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16/03/2023 | FRANCE | N°22NC01835

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 16 mars 2023, 22NC01835


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... et Mme D... B... née E... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 23 mars 2022 par lesquels le préfet de la Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2202410, 2202411 du 3 juin 2022, la magistrate désignée du tribunal administratif de Strasbourg les a admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle à

titre provisoire, a annulé les décisions portant interdiction de retour sur le territ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... et Mme D... B... née E... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 23 mars 2022 par lesquels le préfet de la Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2202410, 2202411 du 3 juin 2022, la magistrate désignée du tribunal administratif de Strasbourg les a admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, a annulé les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français et a rejeté le surplus de leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I.) Par une requête, enregistrée le 12 juillet 2022 sous le n° 22NC01835, Mme B..., représentée par Me Sabatakakis, doit être regardée comme demandant à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 juin 2022 en tant qu'il rejette le surplus de ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 23 mars 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 mars 2022 la concernant en tant qu'il porte refus de séjour, obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement de réexaminer sa situation dans le délai de trente jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros TTC à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement :

- le jugement est entaché d'incompétence de la formation de jugement, dès lors que l'affaire relevait d'une formation collégiale :

S'agissant du refus de titre de séjour :

- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée de défaut d'examen de sa situation et d'erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est dépourvue de fondement compte tenu de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle est dépourvue de fondement compte tenu de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2022, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 9 novembre 2022.

II.) Par une requête, enregistrée le 12 juillet 2022 sous le n° 22NC01836, M. B..., représenté par Me Sabatakakis, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 juin 2022 en tant qu'il rejette le surplus de ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 23 mars 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 mars 2022 le concernant en tant qu'il porte refus de séjour, obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement de réexaminer sa situation dans le délai de trente jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros TTC à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il développe les mêmes moyens et fait valoir les mêmes arguments que son épouse dans la requête n° 22NC01835.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2022, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 9 novembre 2022.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., née le 16 mars 1992, et M. B..., né le 23 janvier 1984, tous deux de nationalité albanaise, sont entrés irrégulièrement en France le 22 janvier 2020 selon leurs déclarations. Examinées dans le cadre de la procédure accélérée, leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 31 août 2021. Ils avaient, entre temps, sollicité leur admission au séjour en qualité de parents d'enfant malade et s'étaient vu délivrer des autorisations provisoires de séjour valables du 6 octobre 2020 au 5 avril 2021 et renouvelées jusqu'au 27 septembre 2021. Par des arrêtés du 23 mars 2022, le préfet de la Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 3 juin 2022 en tant que la magistrate désignée du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions leur refusant un titre de séjour, leur faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination.

2. Les requêtes nos 22NC01835 et 22NC01836, présentées pour Mme et M. B..., concernent la situation d'un couple de ressortissants étrangers. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement :

3. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) ; 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; (...). / Lorsque, dans le cas prévu à l'article L. 431-2, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la décision portant obligation de quitter le territoire français peut être prise sur le fondement du seul 4° ". L'article L. 431-2 de ce code, qui s'est substitué à l'article L. 311-6 dans sa version en vigueur à la date de la décision en litige, prévoit que l'étranger qui a présenté une demande d'asile est informé des conditions dans lesquelles il peut déposer une demande d'admission au séjour à un autre titre que l'asile.

4. Aux termes de l'article L. 614-5 du même code : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 1°, 2° ou 4° de l'article L. 611-1 est assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quinze jours suivant la notification de la décision. / (...) / Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou parmi les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue dans un délai de six semaines à compter de sa saisine. / (...) / Lorsque l'étranger conteste une décision portant obligation de quitter le territoire fondée sur le 4° de l'article L. 611-1 et une décision relative au séjour intervenue concomitamment, le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin statue par une seule décision sur les deux contestations ". Aux termes de l'article R. 776-13-1 du code de justice administrative : " Les dispositions de la présente sous-section sont applicables aux recours formés, en application des articles L. 614-5 ou L. 614-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, contre les décisions d'obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement des 1°, 2° ou 4° de l'article L. 611-1 du même code et les décisions mentionnées à l'article R. 776-1 du présent code notifiées simultanément, lorsque l'étranger n'est pas placé en rétention, ni assigné à résidence. (...) ". L'article R. 776-1 du même code mentionne notamment " les décisions portant obligation de quitter le territoire français (...) ainsi que les décisions relatives au séjour notifiées avec les décisions portant obligation de quitter le territoire français ". L'article R. 776-13-3 prévoit que " Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné statue dans le délai de six semaines prévu à l'article L. 614-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ".

5. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'une décision relative au séjour est intervenue concomitamment et a fait l'objet d'une contestation à l'occasion du recours dirigé contre une obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cette contestation suit le régime contentieux applicable à cette obligation de quitter le territoire, alors même qu'elle a pu être prise également sur le fondement du 3° de cet article. Dès lors, les dispositions de l'article L. 614-5 ainsi, notamment, que celles de l'article R. 776-13-1 et R. 776-13-3 du code de justice administrative sont applicables à l'ensemble des conclusions présentées devant le juge administratif dans le cadre de ce litige, y compris celles tendant à l'annulation de la décision relative au séjour.

6. Il résulte de ce qui précède que la magistrate désignée du tribunal administratif de Strasbourg était compétente pour statuer, par un seul jugement, sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour prise concomitamment à la mesure d'éloignement fondée sur le 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile telles que présentées à l'occasion du recours formé par M. et Mme B... contre cette même mesure d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité des refus de titre de séjour :

7. Aux termes de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. / Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9 ". Aux termes de l'article L. 425-9 du même code : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / (...) ".

8. Si M. et Mme B... ont bénéficié d'autorisations provisoires de séjour délivrées sur le fondement de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, valables du 6 octobre 2020 au 27 septembre 2021, les décisions leur en refusant le renouvellement sont motivées par référence à l'avis émis le 17 février 2022 par le collège des médecins de l'OFII dont il ressort que si l'état de santé de leur enfant A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ce dernier peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Albanie, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce pays. L'enfant, âgé de presque 10 ans à la date des décisions en litige, souffre d'une maladie dégénérative, la dystrophie musculaire de Duchenne de Boulogne, encore appelée myopathie de Duchenne, dont le diagnostic a été précisé en France. Cette maladie dégénérative entraîne une invalidité se manifestant par une limitation de l'amplitude des membres supérieurs et des déficits musculaires, qui occasionnent une fatigabilité et un manque de force, tandis que l'enfant a perdu la marche autonome à l'âge de 8 ans et se déplace en fauteuil roulant. Si cette maladie est de nature à entraîner des atteintes cardiaques et respiratoires, l'état de santé de l'enfant se caractérisait à la date des décisions en litige, par " des paramètres fonctionnels discrètement altérés mais qui restent compatibles avec une fonction respiratoire normale " et par une absence d'atteinte cardiologique évidente. Le certificat médical établi le 2 novembre 2021 par son médecin traitant pour être adressé à l'OFII indique que la pathologie du jeune garçon nécessite un suivi neuropédiatrique ainsi qu'un traitement constitué de Cortancyl et de Mopral. Toutefois, les requérants ne produisent pas de pièce médicale permettant de combattre le motif retenu par le préfet de la Moselle pour leur refuser la délivrance des titres de séjour qu'ils sollicitaient. La circonstance que le collège de médecins de l'OFII a retenu, dans son avis du 17 février 2022, une position différente de celle de son précédent avis du 28 septembre 2020, alors même qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de l'enfant aurait évolué, ne saurait suffire à justifier qu'il ne peut pas bénéficier d'un traitement approprié en Albanie. De même, la circonstance que le jeune garçon n'avait pas été correctement diagnostiqué jusque-là et qu'il n'aurait pas bénéficié d'un traitement pour sa pathologie en Albanie n'établit pas plus cette preuve. Il ressort d'ailleurs au contraire du compte-rendu d'hospitalisation du jeune A... en mars 2019 à l'hôpital américain de Tirana que le traitement qui lui était recommandé est comparable à celui qu'il reçoit en France, ce qui établirait la possibilité d'une prise en charge adaptée dans son pays d'origine. Par suite, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir qu'en refusant de leur délivrer un titre de séjour, le préfet de la Moselle aurait fait une inexacte application des dispositions des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

10. D'une part, s'il n'est pas contesté que la prise en charge médicale pluridisciplinaire offerte en France à l'enfant de M. et Mme B... est certainement plus complète que celle dont il pourrait bénéficier en Albanie, les pièces médicales produites ne permettent pas d'établir que l'état de santé de l'enfant nécessiterait son maintien sur le territoire français. D'autre part, la décision contestée n'implique pas la séparation de l'enfant avec l'un de ses deux parents, la cellule familiale ayant vocation à se reconstituer en Albanie, pays dans lequel il n'est pas établi que A... ne pourrait pas bénéficier d'une scolarité. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.

11. En troisième lieu, les requérants, qui ne produisent pas leur demande de renouvellement de leurs autorisations provisoires de séjour du 11 août 2021, ne justifient pas avoir porté à la connaissance du préfet de la Moselle le contrat à durée indéterminée signé le 1er juin 2021 par M. B... en qualité d'ouvrier, ni la scolarisation de leurs enfants depuis janvier 2020 en France. Ils ne sauraient ainsi faire grief au préfet de la Moselle d'avoir entaché les décisions en litige d'un défaut d'examen complet de leur demande.

12. En dernier lieu, M. et Mme B... ne résidaient sur le territoire français que depuis deux ans et deux mois à la date des décisions contestées. La circonstance que M. B... travaillait, sous contrat à durée indéterminée, depuis presque dix mois et que les deux enfants du couple sont scolarisés ne suffit pas, en dépit de la situation particulière de leur fils aîné et des aides humaine et financière dont il bénéficie, à considérer que le refus de titre de séjour qui leur a été opposé serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de leur situation personnelle.

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :

13. En premier lieu, eu égard à ce qui précède, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français seraient dépourvues de fondement compte tenu de l'illégalité des refus de titre de séjour.

14. En second lieu, compte tenu de ce qui a été dit aux points 8, 10 et 12 du présent arrêt, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions en litige seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation de leur situation et de celle de leur fils.

Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination :

15. En premier lieu, eu égard à ce qui précède, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions fixant le pays de destination seraient dépourvues de fondement compte tenu de l'illégalité des refus de titre de séjour.

16. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

17. M. et Mme B... se prévalent des discriminations subies en Albanie par leur fils aîné et de l'absence de soutien et de prise en charge par les autorités sanitaires et éducatives de leur pays d'origine. Ils ne produisent toutefois aucune pièce qui établirait que leur enfant courrait des risques d'être exposé, à raison de la situation sociale qu'ils décrivent, à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que les décisions en litige méconnaîtraient ces stipulations.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes dirigées contre les arrêtés du 23 mars 2022 en tant qu'ils leur refusaient un titre de séjour, leur faisaient obligation de quitter le territoire français et fixaient le pays de destination. Par suite, leurs requêtes doivent être rejetées en toutes leurs conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme B... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... B..., à Mme D... B... née E... , à Me Sabatakakis et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Moselle.

Délibéré après l'audience du 16 février 2023, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023.

La rapporteure,

Signé : H. C... Le président,

Signé : J. Martinez

Le greffier,

Signé : J-Y. Gaillard

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

J-Y. Gaillard

2

Nos 22NC01835, 22NC01836


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01835
Date de la décision : 16/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Hélène BRODIER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : SABATAKAKIS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-03-16;22nc01835 ?
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