CHR de Metz-Thionville.

Une note en délibéré, présentée pour le CHR de Metz-Thionville, a été enregistrée le 13 avril 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Recruté E... le centre hospitalier régional de Metz-Thionville en janvier 1982, M. B... y exerçait les fonctions d'infirmier anesthésiste. E... une demande du 9 décembre 2014, il a sollicité le bénéfice d'un maintien en activité auprès de son employeur. E... une décision du 28 avril 2015, le directeur des ressources humaines du CHR a refusé de faire droit à sa demande. Un accord ayant été trouvé entre l'intéressé et sa direction, il a bénéficié, E... une décision du 22 juin 2015, d'une prolongation d'activité du 28 juin au 30 septembre 2015, puis du 1er octobre au 31 décembre 2015 E... une décision du 29 septembre 2015. E... une décision du 28 décembre 2015, la directrice générale du CHR a toutefois refusé de faire droit à sa demande de maintien en activité au-delà du 31 décembre 2015. E... une autre décision du même jour, M. B... a été admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er janvier 2016. E... un jugement n° 1503212-1600500 du 29 mars 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé, pour excès de pouvoir, les décisions du 28 juin et du 28 décembre 2015. E... une demande préalable du 2 juin 2018, M. B... a alors sollicité du CHR de Metz-Thionville qu'il l'indemnise d'une part, du préjudice financier résultant de la différence entre les revenus qu'il aurait perçus s'il avait bénéficié d'une prolongation d'activité de trois années et la retraite perçue, d'autre part du préjudice financier résultant de la différence entre le montant de sa retraite et le montant de la retraite qu'il aurait perçue s'il avait bénéficié d'une prolongation d'activité et, enfin, de son préjudice moral. M. B... doit être regardé comme relevant appel du jugement du 24 août 2020 en tant que le tribunal administratif de Strasbourg a limité l'indemnisation de son préjudice moral à la somme de 4 000 euros et a rejeté le surplus de sa demande.

Sur le principe de la responsabilité du CHR de Metz-Thionville :

2. Il résulte de l'instruction que, E... un jugement du 29 mars 2018, devenu définitif, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé, d'une part, la décision du 28 avril 2015 E... laquelle le CHR de Metz-Thionville avait refusé de faire droit à la demande de maintien en activité formée E... M. B... le 9 décembre 2014 et, d'autre part, la décision du 28 décembre 2015 refusant sa prolongation d'activité au-delà du 31 décembre 2015. L'illégalité respective des décisions du 28 avril 2015 et du 28 décembre 2015 est de nature à engager la responsabilité pour faute du CHR de Metz-Thionville à l'égard de M. B... qui, est E... suite, fondé à demander réparation des préjudices directs et certains qui en sont résultés pour lui.

Sur l'indemnisation des préjudices :

3. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer E... son travail au cours de la période d'éviction.

En ce qui concerne les préjudices financiers :

S'agissant de l'étendue du dommage :

4. Aux termes de l'article 85 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa version alors applicable : " Les fonctionnaires régis E... le présent titre ne peuvent être maintenus en fonctions au-delà de la limite d'âge de leur emploi. / Sont applicables aux intéressés les dispositions législatives et réglementaires portant recul des limites d'âge des fonctionnaires de l'Etat ou permettant à ces derniers de solliciter dans certains cas leur maintien en activité au-delà de la limite d'âge ". Aux termes de l'article 1-1 de la loi du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public : " Sous réserve des droits au recul des limites d'âge reconnus au titre des dispositions de la loi du 18 août 1936 concernant les mises à la retraite E... ancienneté, les fonctionnaires dont la durée des services liquidables est inférieure à celle définie à l'article L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite peuvent, lorsqu'ils atteignent les limites d'âge applicables aux corps auxquels ils appartiennent, sur leur demande, sous réserve de l'intérêt du service et de leur aptitude physique, être maintenus en activité. / La prolongation d'activité prévue à l'alinéa précédent ne peut avoir pour effet de maintenir le fonctionnaire concerné en activité au-delà de la durée des services liquidables prévue à l'article L. 13 du même code ni au-delà d'une durée de dix trimestres. / (...) ". Aux termes de l'article 1-3 de la même loi : " Sous réserve des droits au recul des limites d'âge prévus E... l'article 4 de la loi du 18 août 1936 concernant les mises à la retraite E... ancienneté, les fonctionnaires régis E... la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires appartenant à des corps ou des cadres d'emplois dont la limite d'âge est inférieure à la limite d'âge prévue au premier alinéa de l'article 1er de la présente loi sont, sur leur demande, lorsqu'ils atteignent cette limite d'âge, maintenus en activité jusqu'à un âge égal à la limite d'âge prévue au même premier alinéa, dans les conditions prévues E... décret en Conseil d'Etat, sous réserve de leur aptitude physique ".

Quant à l'allégation d'un droit à prolongation d'activité pendant trois années :

5. Aux termes de l'article 4 du décret du 30 décembre 2009 pris pour l'application de l'article 1-3 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public : " I. ' La demande de prolongation d'activité est présentée E... le fonctionnaire à l'employeur public au plus tard 6 mois avant la survenance de la limite d'âge. Il en est accusé réception. (...) / III. ' La décision de l'employeur public intervient au plus tard trois mois avant la survenance de la limite d'âge. Le silence gardé pendant plus de trois mois sur la demande de prolongation vaut décision implicite d'acceptation. (...) ".

6. Il ressort des termes de la demande du 9 décembre 2014 E... laquelle M. B... a sollicité son maintien en activité après le 28 juin 2015, date non contestée de la limite d'âge pour son admission à la retraite, qu'il ne totalisait pas le nombre de trimestres nécessaires. Il en résulte que, ainsi que les premiers juges l'ont à juste titre retenu, sa demande devait être regardée comme fondée sur les dispositions de l'article 1-1 de la loi du 13 septembre 1984 précité, et non sur celles de l'article 1-3 de cette même loi. Dès lors, M. B... ne saurait utilement se prévaloir des dispositions du III de l'article 4 du décret du 30 décembre 2009 précité dont les dispositions ne concernent, ainsi qu'il ressort de son intitulé, que les demandes présentées sur le fondement de l'article 1-3 de la loi du 13 septembre 1984. Le requérant ne se prévaut en outre d'aucune autre disposition légale ou réglementaire applicable à sa situation qui aurait institué un régime de décision implicite d'acceptation. E... suite, il n'est pas fondé à se prévaloir d'une décision implicite d'acceptation de sa demande de prolongation d'activité que l'annulation des décisions du 28 avril et du 28 décembre 2015 aurait fait revivre.

Quant à la perte de chance d'être maintenu en activité :

7. Il résulte des dispositions précitées de l'article 1-1 de la loi du 13 septembre 1984 que le maintien en activité du fonctionnaire au-delà de la limite d'âge du corps auquel il appartient constitue une simple faculté laissée à l'appréciation de l'autorité administrative, qui détermine sa position en fonction de l'intérêt du service et de l'aptitude physique du fonctionnaire.

8. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, postérieurement à la décision illégale du 28 avril 2015, le CHR de Metz-Thionville a proposé à M. B..., ainsi qu'il ressort d'un courrier du 1er juin 2015, un maintien en activité pour une première période de six mois au sein du secteur " anesthésie - salle de surveillance post-interventionnelle (SSPI) " à 100 % de sa quotité de temps de travail. Ce changement de position de l'autorité gestionnaire a été motivé E... la nécessité de service observée dans ce secteur ainsi que E... l'obligation faite à un établissement hospitalier d'assurer la présence permanente d'un infirmier anesthésiste diplômé d'Etat (IADE) auprès des patients en salle de réveil après intervention chirurgicale. Il a également été tenu compte du désir exprimé E... l'agent de ne plus travailler au bloc opératoire ainsi que de sa fiche d'aptitude délivrée E... le service de santé au travail le 21 avril 2015. Des décisions du 22 juin et du 29 septembre 2015 ont alors formalisé la prolongation d'activité de M. B... respectivement du 28 juin au 30 septembre puis du 1er octobre au 31 décembre 2015. S'il résulte de l'instruction que le requérant, qui a été placé en arrêt de travail à partir du 1er juillet 2015, n'a en réalité pas pu exercer ses fonctions, il ne conteste pas avoir perçu la rémunération correspondante au cours de cette période ni avoir cotisé pour sa retraite. E... suite, M. B... n'a subi, du fait de l'illégalité de la décision du 28 avril 2015, ni perte de revenus, ni perte de pension de retraite.

9. En second lieu, d'abord, il ressort du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 29 mars 2018 que la décision du 28 décembre 2015 qui refusait à M. B... le bénéfice du maintien en activité au-delà du 31 décembre 2015 a été annulée au motif, qui est le soutien nécessaire du dispositif de ce jugement, qu'il n'était pas établi que l'intéressé, qui était en arrêt de travail depuis le 1er juillet 2015, était devenu physiquement inapte à ses fonctions au cours de la période de prolongation. Il résulte de l'instruction que, alors que l'arrêt de travail de M. B... avait été initialement prolongé du 22 décembre 2015 au 31 janvier 2016, le praticien hospitalier qui le suivait a estimé qu'il était en réalité apte à reprendre le travail dès le 13 janvier 2016, sur un poste aménagé lui évitant tout port de charge supérieure à 2 kilos, le brancardage et la manutention jusqu'au 29 février 2016. Le CHR de Metz-Thionville, qui a produit la " fiche des activités de l'IADE en SSPI " à jour au 1er janvier 2016, n'allègue pas que M. B... n'aurait pas pu, compte tenu des restrictions temporaires préconisées E... son médecin, exercer les fonctions pour lesquelles son maintien en activité avait été décidé en juin 2015. E... ailleurs, le CHR n'allègue pas non plus que le service " anesthésie- SSPI " ne nécessitait plus, à compter du 1er janvier 2016, le maintien d'un infirmier-anesthésiste supplémentaire dans ses effectifs, ni ne prétend que l'intérêt du service faisait obstacle, compte tenu de l'état de santé de l'agent, à son maintien en activité. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que le CHR de Metz-Thionville aurait pris la même décision de refus de maintien en activité de M. B... s'il n'avait pas retenu à tort le motif tiré de son inaptitude.

10. Ensuite, il résulte de ce qui précède que le refus de prolongation d'activité qui a été à tort opposé à M. B... le 28 décembre 2015 lui a fait perdre une chance sérieuse d'être maintenu en activité au-delà du 1er janvier 2016, date à laquelle il a été admis à la retraite. A cet égard, et contrairement à ce que le CHR soutient, l'admission de l'agent à la retraite et la circonstance que celui-ci n'a pas contesté la décision de radiation des cadres ne font pas obstacle à la réparation intégrale du préjudice que l'agent a effectivement subi du fait de l'illégalité de la décision du 28 décembre 2015.

11. Enfin, compte tenu des dispositions de l'article 1-1 de la loi du 13 septembre 1984, qui limitent à dix trimestres la durée du maintien en activité, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. B... aurait atteint entre temps la durée des services liquidables prévue à l'article L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite, le requérant pouvait encore prétendre à huit trimestres de maintien en activité à compter de la décision fautive. Le CHR de Metz-Thionville sollicite que la période d'indemnisation soit limitée à une année, sans cependant avancer de motif au soutien de cette demande. E... suite, conformément aux règles exposées au point 3 du présent arrêt, M. B... est fondé à obtenir la réparation des préjudices financiers résultant de ce que la décision illégale du 28 décembre 2015 lui a fait perdre une chance sérieuse d'être maintenu en activité du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017.

S'agissant de la perte de revenus :

12. Il résulte de l'instruction que M. B... a perdu une chance certaine de percevoir son traitement, lequel s'élevait, ainsi qu'il en est justifié, à un montant net de 2 660,31 euros au mois de décembre 2015, soit un total de 63 847,44 euros sur la période indemnisable. Il n'est pas contesté E... le CHR de Metz-Thionville que le requérant a également perdu une chance sérieuse de percevoir deux années de prime de départ à la retraite, à raison d'un montant brut de 48 euros E... an. Il en sera fait une juste appréciation en retenant un total de 82 euros net sur la période concernée. Enfin, M. B... se borne à alléguer, sans apporter la moindre précision sur la nature et les conditions d'attribution de la prime revendiquée, qu'il aurait pu percevoir une prime dite de service de 2 800 euros E... année. Faute de se prévaloir d'éléments relatifs à sa manière de servir qui établiraient qu'il aurait eu une chance sérieuse d'en bénéficier, la prétention du requérant à ce titre doit être écartée. Le montant de la perte du traitement ainsi que des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier s'élève ainsi à 63 929,44 euros.

13. Il convient de déduire le montant de la pension de retraite versée à l'agent entre le 1er janvier 2016 et le 31 décembre 2017, soit un total de 45 765,21 euros, déterminé sur la base d'un montant mensuel initialement perçu de 1 904,98 euros tel que retenu E... le CHR de Metz-Thionville dans sa décision en réponse à la demande indemnitaire préalable et non contredit E... les pièces produites E... le requérant, puis d'un montant de 1 920,21 euros à compter du 1er octobre 2017. Il y a lieu de déduire également le montant de la retraite complémentaire perçue E... M. B... au cours de la période, soit un total de 3 415,57 euros correspondant à une somme de 1 526,72 euros perçus en octobre 2016 puis une somme de 377,77 euros E... trimestre au cours des cinq trimestres suivants. Enfin, il résulte de l'instruction que M. B... a déclaré des " traitements et assimilés " à hauteur de 9 924 euros net imposables au titre de l'année 2016, qui doivent également venir en déduction à hauteur de 9 623 euros net. Le montant des rémunérations que le requérant a pu se procurer au cours de la période indemnisable s'élève ainsi à un total de 58 803,78 euros.

14. Il résulte, dès lors, de ce qui a été dit aux points 12 et 13 que M. B... est fondé à solliciter le versement de la somme de 5 126 euros en indemnisation du préjudice tiré de la perte de revenus.

S'agissant de la perte de retraite :

15. L'admission à la retraite de M. B... au 1er janvier 2016, E... une décision de la directrice générale du CHR, est consécutive de la décision illégale du 28 décembre 2015 E... laquelle la même autorité gestionnaire a refusé de lui accorder la prolongation de son maintien en activité. M. B... est ainsi fondé à demander la réparation du préjudice qu'a pu entraîner la liquidation anticipée de sa pension, qui est la conséquence directe de ce refus.

16. Il résulte de l'instruction, et notamment des éléments de liquidation que les parties, en particulier le requérant, ont finalement bien voulu produire à la suite des mesures d'instruction ordonnées E... la cour, que la pension de retraite de M. B... aurait été liquidée au 1er janvier 2018 sur la base des 155 trimestres qu'il aurait atteints s'il avait été maintenu en activité jusqu'au 31 décembre 2017, au lieu des 147 trimestres sur la base desquels elle a été calculée au 1er janvier 2016. Compte tenu d'un pourcentage de liquidation qui aurait alors été de 71,7592 % ainsi qu'il ressort d'un décompte provisoire de pension CNRACL produit, le montant mensuel de sa pension de retraite se serait alors élevé à 2008,65 euros net. M. B... a ainsi perdu une chance de percevoir un montant supplémentaire de pension de retraite de 103,67 euros E... mois, soit 1 244 euros net E... an.

17. Au titre de la période du 1er janvier 2018, date à laquelle M. B... aurait dû commencer à percevoir sa pension de retraite, jusqu'à la date du présent arrêt, soit le 11 mai 2023, son préjudice de perte de pension s'élève à 6 666 euros. Pour le futur, il y a lieu en l'espèce de lui allouer un capital en vue de l'indemnisation de ce chef de préjudice. Compte tenu du barème de capitalisation de la Gazette du Palais de 2022 retenant, pour un taux d'actualisation de 0%, le coefficient de 16,738 pour un homme de 68 ans, soit l'âge de M. B... au jour du présent arrêt, le montant de son préjudice s'établit à 20 822 euros.

18. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à solliciter la somme de 27 488 euros en réparation du préjudice tiré de la perte de pension.

En ce qui concerne le préjudice moral :

19. Le tribunal administratif de Strasbourg a, dans son jugement du 24 août 2020 en litige, accordé à M. B... une somme de 4 000 euros en réparation du préjudice moral subi à raison de l'illégalité fautive des décisions du 28 avril et 28 décembre 2015. Cette somme n'est pas contestée E... le CHR de Metz-Thionville qui n'a pas formé d'appel incident.

20. M. B... soutient que le préjudice moral qu'il a subi doit être réparé E... l'octroi d'un montant de 20 000 euros. Toutefois, d'une part, et contrairement à ce que le requérant soutient, il ne résulte pas de l'instruction que les décisions fautives auraient été motivées E... son âge. D'autre part, le certificat médical établi en septembre 2018 E... son médecin qui indique l'avoir traité pendant environ un an à partir de mai 2015 pour anxiété, dystonie neurovégétative et troubles du sommeil ne permet pas de justifier que l'annonce, E... la décision illégale du 28 décembre 2015, de ce que son maintien en activité ne serait pas prolongé aurait affecté l'état de santé psychologique de M. B... ou provoqué une souffrance particulière alors qu'il n'avait pas exercé ses fonctions depuis le début de son arrêt de travail le 1er juillet 2015.

21. E... suite, M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que les premiers juges lui ont alloué une somme de 4 000 euros au titre de son préjudice moral.

22. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à demander que la somme de 4 000 euros que le CHR de Metz-Thionville a été condamné à lui verser E... le jugement attaqué du 24 août 2020 soit portée à un total de 36 614 euros.

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

23. D'une part, M. B... a droit, ainsi qu'il le demande, aux intérêts au taux légal afférents à l'indemnité de 36 614 euros à compter du 10 octobre 2018, date d'enregistrement de sa demande au greffe du tribunal administratif, qui correspond à la date à laquelle les intérêts ont été sollicités pour la première fois.

24. D'autre part, la capitalisation des intérêts a été demandée E... M. B... le 10 octobre 2018 également. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 10 octobre 2019, date à laquelle était due pour la première fois une année d'intérêts ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les frais de l'instance :

25. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHR de Metz-Thionville une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés E... M. B... et non compris dans les dépens. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du requérant, qui n'est pas la partie perdante, une somme au titre des frais exposés E... le CHR de Metz-Thionville et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La somme de 4 000 euros que le CHR de Metz-Thionville a été condamné à verser à M. B... E... le jugement n° 1806222 du 24 août 2020 du tribunal administratif de Strasbourg est portée à 36 614 euros. Cette somme portera intérêts aux taux légal à compter du 10 octobre 2018. Les intérêts échus à la date du 10 octobre 2019 puis à chaque échéance annuelle seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement n° 1806222 du 24 août 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le CHR de Metz-Thionville versera à M. B... la somme de 1500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées E... le centre hospitalier régional de Metz-Thionville tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au centre hospitalier régional de Metz-Thionville.

Délibéré après l'audience du 6 avril 2023, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public E... mise à disposition au greffe le 11 mai 2023.

La rapporteure,

Signé : H. C... Le président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 20NC03059


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03059
Date de la décision : 11/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Hélène BRODIER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : LEONEM AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-05-11;20nc03059 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award