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02/03/2023 | FRANCE | N°22NC00894

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 02 mars 2023, 22NC00894


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg l'annulation de l'arrêté du 28 février 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de circuler sur le territoire français pendant une période de deux ans.

Par un jugement n° 2201362 du 11 mars 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a re

jeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 avri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg l'annulation de l'arrêté du 28 février 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de circuler sur le territoire français pendant une période de deux ans.

Par un jugement n° 2201362 du 11 mars 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 avril 2022, M. A... C..., représenté par Me Medina, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2201362 du tribunal administratif de Strasbourg du 11 mars 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 28 février 2022.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que, en méconnaissance dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, il ne comporte pas les signatures requises ;

- l'arrêté du 28 février 2022 est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination portent une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur d'appréciation ;

- la décision portant interdiction de circulation sur le territoire français pendant deux ans est, eu égard à la durée de cette interdiction, entachée d'une erreur d'appréciation.

La requête a été régulièrement communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas défendu dans la présente instance.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C... est un ressortissant italien, né le 27 août 2001. Il a déclaré être entré en France, le 3 mars 2011, accompagné de sa mère, ainsi que de sa sœur et de son frère, nés respectivement le 10 juillet 2000 et le 1er octobre 2005, afin d'y retrouver son père arrivé quelques jours auparavant. Estimant que le comportement du requérant constituait, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société, au sens des dispositions du 2° de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète du Bas-Rhin, par un arrêté du 28 février 2022, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit de circuler sur le territoire français pendant une période de deux ans. M. C... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 28 février 2022. Il relève appel du jugement n° 2201362 du 11 mars 2022, qui rejette sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". Aux termes de l'article R. 741-8 du même code : " (...) Lorsque l'affaire est jugée par un magistrat statuant seul, la minute du jugement est signée par ce magistrat et par le greffier d'audience. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le jugement de première instance contesté a été signé par la magistrate statuant seule et par la greffière d'audience. La circonstance que l'ampliation de ce jugement, qui a été notifiée à la partie appelante, ne comporterait pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de celui-ci. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les moyens communs aux décisions en litige :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige énonce, pour chaque décision qu'il comporte, les considérations de droit et de fait, qui en constituent le fondement. Il est ainsi suffisamment motivé au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.

5. En second lieu, il ne ressort, ni des motifs de l'arrêté en litige, ni d'aucune autre pièce du dossier, que la préfète du Bas-Rhin se serait abstenue de procéder à un examen particulier de la situation personnelle et familiale de M. C... au vu de l'ensemble des éléments portés à sa connaissance. Par suite, le moyen invoqué en ce sens ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger les étrangers dont la situation est régie par le présent livre, à quitter le territoire français lorsqu'elle constate les situations suivantes : / (...) ; / 2° Leur comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société ; (...) ".

7. M. C... fait valoir qu'il est arrivé en France, le 3 mars 2011, à l'âge de neuf ans, qu'il y réside depuis cette date, qu'il y a toutes ses attaches familiales et personnelles et qu'il y a effectué sa scolarité jusqu'à l'obtention en juillet 2018 d'un brevet d'études professionnelles dans le domaine des métiers de la relation aux clients et aux usagers. Il justifie également avoir créé une microentreprise dans le domaine de la livraison le 22 septembre 2020 et avoir travaillé comme préparateur de commandes de novembre 2019 à janvier 2020 et comme employé polyvalent dans la restauration de janvier à mars 2021. Toutefois, ces quelques éléments ne suffisent pas à démontrer que M. C..., qui est célibataire et sans enfant à charge, résiderait de façon continue sur le territoire français, ni qu'il y aurait un emploi stable et des ressources pérennes. L'intéresssé n'établit pas davantage, nonobstant le décès de sa grand-mère survenu le 5 avril 2019, être isolé en Italie. Surtout, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été condamné, par un jugement du tribunal correctionnel de Strasbourg du 6 décembre 2019, à une peine de quatre mois d'emprisonnement pour vol avec violence ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à huit jours. Il a également fait l'objet, par un jugement du 28 octobre 2020 du tribunal judiciaire de Strasbourg, d'une deuxième condamnation à une peine de six mois d'emprisonnement pour recel de bien provenant d'un vol, en récidive, refus par le conducteur d'un véhicule d'obtempérer à une sommation de s'arrêter, en récidive, circulation d'un véhicule à moteur avec une plaque d'immatriculation illisible et conduite d'un cyclomoteur sans casque. Enfin, le tribunal judiciaire de Strasbourg, dans un jugement du 26 mai 2021, l'a condamné à une peine de douze mois d'emprisonnement pour détention de stupéfiants, en récidive, emploi non autorisé de stupéfiants, en récidive, et violation de domicile. Eu égard aux conditions du séjour en France de M. C... et à la menace que son comportement fait peser sur l'ordre public, la décision en litige ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen invoqué en ce sens ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

8. Aux termes de l'article L. 251-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les étrangers dont la situation est régie par le présent livre disposent, pour satisfaire à l'obligation qui leur a été faite de quitter le territoire français, d'un délai de départ volontaire d'un mois à compter de la notification de la décision. / L'autorité administrative ne peut réduire le délai prévu au premier alinéa qu'en cas d'urgence et ne peut l'allonger qu'à titre exceptionnel ".

9. Eu égard à ce qui a été exposé au point 7 du présent arrêt, spécialement à la nature et à la réitération des infractions commises, le comportement personnel de M. C... représente, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société. Il justifie ainsi l'urgence à l'éloigner. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait entachée d'une erreur d'appréciation ne peut être accueilli.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

10. Eu égard aux circonstances qui ont été analysées au point 7 du présent arrêt, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision en litige porterait une atteinte disproportionnée au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de circulation sur le territoire français :

11. Aux termes de l'article L. 251-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par décision motivée, assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français édictée sur le fondement des 2° ou 3° de l'article L. 251-1 d'une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans. ".

12. Compte tenu des circonstances qui ont été analysées au point 7 du présent arrêt, la préfète du Bas-Rhin n'a pas commis d'erreur d'appréciation en fixant à deux ans la durée de l'interdiction de circulation sur le territoire français prononcée à l'encontre du requérant.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 28 février 2022, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 9 février 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Laubriat, président de la chambre,

- M. Meisse, premier conseiller,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mars 2023.

Le rapporteur,

Signé : E. B...

Le président,

Signé : A. Laubriat

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

N° 22NC00894 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC00894
Date de la décision : 02/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAUBRIAT
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : MEDINA

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-03-02;22nc00894 ?
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