Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 4 juin 2019 par lequel le directeur de l'Hôpital Nord Franche-Comté a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire de l'abaissement d'échelon.
Par un jugement n° 1901277 du 4 janvier 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté ce recours.
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner l'Hôpital Nord Franche-Comté à lui verser la somme de 90 000 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison de l'illégalité de la décision du 21 mai 2015.
Par un jugement n° 2000254 du 17 juin 2021, le tribunal administratif de Besançon a condamné l'Hôpital Nord Franche-Comté à verser à Mme A... la somme de 2 000 euros.
Procédures devant la cour :
I. Par une requête n° 21NC00620 enregistrée le 2 mars 2021, Mme B... A..., représentée par Me Garot, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1901277 du tribunal administratif de Besançon du 4 janvier 2021 ;
2°) d'annuler la décision du directeur de l'Hôpital Nord Franche-Comté du 4 juin 2019 la sanctionnant d'un abaissement d'échelon ;
3°) de mettre à la charge de l'Hôpital Nord Franche-Comté une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision du 4 juin 2019 est entachée d'un vice de procédure car le rapport disciplinaire ne lui a pas été communiqué ;
- le conseil de discipline n'a pas été convoqué après l'annulation de la décision du 21 mai 2015 ;
- la décision est insuffisamment motivée ;
- la dénonciation anonyme dont elle a fait l'objet n'est pas versée au dossier disciplinaire ;
- les allégations de l'administration n'intègrent pas leurs dispositifs, seuls assortis de l'autorité de chose jugée ;
- la décision attaquée repose sur des faits matériellement inexistants ;
- la sanction est disproportionnée ;
- la décision du 4 juin 2019 est entachée de détournement de pouvoir.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mars 2022, l'Hôpital Nord Franche-Comté, représenté par Me Landbeck conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que la requête est irrecevable et qu'aucun des moyens soulevés par Mme A... n'est fondé.
II - Par une requête n° 21NC02046 enregistrée le 15 juillet 2021, Mme B... A..., représentée par Me Garot, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2000254 du tribunal administratif de Besançon du 17 juin 2021 ;
2°) de condamner l'Hôpital Nord Franche-Comté à lui verser la somme de 90 000 euros ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 27 novembre 2019 et la capitalisation de ces intérêts en réparation du préjudice du fait de l'illégalité de la décision du 21 mai 2015 ;
3°) de mettre à la charge de l'Hôpital Nord Franche-Comté une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la responsabilité de l'Hôpital Nord Franche-Comté est engagée en raison de l'illégalité de la décision du 4 juin 2019 ;
- ses préjudices sont évalués à 90 000 euros toutes causes confondues.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 août 2021, l'Hôpital Nord Franche-Comté, représenté par Me Landbeck conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que la requête est irrecevable et qu'aucun des moyens soulevés par Mme A... n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n°89-822 du 7 novembre 1989 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Sibileau, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,
- et les observations de Me Landbeck, pour l'Hôpital Nord Franche-Comté.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A... a été recrutée en 1988, en qualité d'agent des services hospitaliers contractuel puis titulaire, par le centre hospitalier de Montbéliard, devenu, à la suite de sa fusion avec le centre hospitalier de Besançon, l'Hôpital Nord Franche-Comté. Elle a été titularisée dans le grade d'aide-soignante en 1995. Elle a été placée en arrêt maladie à la suite d'un accident de travail survenu le 26 mai 2011. Par une décision du 21 mai 2015, le directeur de l'Hôpital Nord Franche-Comté a prononcé sa révocation, au motif qu'elle avait exercé, pendant cet arrêt maladie, une activité lucrative pour le compte d'une société de vente à domicile. Par un jugement n° 1501157 du 30 décembre 2016, confirmé par un arrêt n° 17NC00455 du 5 mars 2019 de cette cour, le tribunal administratif de Besançon a annulé cette décision. Après avoir réintégré Mme A..., le directeur de l'hôpital a décidé, le 4 juin 2019, de prononcer à son encontre la sanction disciplinaire de l'abaissement d'échelon. Par un jugement n° 1901277 du 4 janvier 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté la requête formée par Mme A... contre cette décision. Mme A... interjette appel de ce jugement. Le 27 novembre 2019, Mme A... a demandé à l'hôpital de lui verser une somme de 90 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi en raison de l'illégalité fautive entachant la décision du 21 mai 2015 portant révocation. Par un jugement n° 2000254 du 17 juin 2021, le tribunal administratif de Besançon a condamné l'Hôpital Nord Franche-Comté à verser à Mme A... une somme de 2 000 euros en réparation du préjudice subi. Mme A... interjette également appel de ce jugement.
Sur la jonction :
2. Les requêtes ci-dessus visées enregistrées sous les numéros 21NC00620 et 21NC02046 ont trait à la situation du même agent public et ont fait l'objet d'une instruction commune. Dans ces conditions, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur la légalité de l'arrêté du 4 juin 2019 :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 83 de la loi du 9 janvier 1986 susvisé dans sa rédaction alors en vigueur : " Le conseil de discipline ne comprend en aucun cas des fonctionnaires d'un grade inférieur à celui du fonctionnaire déféré devant lui, à l'exception des fonctionnaires d'un grade hiérarchiquement équivalent au sens de l'article 20-1 de la présente loi. Il comprend au moins un fonctionnaire du grade de ce dernier ou d'un grade équivalent. / Le conseil de discipline est saisi par un rapport de l'autorité investie du pouvoir de nomination. Ce rapport précise les faits reprochés et les circonstances dans lesquelles ils ont été commis. / [...] ". Aux termes de l'article 1er du décret du 7 novembre 1989 susvisé dans sa rédaction alors en vigueur : " Le fonctionnaire contre lequel est engagée une procédure disciplinaire doit être informé qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel et de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. Il doit être invité à prendre connaissance du rapport mentionné à l'article 83 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée. ".
4. Il ressort des pièces du dossier et notamment d'une attestation que Mme A... a signé le 30 avril 2019 que l'intéressée a pu consulter son dossier ce même jour et obtenir une copie de plusieurs documents constitutifs. Par ailleurs, l'appelante n'a contesté ni à cette occasion ni postérieurement l'exhaustivité et l'utilité des pièces ainsi mise à sa disposition. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure disciplinaire, que ce soit notamment l'absence de communication des pièces du dossier disciplinaire ou celle plus spécifiquement d'une lettre anonyme reçue par l'administration, ne peut qu'être écarté.
5. En deuxième lieu, il est constant ainsi que cela a été rappelé au point 1 ci-dessus que la cour a confirmé l'annulation de la décision du 21 mai 2015 portant révocation de l'intéressée en raison du caractère disproportionnée de la sanction ainsi infligée. Si un abaissement d'échelon a été prononcée le 4 juin 2019, aucun changement de droit ou de fait de nature à rendre nécessaire l'engagement d'une nouvelle consultation du conseil de discipline n'est intervenu entre le 21 mai 2015 et le 4 juin 2019. Par suite, le moyen tiré de ce que le directeur de l'Hôpital Nord Franche-Comté était tenu de procéder à une nouvelle consultation du conseil de discipline avant de sanctionner, pour les mêmes motifs, Mme A... d'un abaissement d'échelon doit être écarté.
6. En troisième lieu, il est constant que par un arrêt n° 17NC00455 du 5 mars 2019 devenu définitif, la cour a estimé qu'étaient établis les faits reprochés à Mme A... et qui tiennent en l'exercice sans autorisation de cumul d'activités alors qu'elle était en congés maladie, d'une activité de vente à domicile pour le compte d'une société commercialisant notamment des purificateurs d'air et des aspirateurs. A cette occasion, la cour pour considérer comme établie la réalité de cette activité, s'est fondée notamment sur les fiches de présence à des formations organisées pour les nouveaux vendeurs de cette société, auxquelles Mme A... a assisté, sur la circonstance que la CARSAT de Franche-Comté a encaissé des cotisations sociales à son nom pour l'équivalent de trois trimestres sur l'année 2014. Si Mme A... produit une attestation de la société en cause indiquant que la déclaration litigieuse résulte d'une erreur, elle n'apporte pas, à cet égard, d'élément de nature à expliquer comment l'organisme de retraite a obtenu des informations personnelles telles que son numéro de sécurité sociale. Par ailleurs, son nom et sa signature figurent dans les rubriques " coordonnées du consultant(e) " et " vendeur " du bon de commande produit par l'Hôpital Nord Franche-Comté.
7. D'une part, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision du 4 juin 2019 repose sur des faits matériellement inexistants. D'autre part est sans emport la circonstance que l'Hôpital Nord Franche-Comté ait été informé du cumul d'activités de Mme A... par une lettre anonyme.
8. En quatrième lieu, si Mme A... soutient que la décision du 4 juin 2019 est insuffisamment motivée, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation de cet arrêté ne peut qu'être écarté.
9. En cinquième lieu, les moyens tirés de l'absence de communication du procès-verbal du conseil de discipline et de ce que les allégations n'intègrent pas dans leur dispositif les seuls éléments assortis de l'autorité de la chose jugée, sont dépourvus de toute précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.
10. En sixième lieu, le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle normal sur les questions de savoir si les faits reprochés à un agent public constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
11. D'une part, en estimant que les faits reprochés à la requérante constituaient des fautes de nature à justifier une sanction, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire ne les a pas inexactement qualifiés, comme cela a déjà été jugé par cette cour. D'autre part, eu égard à la nature de ces faits rappelés au point 6 ci-dessus, l'autorité disciplinaire n'a pas, en l'espèce, pris une sanction disproportionnée en décidant de sanctionner Mme A... d'un abaissement d'échelon.
12. En septième et dernier lieu, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.
13. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir, que c'est à tort que le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 4 juin 2019.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
En ce qui concerne la recevabilité de la requête :
14. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête (...) Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".
15. La requête d'appel de Mme A..., qui ne se borne pas à reproduire intégralement et exclusivement les demandes de première instance, tend à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Besançon n° 2000254 du 17 juin 2021 et à la condamnation de son employeur à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis. Elle expose les moyens soulevés à son soutien. Par suite, l'hôpital n'est pas fondé à soutenir que le mémoire d'appel produit ne constitue qu'une reproduction littérale d'un mémoire de première instance. La fin de non-recevoir soulevée doit donc être écartée.
En ce qui concerne la responsabilité de l'Hôpital Nord Franche-Comté :
16. La décision du 21 mai 2015 est, ainsi qu'il a été jugé par cette cour, entachée d'illégalité et susceptible d'engager la responsabilité de l'Hôpital Nord Franche-Comté.
En ce qui concerne les préjudices :
17. En premier lieu, Mme A... demande à la cour de condamner l'Hôpital Nord Franche-Comté à l'indemniser du préjudice économique causé par l'illégalité de la décision du 21 mai 2015 et tenant en des difficultés dans ses conditions d'existence entre mai 2015, date de sa révocation, et mars 2017, date de la régularisation de sa rémunération. Ces difficultés se matérialisent en particulier par les prêts sans intérêts qu'elle a dû solliciter auprès de sa famille et de ses amis, par la vente de sa voiture, par les relances de son établissement bancaire et par des difficultés financières.
18. Toutefois, le lien de cause à effet entre la faute commise et les différents chefs de préjudice économique ne peut être regardé comme établi par Mme A.... Par suite, cette dernière n'est pas fondée à soutenir que l'Hôpital Nord Franche-Comté doit être déclaré responsable du préjudice économique qu'elle estime avoir subi.
19. En second lieu, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par Mme A... en condamnant l'Hôpital Nord Franche-Comté à lui verser une somme de 2 000 euros.
20. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Besançon a, par le jugement attaqué, d'une part condamné l'Hôpital Nord Franche-Comté à lui verser une somme de 2 000 euros et d'autre part décidé que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 27 novembre 2019 ainsi que la capitalisation des intérêts à compter du 27 novembre 2020.
Sur les frais d'instance :
21. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu de faire droit ni aux conclusions de Mme A... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ni à celles de l'Hôpital Nord Franche-Comté présentées sur le même fondement.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de Mme A... sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions de l'Hôpital Nord Franche-Comté présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à l'Hôpital Nord Franche-Comté.
Copie en sera adressée au préfet du Territoire de Belfort.
Délibéré après l'audience du 2 mars 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- M. Sibileau, premier conseiller,
- Mme Barrois, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mars 2023.
Le rapporteur,
Signé : J.-B. SibileauLe président,
Signé : M. C...
La greffière,
Signé : S. Robinet
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
2
N° 21NC00620-21NC02046