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16/03/2023 | FRANCE | N°22NC02485

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 16 mars 2023, 22NC02485


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2201969 du 22 septembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 octobre 2022, M. A

..., représenté par Me Issa, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 septembre 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2201969 du 22 septembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Issa, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 septembre 2022 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 4 juillet 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 800 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le jugement est entaché de défaut d'examen, faute pour les premiers juges d'avoir fait référence à des éléments essentiels qu'il avait produits ou dont il s'était prévalu ;

Sur la légalité du refus de renouvellement de son titre de séjour :

- la décision attaquée est entachée d'insuffisance de motivation ;

- elle est entachée de défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle est intervenue en méconnaissance du principe du contradictoire, garanti à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle est entachée de défaut d'examen au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article L. 421-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'insuffisance de motivation ;

- elle est intervenue en méconnaissance du principe du contradictoire, garanti à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle est illégale compte tenu de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnait les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

- elle est entachée d'insuffisance de motivation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 novembre 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision de la présidente du bureau d'aide juridictionnelle du 11 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les observations de Me Issa, avocat de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 25 juillet 2000 et de nationalité ivoirienne, est entré sur le territoire français le 8 décembre 2016 selon ses déclarations, à l'âge de 16 ans. Pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance des Vosges, il a bénéficié à sa majorité d'un titre de séjour portant la mention " travailleur temporaire " valable du 20 septembre 2018 au 19 septembre 2019, régulièrement renouvelés jusqu'au 19 septembre 2021, puis d'un récépissé de demande de renouvellement valable jusqu'au 6 avril 2022. Le préfet de Meurthe-et-Moselle a, par un arrêté du 4 mars 2022, refusé de procéder au renouvellement de son titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Par ordonnance du 6 avril 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Nancy a suspendu la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour et, par un jugement du 7 juin 2022, le tribunal a annulé l'arrêté du 4 mars 2022 au motif qu'il n'avait pas été procédé à l'examen de sa demande de changement de statut pour un titre de séjour " salarié ". Dans le cadre du réexamen auquel il lui a été enjoint de procéder, le préfet de Meurthe-et-Moselle a, par un nouvel arrêté du 4 juillet 2022, de nouveau refusé de délivrer un titre de séjour à M. A..., lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 22 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Entré à l'âge de 16 ans sur le territoire français le 8 décembre 2016, M. A... y a obtenu son CAP de " menuisier fabricant de menuiserie, mobilier et agencement " en juillet 2018 et s'est vu délivrer à compter du 20 septembre 2018 un titre de séjour " travailleur temporaire ", régulièrement renouvelé jusqu'au 19 septembre 2021, période au cours de laquelle il a travaillé dans son domaine de compétence, notamment en intérim. Au soutien de sa demande de renouvellement de son titre de séjour et de changement de statut, l'intéressé avait produit un contrat à durée déterminée comme aide menuisier pour la société Menuiserie Keller, initialement conclu du 23 août au 29 octobre 2021, puis prolongé jusqu'au 23 décembre 2021. Il a ensuite, sur décision préfectorale du 28 janvier 2022, été admis à titre dérogatoire à bénéficier du dispositif " Garantie Jeunes " pour la période du 5 janvier 2022 au 4 janvier 2023, ce qui lui a ouvert droit à une allocation mensuelle ainsi qu'à un accompagnement dans son insertion sociale et professionnelle. Il était convoqué pour suivre une formation " Préparation opérationnelle à l'emploi collective " pour le métier de maçon VRD (voirie et réseaux divers) du 28 février au 17 mai 2022, lorsqu'une première décision lui refusant le renouvellement de son titre de séjour " travailleur temporaire " est intervenue. A la suite de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nancy prononçant la suspension de cette décision du 4 mars 2022, M. A... s'est vu délivrer une autorisation provisoire de séjour valable du 12 avril au 7 juillet 2022, qui lui a permis d'honorer le contrat à durée déterminée d'une durée de trois mois en qualité de technicien de production de stores et volets roulants pour la société Storest, conformément d'ailleurs à la promesse d'embauche qui lui avait été faite le 4 mars et pour laquelle la société avait sollicité une autorisation de travail le 23 mars. Ce contrat a fait l'objet d'un avenant, en date du 23 juin 2022, le renouvelant pour une durée de six mois jusqu'au 31 décembre 2022, ce dont les services de la préfecture avaient été informés avant l'adoption de la décision en litige. Si le requérant ne justifiait pas, à la date du 4 juillet 2022, remplir les conditions permettant le renouvellement de son titre de séjour " travailleur temporaire ", puisque la société Storest n'a obtenu l'autorisation de travail correspondant à ce contrat que le 29 août 2022, il ressort néanmoins des pièces du dossier qu'après cinq ans et demi de résidence sur le territoire français, M. A..., qui doit être regardé comme inséré professionnellement dans le domaine dans lequel il a été formé lorsqu'il était pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance, et qui dispose par ailleurs de son logement autonome, justifiait, à l'âge de presque 22 ans, de circonstances permettant de considérer qu'en refusant de tenir compte de son parcours pour prolonger son admission au séjour au titre du travail, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, le préfet de Meurthe-et-Moselle a entaché la décision en litige d'une erreur manifeste d'appréciation. L'illégalité du refus de titre de séjour entache d'illégalité les décisions subséquentes lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination.

3. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle en date du 4 juillet 2022.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

4. Compte tenu du motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de Meurthe-et-Moselle délivre un titre de séjour " salarié " à M. A.... Il y a lieu de prescrire au préfet d'y procéder dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant expressément à exercer une activité professionnelle.

Sur les frais liés au litige :

5. M. A... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle, son avocat peut prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 37 de la loi ci-dessus visée du 10 juillet 1991. Dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Issa, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à Me Issa de la somme de 1 000 euros au titre des frais que M. A... aurait exposés dans la présente instance s'il n'avait été admis à l'aide juridictionnelle partielle.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2201969 du 22 septembre 2022 du tribunal administratif de Nancy est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle en date du 4 juillet 2022 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de délivrer à M. A... un titre de séjour " salarié " dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt et, dans l'attente et sans délai, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant expressément à exercer une activité professionnelle.

Article 4 : L'Etat versera à Me Issa la somme de 1 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me Issa et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 16 février 2023, à laquelle siégeaient :

M. Martinez président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023.

La rapporteure,

Signé : H. B...Le président,

Signé : J. Martinez

Le greffier,

Signé : J-Y. Gaillard

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

J-Y. Gaillard

2

N° 22NC02485


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02485
Date de la décision : 16/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Hélène BRODIER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : ISSA

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-03-16;22nc02485 ?
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