Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner le département des Vosges à lui verser une somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral.
Par un jugement n° 1900487 du 9 février 2021, le tribunal administratif de Nancy a condamné le département des Vosges à verser à M. A... une somme de 2 000 euros en réparation du préjudice moral subi à raison de l'accident de service survenu le 24 septembre 2015.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 mars 2021, M. B... A..., représenté par Me Picoche, demande à la cour :
1°) d'annuler partiellement ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 9 février 2021 en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires ;
2°) de condamner le département des Vosges à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice moral né de l'accident de service du 24 septembre 2015 et de la rechute de cet accident le 3 novembre 2018 ;
3°) de mettre à la charge du département des Vosges une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'accident de service du 24 septembre 2015 met en jeu la responsabilité pour faute et sans faute du département des Vosges en raison d'une méconnaissance des obligations de reclassement qui s'imposait à l'administration et en raison du préjudice moral causé par cet accident ;
- il a subi le 3 novembre 2018 une rechute de l'accident de service du 24 septembre 2015 qui, sur la base des mêmes régimes juridiques, est de nature à engager la responsabilité du département des Vosges.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2022, le département des Vosges conclut :
1°) au rejet de la requête de M. A... ;
2°) par la voie de l'appel incident à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nancy du 9 février 2021 en tant qu'il l'a condamné à verser à M. A... une somme de 2 000 euros ;
3°) au rejet des conclusions de première instance présentées par M. A... ;
4°) à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- c'est à tort que les premiers juges l'ont condamné à indemniser M. A... car aucune faute n'est caractérisée et qu'aucun régime de responsabilité sans faute ne permet l'indemnisation de M. A... ;
- M. A... n'a fait l'objet d'aucune discrimination ;
- M. A... n'a pas établi le montant de son préjudice.
Par une ordonnance du 8 décembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 décembre 2022.
M. A... a produit un mémoire le 22 février 2023, postérieurement à la clôture d'instruction, qui n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;
- le décret n° 2012-924 du 30 juillet 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Sibileau, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., éducateur spécialisé affecté à la maison de l'enfance et de la famille de Golbey, a été titularisé le 1er novembre 1993. Après avoir été placé, à plusieurs reprises, en congé de longue durée puis de longue maladie entre le 23 novembre 2009 et le 7 janvier 2014, M. A... a été reclassé en qualité d'auxiliaire de lecture au service des archives départementales de la direction du développement culturel du département des Vosges, à compter du 8 janvier 2014. Sur demande de M. Bay, le président du conseil départemental des Vosges a détaché l'intéressé dans le cadre d'emploi d'adjoint territorial du patrimoine de première classe à compter du 1er juillet 2015. Ce détachement a été prolongé jusqu'au 20 septembre 2016. Le 24 septembre 2015, M. A... s'est rendu sur le toit du bâtiment des archives et a menacé de mettre fin à ses jours. M. A... a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de cet accident. Par un arrêté du 4 octobre 2016, le président du conseil départemental a refusé de faire droit à cette demande. Cet arrêté a été annulé par un jugement du 19 juin 2018 du tribunal administratif de Nancy. Par un arrêté du 16 juillet 2018, le président du conseil départemental des Vosges a reconnu l'imputabilité au service de cet accident et a accordé à M. A... un congé pour accident de service du 24 septembre 2015 au 23 septembre 2016. M. A... a été détaché dans le cadre d'emploi des adjoints administratifs territoriaux sur le poste d'agent d'accueil au sein du pôle développement des solidarités à compter du 24 septembre 2016 jusqu'au 30 septembre 2017. Puis, par un arrêté du 17 octobre 2017, M. A... a été nommé dans le cadre d'emploi des rédacteurs territoriaux à compter du 1er octobre 2017 et affecté, à compter de cette même date, au poste de gestionnaire administratif et socio-éducatif de la prise en charge des mineurs non-accompagnés, par un arrêté en date du 12 février 2018. Par un jugement n° 1900487 du 9 février 2021 dont tant M. A... que le département des Vosges demandent l'annulation, le tribunal administratif de Nancy a condamné le département à verser à M. A... une somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral subi à raison de l'accident de service survenu le 24 septembre 2015.
Sur le cadre juridique du litige :
2. Les articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et, pour les fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, le II de l'article 119 de la loi du 26 janvier 1984 et les articles 36 et 37 du décret du 26 décembre 2003, instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité. Les dispositions instituant ces prestations doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche obstacle, ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager sa responsabilité. Toutefois, la circonstance que le fonctionnaire victime d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle ne remplit pas les conditions auxquelles les dispositions mentionnées ci-dessus subordonnent l'obtention d'une rente ou d'une allocation temporaire d'invalidité fait obstacle à ce qu'il prétende, au titre de l'obligation de la collectivité qui l'emploie de le garantir contre les risques courus dans l'exercice de ses fonctions, à une indemnité réparant des pertes de revenus ou une incidence professionnelle. En revanche, elle ne saurait le priver de la possibilité d'obtenir de cette collectivité la réparation de préjudices d'une autre nature, dès lors qu'ils sont directement liés à l'accident ou à la maladie.
Sur la responsabilité du département des Vosges :
En ce qui concerne la responsabilité du département des Vosges pour des faits antérieurs à l'accident de service du 24 septembre 2015 :
3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que dans son avis du 24 avril 2014, le comité médical départemental a estimé que l'état de santé de M. A... est compatible avec l'emploi occupé depuis le 8 janvier 2014 d'auxiliaire de lecture. Le comité médical a également estimé que son état de santé est compatible avec la fonction de moniteur éducateur hospitalier exercée antérieurement mais que son état de santé justifie l'octroi d'un temps partiel thérapeutique de 50% pour une période de trois mois. Le comité médical indique que son avis devra être réévalué au terme de cette période. Par un courrier du 21 juillet 2014, M. A... a expressément demandé au président du conseil départemental des Vosges de maintenir son affectation au poste d'auxiliaire de lecture. Enfin, dans un nouvel avis du 16 octobre 2014, le comité médical a estimé non seulement que M. A... est inapte à reprendre le travail à temps complet sur un poste de moniteur éducateur hospitalier mais également qu'il doit être maintenu sur son poste actuel d'auxiliaire de lecture. Par suite, le département des Vosges qui a pris des décisions d'affectation en conformité avec l'avis du comité médical départemental, est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le département des Vosges a commis une faute ayant contribué à la survenance de l'accident de service du 24 septembre 2015.
4. En second lieu, s'il est constant que M. A... a ressenti un mal-être au travail au cours de la période du 8 janvier 2014 au 24 septembre 2015, cette seule circonstance ne suffit pas à établir que l'accident du 24 septembre 2015 ait, comme M. A... doit être vu le soutenant, été à l'origine lui-même d'un préjudice moral spécifique.
5. Par conséquent, il résulte de ce qui précède que le département des Vosges est fondé à soutenir que c'est à tort que par son jugement attaqué le tribunal administratif de Nancy l'a condamné à indemniser M. A....
En ce qui concerne la responsabilité du département des Vosges pour des faits postérieurs à l'accident de service du 24 septembre 2015 :
6. En premier lieu, M. A... soutient que le département des Vosges a commis une faute en le détachant pendant un an, du 24 septembre 2016 au 30 septembre 2017, sur un poste d'agent d'accueil au sein du Pôle Développement des solidarités qui relève du cadre d'emploi de catégorie C des adjoints administratifs territoriaux. Il résulte toutefois de l'instruction et notamment des écritures de M. A... que ce dernier a accepté d'être affecté à ce poste. De surcroît, si M. A... soutient que des postes de catégorie B qui se sont libérés ne lui ont pas été proposés, il n'établit par la seule production d'un ses courriers, ni la réalité de ses affirmations ni que les postes dont s'agit aient été adaptés à son état de santé ou à ses compétences.
7. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction et notamment d'un courriel de M. A... du 26 septembre 2017 adressé au département des Vosges, que l'intéressé a sollicité sa nomination dans le cadre d'emploi des rédacteurs territoriaux. Par conséquent, M. A... n'est pas fondé à se plaindre qu'une suite favorable ait été réservée à sa demande.
8. En troisième et dernier lieu, aux termes du I de l'article 3 du décret du 30 juillet 2012 susvisé : " Les rédacteurs territoriaux sont chargés de fonctions administratives d'application. Ils assurent en particulier des tâches de gestion administrative, budgétaire et comptable, et participent à la rédaction des actes juridiques. Ils contribuent à l'élaboration et à la réalisation des actions de communication, d'animation et de développement économique, social, culturel et sportif de la collectivité. / Les rédacteurs peuvent se voir confier des fonctions d'encadrement des agents d'exécution. / Ils peuvent être chargés des fonctions d'assistant de direction ainsi que de celles de secrétaire de mairie d'une commune de moins de 2 000 habitants ".
9. Les premiers juges n'ont pas commis d'erreur en écartant, par des motifs qu'il convient d'adopter, le moyen tiré par M. A... de l'inadéquation des missions confiées à son grade.
10. Il résulte de ce qui a été exposé des points 6 à 9 ci-dessus que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande.
En ce qui concerne la rechute de l'accident du 24 septembre 2015 :
11. Ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges, M. A..., qui se borne à soutenir que son état de santé s'est de nouveau dégradé, n'établit pas qu'il existerait un lien direct et certain entre l'accident initial survenu le 24 septembre 2015 et la dégradation de son état de santé.
Sur les frais d'instance :
12. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu de faire droit ni aux conclusions de M. A... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ni à celles du département des Vosges présentées sur le même fondement.
D E C I D E :
Article 1 : Les articles 1er et 2 du jugement n°1900847 du 9 février 2021 sont annulés.
Article 2 : Les conclusions à fin d'indemnisation présentées par M. A... sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions du département des Vosges présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au département des Vosges.
Copie en sera adressée au préfet des Vosges.
Délibéré après l'audience du 23 mars 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- M. Sibileau, premier conseiller,
- Mme Barrois, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 avril 2023.
Le rapporteur,
Signé : J.-B. SibileauLe président,
Signé : M. C...
La greffière,
Signé : S. Robinet
La République mande et ordonne au préfet des Vosges en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
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N° 21NC00947