La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/03/2023 | FRANCE | N°22NC02004

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 02 mars 2023, 22NC02004


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon l'annulation de l'arrêté du 6 avril 2022 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement n° 2200734 du 30 juin 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :
r>Par une requête enregistrée le 25 juillet 2022, Mme C... A..., représentée par Me Tournan, deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon l'annulation de l'arrêté du 6 avril 2022 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement n° 2200734 du 30 juin 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 juillet 2022, Mme C... A..., représentée par Me Tournan, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2200734 du tribunal administratif de Besançon du 30 juin 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Doubs du 6 avril 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cinquante euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de lui délivrer un titre de séjour " étudiant " ou " vie privée et familiale ", à titre infiniment subsidiaire, de réexaminer sa situation dans la perspective de la délivrance d'un des titres de séjour précédemment mentionnés ou d'une admission exceptionnelle au séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 900 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est entachée d'un vice de procédure dès lors que, d'une part, en méconnaissance de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'a pas été rendu dans le délai de trois mois suivant la transmission par le demandeur des éléments médicaux, d'autre part, cet avis est insuffisamment motivé et ne donne aucune indication sur la disponibilité effective du traitement dans le pays d'origine, enfin, l'effectivité de cette disponibilité n'a été vérifiée, ni par le médecin rapporteur, ni par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- la décision en litige est également entachée d'un vice de procédure, dès lors que le principe général de respect du contradictoire, rappelé à l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, n'a pas été respecté et qu'elle n'a pas été destinataire d'une notice explicative ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- le préfet du Doubs n'explique pas en quoi elle ne pourrait pas prétendre à la délivrance d'un titre de séjour " étudiant ", " visiteur " ou " vie privée et familiale " ;

- la décision en litige est entachée d'une erreur de droit, dès lors que, d'une part, le préfet du Doubs s'est estimé à tort lié par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, d'autre part, il n'appartient pas au directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de donner un avis sur d'éventuelles circonstances humanitaires justifiant une admission exceptionnelle au séjour ;

- elle est également entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet du Doubs a omis de vérifier si les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été respectées ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 août 2022, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... A... est une ressortissante tchadienne, née le 28 juin 1994. Elle est entrée régulièrement en France, le 30 janvier 2018, sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de long séjour " étudiant ". Elle a été mise en possession d'une carte temporaire de séjour portant la mention " étudiant " au titre des années universitaires

2018-2019, 2019-2020 et 2020-2021. L'intéressée, qui n'a validé aucune des années pour lesquelles elle était inscrite, a sollicité, le 10 août 2021, la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement des dispositions de l'article L 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, à la suite de l'avis défavorable du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 17 février 2022, le préfet du Doubs, par un arrêté du 6 avril 2022, a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. Mme A... a saisi le tribunal administratif de Besançon d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 6 avril 2022. Elle relève appel du jugement n° 2200734 du 30 juin 2022, qui rejette sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) ".

3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'accès effectif ou non à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. Pour refuser de délivrer à Mme A... un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet du Doubs s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 17 février 2022. Selon cet avis, si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il lui permet néanmoins de voyager sans risque à destination de son pays d'origine, où, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Albanie, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il ressort des pièces du dossier que la requérante souffre d'endométriose, d'une maladie hémorragique héréditaire proche de l'hémophilie (dite maladie de Willebrand), d'anémie et d'un syndrome anxio-dépressif. Elle verse au débat contradictoire de nombreux certificats médicaux émanant de médecins français et tchadiens, dont il ressort notamment que le traitement de sa pathologie gynécologique chronique et invalidante nécessite un plateau technique de haut niveau, que les médicaments prescrits en France pour son traitement n'existent pas au Tchad et qu'ils peuvent difficilement être substitués sans risque pour la patiente. Les éléments médicaux versés aux débats par Mme A... ne sont pas sérieusement contestés par le préfet du Doubs, qui se borne à affirmer qu'ils sont peu nombreux et de faible valeur probante. Ces éléments sont de nature à remettre en cause l'appréciation à laquelle s'est livrée l'autorité administrative sur la disponibilité effective du traitement de l'intéressée au Tchad. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la requérante est fondée à soutenir que le préfet du Doubs, en refusant le 6 avril 2022 de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade, a méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à demander, pour ce motif, l'annulation de la décision en litige. Par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination, qui se trouvent privées de base légale, doivent également être annulées.

5. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet du Doubs du 6 avril 2022 et à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent jugement implique nécessairement de délivrer à Mme A... un titre de séjour en qualité d'étranger malade dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais de justice :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A... d'une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2200734 du tribunal administratif de Besançon du 30 juin 2022 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet du Doubs du 6 avril 2022 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Doubs de délivrer à Mme A... un titre de séjour en qualité d'étranger malade dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Mme A... la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

Délibéré après l'audience du 9 février 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Laubriat, président de la chambre,

- M. Meisse, premier conseiller,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mars 2023.

Le rapporteur,

Signé : E. B...

Le président,

Signé : A. Laubriat

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

N° 22NC02004 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02004
Date de la décision : 02/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAUBRIAT
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : TOURNAN

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-03-02;22nc02004 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award