Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... G... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2022 en tant que le préfet du Haut-Rhin lui a refusé un titre de séjour, lui fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2200837 du 6 avril 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ce recours.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 mai 2022, Mme C... G..., représentée par Me Schweitzer, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 6 avril 2022 ;
2°) d'annuler la décision du 26 janvier 2022 par laquelle le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pour une durée de six mois renouvelables dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans le même délai ;
4°) de condamner l'État à lui verser la somme de 1 200 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- l'arrêté du 26 janvier 2022 est insuffisamment motivé ;
- le préfet du Haut-Rhin n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- l'arrêté du 26 janvier 2022 méconnaît l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 26 janvier 2022 méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'arrêté du 26 janvier 2022 méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales d'une part en raison de l'état de santé d'un de ses enfants et d'autre part en raison des représailles auxquelles l'expose la liaison qu'entretient son mari avec un militaire de haut rang ;
- l'arrêté du 26 janvier 2022 méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2022, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme G... ne sont pas fondés.
Mme G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 16 décembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Sibileau, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... G..., ressortissante congolaise née le 27 janvier 1983, est entrée en France selon ses dires le 7 juillet 2019. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté le 9 août 2021 sa demande d'admission au statut de réfugié. Le 14 décembre 2021 la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a confirmé la décision de l'OFPRA. Elle a également sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de l'état de santé de son fils le 15 juin 2020. Mme G... a bénéficié jusqu'au 17 septembre 2021 d'une autorisation provisoire de séjour. Saisi par l'intéressée d'une nouvelle demande de renouvellement de ce titre, le préfet du Haut-Rhin, par un arrêté du 26 janvier 2022, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office. Par un jugement du 6 avril 2022 dont Mme G... relève appel, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ce recours.
2. En premier lieu, contrairement à ce que soutient l'appelante, l'arrêté contesté, qui comporte l'exposé des faits et des considérations de droit sur lesquels il se fonde, est suffisamment motivé. Le préfet du Haut-Rhin, qui a mentionné dans son arrêté non seulement que l'état de santé d'un des fils de la requérante nécessitait une prise en charge médicale dont l'absence ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais également que les autorités en charge de l'asile ont rejeté les demandes de Mme G..., a procédé à un examen complet de la situation personnelle de cette dernière.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Aux termes de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. / Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9. ". Aux termes de l'alinéa premier de l'article L. 425-9 du même code : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ".
4. Il ressort des pièces du dossier que dans un avis du 4 novembre 2021, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que l'état de santé du fils de E... B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il pouvait donc rejoindre son pays d'origine. Si l'appelante produit des certificats médicaux révélant l'état de santé de son enfant et les traitements suivis, ces éléments sont insuffisants pour contredire l'appréciation portée par le collège des médecins de l'OFII. Par suite, Mme G... n'est pas fondée à soutenir qu'en prenant la décision attaquée le préfet du Haut-Rhin a méconnu les stipulations et dispositions précitées.
5. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
6. D'une part, les éléments produits doivent être propres à démontrer qu'il y a des raisons sérieuses de croire qu'en tant que personne gravement malade, le requérant, ou en l'espèce son enfant mineur, ferait face, en raison de l'absence de traitements adéquats dans le pays de destination ou du défaut d'accès à ceux-ci, à un risque réel d'être exposé à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé entraînant des souffrances intenses ou à une réduction significative de son espérance de vie. Ce n'est que lorsque ce seuil de gravité est atteint, et que l'article 3 est par conséquent applicable, que les obligations de l'État de renvoi énumérées dans l'arrêt Paposhvili c. Belgique [GC], n° 41738/10, 13 décembre 2016 deviennent pertinentes y compris dans les affaires concernant l'éloignement d'un étranger malade mental (Savran c. Danemark [GC], n°57467/15, 7 décembre 2021). Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4 ci-dessus, Mme G... n'est pas fondée à soutenir que l'exécution de l'arrêté du 26 janvier 2022 exposerait le jeune A... D... au risque de subir les conséquences susmentionnées.
7. D'autre part, Mme G..., dont la demande d'admission au statut de réfugié a d'ailleurs été rejetée par une décision du directeur de l'OFPRA, en date du 9 août 2021, confirmée par la CNDA le 14 décembre 2021, soutient être exposée à un risque de représailles et à des menaces en raison de la liaison qu'entretient son mari avec un militaire de haut-rang. Toutefois, elle ne produit à l'appui de ses allégations aucune précision ni aucun justificatif, susceptible d'établir qu'elle court personnellement des risques en cas de retour dans son pays.
8. Il résulte de ce qui a été exposé des points 5 à 7 ci-dessus que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté dans ses deux branches.
9. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. Mme G... soutient vivre en paix en France depuis 2019, qu'un de ses enfants est atteint d'un trouble du spectre autistique sévère. Il ressort des pièces du dossier que la requérante était en France depuis deux ans et demi à la date de la décision, qu'elle ne pouvait ignorer la précarité de sa situation qui dépendait de l'état de santé de son fils A... D... et de l'issue d'une procédure de demande de protection internationale. Il n'est pas établi que la cellule familiale ne puisse se reconstituer dans le pays d'origine. Par suite, compte tenu des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de l'intéressée en France, l'arrêté litigieux du 26 janvier 2022 n'a pas porté au droit de l'appelante au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Ainsi, le préfet du Haut-Rhin n'a ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de l'intéressée.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme G... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées à fin d'injonction et au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme G... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... G... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
Délibéré après l'audience du 23 mars 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- M. Sibileau, premier conseiller,
- Mme Barrois, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 avril 2023.
Le rapporteur,
Signé : J.-B. SibileauLe président,
Signé : M. F...
La greffière,
Signé : S. Robinet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
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N° 22NC01140