Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Fromagerie Marcel Petite a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge des suppléments de cotisation foncière des entreprises qui lui ont été assignés au titre des années 2013 à 2016 dans les rôles de la commune de Saint-Antoine (Doubs).
Par un jugement n° 1802163 du 22 décembre 2020, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 février 2021, la société par actions simplifiée (SAS) Fromagerie Marcel Petite, représentée par Me Sirat, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1802163 du tribunal administratif de Besançon du 22 décembre 2020 ;
2°) de prononcer la décharge des suppléments de cotisation foncière des entreprises qui lui ont été assignés au titre des années 2013 à 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il ne répond pas au moyen soulevé par elle tiré de ce que les aménagements réalisés par ses soins dans le B..., propriété de la commune, n'entrent pas dans le champs d'application des taxes foncières et ne peuvent donc être soumis à la cotisation foncière des entreprises et en ce qu'il a retenu d'office le critère du caractère prépondérant des matériels et outillages afin de retenir la qualification d'établissement industriel alors que l'administration ne l'invoquait pas ;
- les aménagements qu'elle a réalisés, en tant que société astreinte aux obligations comptables de l'article 53 A du code général des impôts, sur l'immeuble qui ne lui appartient pas et qui est imposé à la taxe foncière sur les propriétés bâties au nom du propriétaire, en l'occurrence la commune, selon la méthode particulière d'évaluation, ne peuvent être soumis à la cotisation foncière des entreprises mises à sa charge selon la méthode comptable dès lors qu'ils ne sont pas l'accessoire immobilier d'un immeuble lui-même soumis aux taxes foncières selon la même méthode comptable ;
- c'est à tort que l'administration a retenu la qualification d'établissement industriel alors qu'elle n'a pas soutenu et encore moins démontré que ses installations techniques, ses matériels et outillages jouaient un rôle prépondérant dans son activité de prestation de services.
Par un mémoire enregistré le 4 juin 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... ;
- et les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Fromagerie Marcel Petite a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale a porté à sa connaissance, par lettre du 6 avril 2016, qu'elle envisageait des rehaussements des cotisations foncières des entreprises établies au titre des années 2013 à 2016 à raison de l'établissement dont elle dispose dans le territoire de la commune de Saint-Antoine (Doubs). La société n'a pas présenté d'observations à la suite de la réception de cette lettre et les impositions supplémentaires ont été mises en recouvrement le 30 avril 2017. La réclamation préalable de la société a fait l'objet d'une décision de rejet du 3 octobre 2018. La SAS Fromagerie Marcel Petite relève appel du jugement du 22 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments de ces impositions qui lui ont été assignés au titre des années 2013 à 2016.
Sur la régularité du jugement :
2. Contrairement à ce que soutient la société requérante, le jugement attaqué a répondu au moyen soulevé par elle à l'appui de sa demande, tiré de ce que les aménagements qu'elle a réalisés dans le B..., qu'elle loue à la commune du même nom, ne pouvaient être imposés selon la méthode comptable prévue à l'article 1499 du code général des impôts dès lors qu'ils ne constituent pas les accessoires immobiliers d'un immeuble imposés aux taxes foncières selon cette même méthode.
3. Il ressort des pièces du dossier que si l'administration a fondé, dans sa décision de rejet du 3 octobre 2018, la qualification d'établissement industriel qu'elle a retenue, en vue de l'imposition de l'établissement de la société requérante, sur la nature industrielle par nature de son activité, réalisée au moyen d'un matériel et d'un outillage importants, elle a également défendu cette qualification, dans son mémoire en défense devant le tribunal administratif, en invoquant le critère tiré du rôle prépondérant de cet outillage et de ces matériels. Par suite, la SAS Fromagerie Marcel Petite n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué aurait irrégulièrement substitué d'office un motif, et sans le soumettre au contradictoire, afin de justifier les impositions litigieuses et rejeter sa demande.
Sur le bien-fondé des suppléments de cotisation foncière des entreprises :
4. L'article 1380 du code général des impôts dispose que : " La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code ". Selon l'article 1381 du même code : " Sont également soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties : / 1° Les installations destinées à abriter des personnes ou des biens ou à stocker des produits ainsi que les ouvrages en maçonnerie présentant le caractère de véritables constructions tels que, notamment, les cheminées d'usine, les réfrigérants atmosphériques, les formes de radoub, les ouvrages servant de support aux moyens matériels d'exploitation ; / 2° Les ouvrages d'art et les voies de communication (...) ". Selon l'article 1382 du code général des impôts : " Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties : / (...) / 11° Les outillages et autres installations et moyens matériels d'exploitation des établissements industriels à l'exclusion de ceux visés aux 1° et 2° de l'article 1381 ". Aux termes du premier alinéa de l'article 1495 de ce code : " Chaque propriété ou fraction de propriété est appréciée d'après sa consistance, son affectation, sa situation et son état, à la date de l'évaluation ". Aux termes du II de l'article 324 B de l'annexe III au même code : " Pour l'appréciation de la consistance il est tenu compte de tous les travaux équipements ou éléments d'équipement existant au jour de l'évaluation ".
5. Pour apprécier, en application de l'article 1495 du code général des impôts et de l'article 324 B de son annexe III, la consistance des propriétés qui entrent, en vertu de ses articles 1380 et 1381, dans le champ de la taxe foncière sur les propriétés bâties, il est tenu compte, non seulement de tous les éléments d'assiette mentionnés par ces deux derniers articles mais également des biens faisant corps avec eux. Sont toutefois exonérés de cette taxe, en application du 11° de l'article 1382 du même code, ceux de ces biens qui font partie des outillages, autres installations et moyens matériels d'exploitation d'un établissement industriel, c'est-à-dire ceux de ces biens qui relèvent d'un établissement qualifié d'industriel au sens de l'article 1499, qui sont spécifiquement adaptés aux activités susceptibles d'être exercées dans un tel établissement et qui ne sont pas au nombre des éléments mentionnés aux 1° et 2° de l'article 1381.
6. Aux termes de l'article 1467 du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années en litige : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France ". Aux termes de l'article 1499 du même code : " La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article 1500 du même code : " Les bâtiments et terrains industriels sont évalués :/- 1° selon les règles fixées à l'article 1499 lorsqu'ils figurent à l'actif du bilan de leur propriétaire ou de leur exploitant, et que celui-ci est soumis aux obligations définies à l'article 53 A ;/- 2° selon les règles fixées à l'article 1498 lorsque les conditions prévues au 1° ne sont pas satisfaites ". Pour l'application de ces dispositions, revêtent un caractère industriel les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste en la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant.
7. En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. En matière de cotisation foncière des entreprises, aucune charge de preuve ne peut être dévolue à l'une ou l'autre des parties. Le prix de revient des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière, évalué selon la méthode comptable, est celui qui est inscrit à l'actif du bilan et l'administration peut se fonder sur les énonciations comptables opposables à la société pour inclure dans la valeur locative des immobilisations le montant des travaux inscrits en tant qu'immobilisations, sauf pour la société à démontrer que ces travaux constitueraient en réalité des charges déductibles.
En ce qui concerne la qualification d'établissement industriel :
8. Il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que la société requérante réceptionne dans son établissement du B... des milliers de meules de Comté auxquelles elle fait subir un processus d'affinage en cave chaude puis en cave froide pendant une durée de 4 à 24 mois au cours de laquelle ces fromages font l'objet de retournements et de frottages de la morge par des robots de soins avant d'être conditionnés et expédiés une fois arrivés à maturation. Ces opérations, réalisées grâce au matériel et outillage présents au sein des locaux litigieux, correspondent, en l'espèce, à une activité de transformation de produits alimentaires. Pour les besoins de cette activité la société requérante dispose d'importants moyens techniques tant pour assurer la régulation thermique et hygrométrique des lieux, la manutention et le pesage des meules que pour les opérations de frottage et de retournement des produits qui sont réalisées par des robots de soins. Il s'ensuit que l'établissement litigieux revêt un caractère industriel au sens des règles précisées notamment au point 6 ci-dessus.
9. Il résulte de ce qui précède que dès lors que l'activité de l'établissement en cause consiste en la transformation de biens meubles corporels nécessitant au demeurant d'importants moyens techniques, elle revêt un caractère industriel au sens des dispositions ci-dessus rappelées et ne constitue pas, comme le soutient la société requérante, une activité de prestations de services. Par suite, la SAS Fromagerie Marcel Petite n'est pas fondée à soutenir que l'établissement considéré revêt un caractère commercial.
En ce qui concerne l'application de la méthode comptable aux additions de constructions et aux aménagements édifiés par la société requérante sur les immeubles qu'elle loue à la commune de Saint-Antoine :
10. Il résulte de l'instruction que la commune de Saint-Antoine est propriétaire d'un ensemble immobilier, connu sous le nom B..., comprenant un bâtiment et des terrains attenants. Par des baux commerciaux des 29 juillet 1999 et 17 juillet 2013, la commune a donné en location le bâtiment ainsi que les terrains à la SAS Fromagerie Marcel Petite pour les besoins de son activité. Il résulte de l'instruction que la société requérante a d'une part, édifié sur les terrains loués des constructions au cours des années 2009 et 2011, et d'autre part, procédé à des aménagements sur le bâtiment industriel. Il n'est pas contesté que ces constructions et ces aménagements sont la propriété de la SAS Fromagerie Marcel Petite qui en a inscrit le coût de revient à l'actif immobilisé de son bilan. Il résulte de l'instruction que la commune de Saint-Antoine a déclaré le bâtiment et les terrains en qualité de bâtiments industriels et a été imposée aux taxes foncières sur ces immeubles selon la méthode dite " particulière " prévue au 2° de l'article 1500 du code général des impôts, ci-dessus reproduits, n'étant pas elle-même astreinte aux obligations comptables de l'article 53 A du code général des impôts. De son côté, la SAS Fromagerie Marcel Petite a déclaré ces constructions et aménagements, dont elle est propriétaire, en tant qu'immobilisations industrielles mais a été imposée à la cotisation foncière des entreprises à raison de ces biens selon la même méthode d'évaluation dite " particulière ". A la suite de la vérification de comptabilité ci-dessus analysée, le service a considéré que ces immobilisations devaient être évaluées selon la méthode comptable prévue au 1° du même article 1500 du code général des impôts.
11. En application de l'article 1500 du code général des impôts, les terrains d'un établissement industriel appartenant à une entreprise qui n'est pas astreinte aux obligations de tenir une comptabilité, conformément aux dispositions de l'article 53 A, sont évalués dans les conditions prévues à l'article 1498, les autres bâtiments et installations de l'établissement, s'ils appartiennent à une entreprise astreinte aux obligations définies à l'article 53 A, doivent être évalués selon la méthode comptable prévue à l'article 1499, alors même qu'ils forment avec les terrains une propriété destinée à une même utilisation au sens des articles 1494 du même code et 324 A de l'annexe III au même code.
12. Si la société requérante soutient que les aménagements qu'elle a réalisés sur le bâtiment qu'elle loue n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe foncière sur les propriétés bâties au sens de l'article 1467 du code général des impôts, en ce qu'ils ne sauraient être évalués selon la méthode comptable dès lors qu'ils constituent l'accessoire d'un bâtiment industriel lui-même évalué selon la méthode particulière, il résulte des règles rappelées au point ci-dessus que c'est à juste titre que l'administration les a évaluées selon la méthode comptable en vue de leur imposition à la cotisation foncière des entreprises dès lors qu'elles figuraient à l'actif de son bilan et qu'elle est soumise aux obligations prévues à l'article 53 A du code général des impôts.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Fromagerie Marcel Petite n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SAS Fromagerie Marcel Petite est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Fromagerie Marcel Petite et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 16 mars 2023, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2023.
Le rapporteur,
Signé : M. AgnelLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N° 21NC00557
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