La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/04/2023 | FRANCE | N°20NC03613

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 11 avril 2023, 20NC03613


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C..., épouse B..., a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2017 par lequel le président de la communauté de communes de Côtes de Champagne et Val de Saulx a prononcé sa révocation à compter du 11 septembre 2019.

Par un jugement n° 1902637 du 20 octobre 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, d'une part, a annulé l'arrêté du 9 septembre 2020, d'autre part, a enjoint au président de la communauté de communes de

Côtes de Champagne et Val de Saulx de procéder, dans un délai de deux mois suivant la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C..., épouse B..., a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2017 par lequel le président de la communauté de communes de Côtes de Champagne et Val de Saulx a prononcé sa révocation à compter du 11 septembre 2019.

Par un jugement n° 1902637 du 20 octobre 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, d'une part, a annulé l'arrêté du 9 septembre 2020, d'autre part, a enjoint au président de la communauté de communes de Côtes de Champagne et Val de Saulx de procéder, dans un délai de deux mois suivant la notification de ce jugement, à la réintégration juridique de Mme B... pendant la période au cours de laquelle elle a été illégalement exclue du service, à la reconstitution de sa carrière et à celle de ses droits sociaux et de ses droits à la retraite au titre de la même période, enfin, a mis à la charge de la communauté de communes de Côtes de Champagne et Val de Saulx la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 décembre 2020, et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 25 mars 2021 et 9 février 2022, la communauté de communes de Côtes de Champagne et Val de Saulx, représentée par Me Opyrchal, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1902637 du tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne du 20 octobre 2020 ;

2°) de rejeter la demande présentée en première instance par Mme B... ;

3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 2 000 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté du 9 septembre 2020 est suffisamment motivé ;

- les faits reprochés à Mme B... sont matériellement établis ;

- les faits reprochés à Mme B... ne sont pas prescrits ;

- les faits reprochés à Mme B... sont fautifs ;

- la sanction infligée à Mme B... est proportionnée à la gravité de la faute ainsi commise.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2021, et un mémoire complémentaire, enregistré le 1er février 2022, Mme D... C..., épouse B..., représentée par Me Batôt, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la communauté de communes de Côtes de Champagne et Val de Saulx de la somme de 3 000 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la requête n'est pas recevable en l'absence de motivation et de moyens propres à l'appel et que, en tout état de cause, les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public,

- et les observations de Me Opyrchal pour la communauté de communes de Côtes de Champagne et Val de Saulx et de Me Batôt pour Mme B....

Une note en délibéré, présentée pour la communauté de communes de Côtes de Champagne et Val de Saulx par Me Opyrchal, a été enregistrée le 22 mars 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Recrutée en tant qu'agent contractuel le 1er juillet 2003 et titulaire du grade d'adjoint administratif principal de deuxième classe depuis le 30 juin 2014, Mme D... B... exerce ses fonctions au sein de la communauté de communes de Côtes de Champagne et Val de Saulx (" 4CVS "), où elle était notamment chargée de l'accueil, de la gestion des paies et des carrières, de l'élaboration du budget et du suivi des recettes et des dépenses. Elu en septembre 2017, le nouveau président de cet établissement public de coopération intercommunale a constaté que la requérante avait bénéficié, de décembre 2015 à novembre 2016, d'une majoration indue de l'indemnité d'administration et de technicité, qui lui avait été accordée par un arrêté du 3 décembre 2015, par l'octroi d'heures supplémentaires fictives et qu'elle avait, pour ce faire, imité sur les certificats administratifs requis pour l'attribution de ces heures la signature de son prédécesseur. Après avoir déposé plainte le 20 avril 2019 pour faux et abus de confiance, suspendu l'intéressée de ses fonctions le 29 mai 2019, puis recueilli l'avis du conseil de discipline, lequel a, le 29 juillet 2019, proposé, à la majorité de ses membres, une exclusion temporaire de fonctions de seize jours, il a, par un arrêté du 9 septembre 2019, a prononcé la révocation de Mme B... à compter du 11 septembre suivant pour manquement grave au principe de probité, détournement de fonds publics à son profit et usage de faux en écriture publique. Mme B... a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. La communauté de communauté de Côtes de Champagne et Val de Saulx relève appel du jugement n° 1902637 du 20 octobre 2020 qui fait droit à cette demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. ". Aux termes du premier alinéa de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, alors en vigueur : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) Quatrième groupe : (...) la révocation. ".

3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes, en tenant compte de la manière de servir de l'intéressé et de ses antécédents disciplinaires.

4. Pour justifier le prononcé à l'encontre de Mme B... de la sanction de la révocation, le président de la communauté de communes de Côtes de Champagne et Val de Saulx soutient, d'une part, que l'intéressée a manqué à son devoir de probité et détourné des fonds publics à son profit en s'attribuant indûment sur sa fiche de paie, de décembre 2015 à novembre 2016, une majoration d'indemnité d'administration et de technicité d'un montant total de 1 396,59 euros par l'octroi d'heures supplémentaires fictives, d'autre part, qu'elle s'est rendue coupable de faux en écriture publique en imitant, à cinq reprises au moins, la signature de son prédécesseur sur les certificats administratifs permettant le paiement de ces heures supplémentaires.

5. Mme B... ne conteste pas les conclusions du rapport d'expertise graphologique du 30 octobre 2018, sollicité par son employeur, et admet avoir contrefait la signature du président de la communauté de communes alors en fonctions sur cinq certificats administratifs datés des 19 janvier, 17 mars, 19 mai, 14 juin et 22 août 2016. Elle fait valoir cependant que ce dernier lui avait donné son accord, non seulement pour compenser financièrement, par le paiement d'heures supplémentaires fictives, l'impossibilité de faire rétroagir le versement de l'indemnité d'administration et de technicité, allouée à l'intéressée à compter du 1er décembre 2015, à la date de sa demande en septembre 2014, mais aussi pour imiter en cas d'urgence sa signature sur certains documents, tels des fiches de paie ou des courriers, en raison de son indisponibilité liée à ses activités et à ses mandats électifs.

6. D'une part, les allégations de Mme B... concernant la majoration de l'indemnité d'administration et de technicité ne sont démenties par aucune pièce du dossier et notamment pas par l'attestation du 27 mai 2019 du président de la communauté de communes en exercice à l'époque des faits, qui ne conteste pas avoir signé les certificats administratifs datés des 17 février, 19 avril, 13 juillet, 19 septembre, 14 octobre et 23 novembre 2016. Dans ces conditions et alors qu'il est constant qu'un autre agent de la communauté de communes, devenue directrice générale des services en septembre 2017, a bénéficié de la même compensation financière, les griefs de manquement au devoir de probité et de détournement de fonds publics ne sont pas établis.

7. D'autre part, s'il résulte du procès-verbal de la réunion du conseil de discipline du 11 juillet 2019 que deux personnes, entendues en qualité de témoins, ont confirmé l'existence d'une " pratique " au sein de l'établissement public autorisant, en cas d'urgence, certains agents, dont Mme B..., à imiter la signature du président de l'époque sur certains documents, le fait pour un fonctionnaire de contrefaire la signature d'un élu, alors que, au demeurant, aucune situation d'urgence n'est invoquée par la défenderesse dans le cas d'espèce, est constitutive d'une faute.

8. Toutefois, eu égard aux circonstances particulières dans lesquelles cette faute a été commise, au nombre limité de documents concernés, à l'absence d'intention frauduleuse de l'intéressée, à son ancienneté et à l'absence de critique sur sa manière de servir, et nonobstant la circonstance que, pour des faits postérieurs à ceux en litige, elle a fait l'objet d'un blâme le 1er août 2018 pour manquement à l'obligation d'obéissance hiérarchique et à l'obligation de servir, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la sanction de la révocation était disproportionnée et ont annulé pour erreur d'appréciation l'arrêté du 9 septembre 2019.

9. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, ni les autres moyens de la requête, et alors que, par un arrêt du 9 décembre 2021, la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Reims a relaxé Mme B... des fins de la poursuite au motif que, en l'absence d'intention frauduleuse, les infractions d'usage de faux en écriture et d'altération frauduleuse de la vérité dans un écrit n'étaient pas constituées, la communauté de communes de Côtes de Champagne et Val de Saulx n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement n° 1902637 du tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne du 20 octobre 2020. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au rejet de la demande présentée en première instance par Mme B... doivent également être rejetées.

Sur les frais de justice :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par la communauté de communes de Côtes de Champagne et Val de Saulx au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante le versement à la défenderesse de la somme de 1 000 euros en application de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la communauté de commune de Côtes de Champagne et Val de Saulx est rejetée.

Article 2 : La communauté de communes de Côtes de Champagne et Val de Saulx versera à Mme B... la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes de Côtes de Champagne et Val de Saulx et à Mme D... C..., épouse B....

Délibéré après l'audience du 21 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Haudier, présidente assesseure,

- M. Meisse, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2023.

Le rapporteur,

Signé : E. A...

Le président,

Signé : Ch. WURTZ

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au préfet de la Marne, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 20NC03613 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03613
Date de la décision : 11/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Motifs.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : SCP DELGENES VAUCOIS JUSTINE DELGENES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-04-11;20nc03613 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award