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02/03/2023 | FRANCE | N°22NC01031

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 02 mars 2023, 22NC01031


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2108721 du 24 mars 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 avril 2022, M. A..., r

eprésenté par Me Mehl, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 24 mars 2022 du tribunal ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2108721 du 24 mars 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 avril 2022, M. A..., représenté par Me Mehl, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 24 mars 2022 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2021 de la préfète du Bas-Rhin ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour et subsidiairement de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- la décision est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'il appartient à la préfète du Bas-Rhin de démontrer sur quels éléments s'est fondé le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration pour considérer qu'il pourrait bénéficier des soins appropriés dans son pays d'origine ;

- l'avis rendu le 11 mars 2021 par le collège des médecins de l'Office est incomplet : faute de préciser la durée prévisible de ses soins, il ne respecte pas l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis ;

- à la suite de l'avis du collège des médecins de l'Office en date du 8 août 2019, il lui a été délivré une autorisation provisoire de séjour alors qu'il aurait dû bénéficier d'une carte de séjour temporaire ; ce manquement de l'administration l'a placé dans une situation de précarité ;

- la préfète a examiné sa situation globale de sorte qu'elle a examiné son droit au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L.435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; ainsi, elle était tenue de consulter la commission du titre de séjour avant de lui refuser son admission au séjour car il réside habituellement en France depuis plus de dix ans ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- l'obligation de quitter le territoire français sera annulée par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de retour :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

La préfète du Bas-Rhin, à qui la procédure a été communiquée, n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 4 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 24 janvier 2023 à 12h00.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant turc né le 1er janvier 1953, est entré en France en 2004 et a sollicité l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 septembre 2004, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile le 21 mai 2005. Après qu'il a formulé le 15 décembre 2019 une demande de titre de séjour en se prévalant de son état de santé, une autorisation provisoire de séjour lui a été délivrée. Il a sollicité le renouvellement de son admission au séjour le 7 octobre 2020. Par un arrêté du 12 octobre 2021, la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 24 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision du 12 octobre 2021 portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...).". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 425-9 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 425-12 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du même article. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / (...)

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié et effectif dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus de délivrance d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi.

4. En l'espèce, par un avis émis le 11 mars 2021, le collège des médecins de l'OFII a estimé que si l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Turquie, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et y voyager sans risque pour son état de santé.

5. Le requérant produit des certificats médicaux de son psychiatre qui mentionnent qu'il souffre d'un syndrome anxio-phobique et dépressif. Toutefois, M. A... n'établit pas sérieusement, par les pièces qu'il produit, que le suivi et le traitement auxquels il a accès en France seraient inaccessibles dans son pays d'origine. Les certificats médicaux qu'il produit se bornent en effet à faire état de sa pathologie et du suivi psychiatrique qu'elle nécessite, sans toutefois remettre en cause l'appréciation portée tant par le collège des médecins de l'OFII que par la préfète du Bas-Rhin concernant la disponibilité, dans son pays d'origine, des traitements médicaux que requiert son état de santé. Par suite, la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. Par ailleurs, la circonstance que l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 11 mars 2021 ne fasse pas mention de la durée prévisible pendant laquelle le traitement nécessité par l'état de santé de l'intéressé doit être poursuivi est sans incidence sur la régularité de cet avis dès lors qu'une telle indication n'est requise que dans le cas où l'étranger doit demeurer en France pour y recevoir les soins appropriés.

7. Enfin, la circonstance qu'à la suite de l'avis du collège des médecins de l'OFII du 8 août 2019, seule une autorisation provisoire de séjour lui aurait été délivrée et non un titre de séjour temporaire est sans incidence sur les conditions dans lesquelles est réexaminé son droit à bénéficier d'un titre de séjour eu égard à son état de santé, comme l'on relevé à bon droit les premiers juges.

8. En second lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ".

9. Le requérant reprend en appel le moyen qu'il avait invoqué en première instance et tiré du vice de procédure à raison de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges au point 11 du jugement attaqué.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. Faute pour le requérant d'avoir démontré l'illégalité de la décision portant refus de séjour, le moyen tiré d'une telle illégalité, invoquée par la voie de l'exception à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, doit être écarté.

Sur la décision fixant le pays de destination :

11. En premier lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

12. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré pour la première fois sur le territoire français à l'âge de 51 ans en 2004. Il n'établit pas, par les pièces produites, avoir résidé de manière habituelle et continue en France entre 2004 et 2019. En outre, il ne parle pas le français et n'apporte aucun élément permettant d'établir son intégration sur le territoire français. Enfin, il dispose d'attaches familiales en Turquie, où résident ses parents, son épouse et son fils majeur. Dans ces conditions, la préfète du Bas-Rhin n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels la décision fixant le pays de destination a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

13. En second lieu, pour les mêmes motifs qu'énoncés au point précédent, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 12 octobre 2021. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter également ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et à Me Mehl.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 9 février 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Laubriat, président,

- M. Meisse, premier conseiller,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mars 2023.

La rapporteure,

Signé : S. B...Le président,

Signé : A. Laubriat

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 22NC01031


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01031
Date de la décision : 02/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAUBRIAT
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : MEHL

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-03-02;22nc01031 ?
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