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04/04/2023 | FRANCE | N°22NC01044

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 04 avril 2023, 22NC01044


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 20 avril 2021 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé.

Par un jugement n° 2101818 du 2 novembre 2021, le tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une

requête enregistrée le 28 avril 2022, M. A..., représenté par Me de Seze, demande à la cour :

1°) d'annul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 20 avril 2021 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé.

Par un jugement n° 2101818 du 2 novembre 2021, le tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 avril 2022, M. A..., représenté par Me de Seze, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du

2 novembre 2021 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 20 avril 2021 pris à son encontre par le préfet de l'Aube ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me de Seze, avocat de M. A..., de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

sur la régularité du jugement :

- les premiers juges ne font pas mention de la copie intégrale de son acte de naissance, légalisé, qui a été produite le 6 octobre 2021 ; en ne se fondant pas sur cet acte de naissance, le jugement est irrégulier ;

- les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sur sa situation médicale ;

sur le moyen commun à l'ensemble des décisions contestées :

- l'arrêté contesté a été pris par une autorité incompétente ;

s'agissant de la décision de refus de séjour :

- en méconnaissance de l'article 47 du code civil et des articles L. 423-22 et R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il justifie, notamment par la production d'un acte de naissance légalisé par l'ambassade du Congo, de son identité et de sa date de naissance ;

- la décision n'est pas suffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Aube qui n'a pas examiné le caractère réel et sérieux de ses études et son intégration, a commis une erreur de droit et d'appréciation ;

- la décision porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;

s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa vie familiale en France ;

s'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il risque d'être soumis à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juillet 2022, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.

Il soutient que le jugement n'est pas irrégulier et que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991

- le décret n° 2020-1370 du 10 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Denizot, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant congolais déclarant être né le 31 octobre 2002 à Kinshasa, est entré irrégulièrement en France le 5 mars 2018 et a été pris en charge par le service d'aide sociale à l'enfance le 12 avril 2018. Le 21 octobre 2020, M. A... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger mineur non accompagné confié à l'aide sociale à l'enfance avant l'âge de seize ans. Par un arrêté du 20 avril 2021, le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer le titre sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé. Par un jugement du 2 novembre 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de cet arrêté. M. A... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer un mémoire contenant des éléments nouveaux est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties.

3. Il ressort des pièces du dossier que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a visé le deuxième mémoire complémentaire, enregistré au greffe le 6 octobre 2021, présenté pour

M. A.... Ce mémoire, auquel était annexé un acte de naissance du 24 septembre 2021 qui aurait été légalisé, n'a pas été communiqué alors que l'instruction n'était pas close. Toutefois, pour rejeter la demande de l'intéressé, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ne s'est pas fondé sur cet acte de naissance pour considérer que M. A... ne justifiait pas de son état civil. Dès lors, cette absence de communication n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, préjudicié aux droits des parties.

4. En second lieu, à l'appui de sa demande, M. A... soutenait notamment que la décision d'obligation de quitter le territoire français avait été prise en méconnaissance de son état de santé et plus particulièrement des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si le jugement attaqué indique, au demeurant à tort, que les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont repris à l'identique les dispositions de l'article L. 313-11 du même code, les premiers juges ne sauraient être regardés comme s'étant prononcés sur la méconnaissance, par l'obligation de quitter le territoire français, des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que ce moyen n'était pas inopérant. Par suite,

M. A... est fondé à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français et à demander, dans cette mesure, l'annulation de ce jugement.

5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par

M. A... devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français et, par la voie de l'effet dévolutif, sur les autres conclusions.

Sur la compétence de l'auteur de l'arrêté attaqué :

6. M. Christophe Borgus, secrétaire général de la préfecture de l'Aube et signataire de l'arrêté contesté, a, par un arrêté du préfet de l'Aube du 9 mars 2021 régulièrement publié au recueil des actes de la préfecture le 9 avril suivant, reçu délégation à l'effet de signer " tous arrêtés, décisions, circulaires, récépissés, recours gracieux, mémoires introductifs, en défense, en réplique devant les juridictions administratives ou judiciaires et autres documents relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Aube " à l'exception des " ordres de réquisition du comptable public, les décisions de passer outre aux avis défavorables du directeur départemental des finances publiques et du contrôleur financier local en matière de contrôle de légalité ainsi que les décisions de faire appel d'un jugement, les déclinatoires de compétence et arrêtés de conflit ". Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

7. En premier lieu, la décision contestée, qui vise notamment le 2bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qui fait état de la circonstance que M. A... n'est pas en mesure de prouver son âge ou son identité, comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Cette décision est donc suffisamment motivée, contrairement à ce qu'allègue le requérant. En outre, il ne ressort ni des pièces du dossier ni des termes de la décision en litige que le préfet de l'Aube n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 2° bis A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée (...) ".

9. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour de plein droit portant la mention "vie privée et familiale" sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entre dans les prévisions de l'article

L. 311-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance. Si ces conditions sont remplies, il ne peut alors refuser la délivrance du titre qu'en raison de la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française.

10. Par ailleurs, aux termes de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...) ". Selon l'article L. 111-6 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

11. Aux termes de l'article 1er du décret du 10 novembre 2020 relatif à la légalisation des actes publics établis par une autorité étrangère, applicable aux légalisations intervenues à compter du 1er janvier 2021 : " Sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France ou devant un ambassadeur ou chef de poste consulaire français doit être légalisé pour y produire effet. La légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. Elle donne lieu à l'apposition d'un cachet dont les caractéristiques sont définies par arrêté conjoint des ministres chargés de la justice et des affaires étrangères ". L'article 3 du même décret indique que : " I. - L'ambassadeur ou le chef de poste consulaire français peut légaliser : / 1° Les actes publics émis par les autorités de son Etat de résidence, légalisés le cas échéant par l'autorité compétente de cet Etat ; / 2° Les actes publics émis par les autorités diplomatiques et consulaires d'Etats tiers présents sur le territoire de son Etat de résidence, légalisés le cas échéant par l'autorité compétente de ce même Etat tiers. / II. - De façon exceptionnelle, le ministre des affaires étrangères peut légaliser les actes publics émanant d'agents diplomatiques et consulaires étrangers en résidence sur le territoire national et destinés à être produits devant d'autres agents diplomatiques et consulaires étrangers en résidence sur le territoire national ".

12. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'est produit devant l'administration un acte d'état civil émanant d'une autorité étrangère qui a fait l'objet d'une légalisation, sont en principe attestées la véracité de la signature apposée sur cet acte, la qualité de celui qui l'a dressé et l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. En cas de doute sur la véracité de la signature, sur l'identité du timbre ou sur la qualité du signataire de la légalisation, il appartient à l'autorité administrative de procéder, sous le contrôle du juge, à toutes vérifications utiles pour s'assurer de la réalité et de l'authenticité de la légalisation.

13. En outre, la légalisation se bornant à attester de la régularité formelle d'un acte, la force probante de celui-ci peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. Par suite, en cas de contestation de la valeur probante d'un acte d'état civil légalisé établi à l'étranger, il revient au juge administratif de former sa conviction en se fondant sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.

14. A la condition que l'acte d'état civil étranger soumis à l'obligation de légalisation et produit à titre de preuve devant l'autorité administrative ou devant le juge présente des garanties suffisantes d'authenticité, l'absence ou l'irrégularité de sa légalisation ne fait pas obstacle à ce que puissent être prises en considération les énonciations qu'il contient. En particulier, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article L. 423-22 du même code, il appartient à l'autorité administrative d'y répondre, sous le contrôle du juge, au vu de tous les éléments disponibles, dont les évaluations des services départementaux et les mesures d'assistance éducative prononcées, le cas échéant, par le juge judiciaire, sans exclure, au motif qu'ils ne seraient pas légalisés dans les formes requises, les actes d'état civil étrangers justifiant de l'identité et de l'âge du demandeur.

15. A l'appui de sa demande de titre de séjour, M. A... a présenté un jugement supplétif n° RCG/7510 d'acte de naissance rendu le 22 juillet 2020, un acte de naissance n° 4457 du

3 septembre 2020 obtenu par transcription du jugement précité sur les registres de l'état civil et une copie intégrale n° 4457 de son acte de naissance du 7 septembre 2020.

16. Pour contester l'authenticité de ces actes, la décision de refus de titre de séjour se fonde sur le rapport technique documentaire réalisé le 18 février 2021 par la cellule de fraude documentaire zonale de la police aux frontières de Metz. Ce rapport indique que le jugement supplétif correspond à un faux en écriture dans la mesure où le cachet humide est affecté de plusieurs fautes d'orthographes importantes et que le tampon qui mentionne " original " est incohérent avec un autre tampon qui mentionne " copie certifiée conforme ". Par ailleurs, le rapport relève que l'acte de naissance n° 4457, sur lequel figure le cachet d'une juridiction différente de celle qui a délivré le jugement supplétif, ne comporte pas la signature du déclarant. Le rapport indique que l'acte de naissance et la copie intégrale ont été obtenus indûment auprès des autorités de la République démocratique du Congo. Par ailleurs, si M. A... a produit, en première instance, une copie intégrale d'acte de naissance du

15 septembre 2021 signé par l'officier d'état civil de Limete, qui comporte la signature du chargé des affaires consulaires de la République démocratique du Congo à Paris du 24 septembre 2021, une telle signature ne correspond pas à une légalisation, au sens des dispositions précitées du décret du 10 novembre 2020. Cette copie intégrale d'acte de naissance du 15 septembre 2021 se présente d'une manière différente de la copie d'acte de naissance du 7 septembre 2020, laquelle est basée sur le même jugement supplétif irrégulier. De plus, les copies intégrales d'acte de naissance du 15 septembre 2021 et du 7 septembre 2020 se présentent formellement de manière différente alors qu'elles ont été établies par l'officier d'état civil de la même commune et n'ont pas été signées par la personne comparant pour faire établir l'acte. Les autres documents dont se prévaut M. A..., et notamment le passeport délivré le 5 août 2021, ont été établis sur la base ce ces documents eux-mêmes revêtus d'aucune force probante. Par suite, même si le rapport d'évaluation et le jugement en assistance éducative du 12 avril 2018 ont conclu à la minorité de l'intéressé, l'ensemble de ces éléments ne permettent d'établir son état civil et l'âge auquel M. A... a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance.

17. En troisième lieu, ainsi qu'il vient d'être dit, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... établirait avoir été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance avant l'âge de ses seize ans. Par suite, pour ce seul motif, le préfet de l'Aube pouvait refuser de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 2bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article L. 423-22 du même code. Par suite, les moyens tirés de ce que le préfet de l'Aube aurait fait une inexacte application des dispositions précitées et aurait commis une erreur de droit en n'examinant pas l'ensemble des conditions posées par ces dispositions doivent être écartés comme inopérants.

18. En dernier lieu, M. A... reprend, en appel, les moyens qu'il avait invoqués en première instance tirés de la méconnaissance des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet de l'Aube sans apporter d'élément nouveau ni critiquer utilement les motifs de rejet qui lui ont été opposés par les premiers juges. Il y a en conséquence lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

19. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article L. 611-3 du même code à compter du 1er mai 2021 : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

20. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est affecté de différents troubles d'ordre psychiatriques qui ont fait l'objet d'une triple hospitalisation de quelques journées en août 2018, à la fin du mois de février 2019 et à la fin du mois de janvier 2020. A la date de la décision contestée, il ressort des différents certificats médicaux produits par l'intéressé que le traitement médicamenteux de sa pathologie et sa prise en charge n'ont pas cessé. Toutefois, si les nombreuses pièces médicales produites par l'intéressé insistent sur la nécessité d'un suivi régulier, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié au regard de l'offre de soins et des caractéristiques du système de santé en République démocratique du Congo. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit, en l'état des pièces des dossiers, être écarté.

21. En second lieu, pour les mêmes motifs qu'exposés précédemment, il n'est pas établi que, compte tenu de l'absence de liens personnels ou familiaux intenses et stables sur le territoire français, la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Aube aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.

Sur la décision fixant le pays de destination :

22. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Dans la mesure où il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié de ses pathologies dans son pays d'origine, il n'est pas établi que, en raison de son état de santé, M. A... encourt des risques de traitements inhumains ou dégradants, en cas de retour en République démocratique du Congo. Dans ces conditions, le moyen tiré de la violation des stipulations et dispositions précitées doit être écarté.

23. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 avril 2021 en tant qu'il porte refus de titre de séjour et décision fixant le pays de destination. Sa demande tendant à l'annulation de la mesure d'éloignement contenu dans ce même acte doit être rejetée. Par voie de conséquence, les conclusions de sa requête aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2101818 du 2 novembre 2021 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en tant qu'il a rejeté la demande d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français contenue dans l'arrêté du 20 avril 2021 est annulé.

Article 2 : La demande d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français contenue dans l'arrêté du 20 avril 2021 et la requête de M. A... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B..., à Me de Seze et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- M. Arthur Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2023.

Le rapporteur,

Signé : A. DenizotLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

N° 22NC01044 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01044
Date de la décision : 04/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: M. Arthur DENIZOT
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : DE SEZE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-04-04;22nc01044 ?
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