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28/02/2023 | FRANCE | N°20NC02672

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 28 février 2023, 20NC02672


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 septembre 2020 et le 15 novembre 2021, la société Centrale éolienne Claire Fontaine, représentée par

Me Versini-Campinchi, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 27 avril 2020 par lequel le préfet des Ardennes a rejeté sa demande d'autorisation environnementale pour la construction et l'exploitation d'un parc éolien de quatre aérogénérateurs et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Wignicourt ;

2°) d'enjoindre au préfet des Ardennes de procé

der à l'instruction complète de sa demande d'autorisation et de statuer à nouveau sur cette d...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 septembre 2020 et le 15 novembre 2021, la société Centrale éolienne Claire Fontaine, représentée par

Me Versini-Campinchi, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 27 avril 2020 par lequel le préfet des Ardennes a rejeté sa demande d'autorisation environnementale pour la construction et l'exploitation d'un parc éolien de quatre aérogénérateurs et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Wignicourt ;

2°) d'enjoindre au préfet des Ardennes de procéder à l'instruction complète de sa demande d'autorisation et de statuer à nouveau sur cette demande dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté n'a pas été précédé de la procédure contradictoire prévue à l'article R. 181-40 du code de l'environnement ;

- le préfet ne pouvait pas rejeter sa demande sur le fondement des dispositions du 1° de l'article R. 181-34 du code de l'environnement dès lors que ce rejet n'est pas fondé sur l'insuffisance de son dossier, mais sur l'impact allégué du parc sur la cigogne noire ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur d'appréciation dès lors que le dossier présenté permettait l'examen de son projet et notamment de ses impacts sur la cigogne noire ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur d'appréciation dès lors que le projet n'a pas, au regard de l'impact initial prévu et des mesures pour éviter et réduire ses inconvénients, un impact sur la cigogne noire et plus généralement sur la faune s'opposant à la délivrance de l'autorisation sollicitée ;

- l'étude d'impact actualisée ne retient pas, contrairement à ce que soutient le préfet, un niveau faible à nul de sensibilité locale de la cigogne noire aux dérangements causés par les parcs éoliens, mais il évalue cette sensibilité comme moyenne ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur d'appréciation dès lors que, eu égard à l'impact limité du projet sur la cigogne noire et généralement sur l'environnement, elle n'avait pas à solliciter une dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par des mémoires en intervention, enregistrés le 21 janvier 2021, le 27 mai 2021, le 17 juin 2021 et le 1er septembre 2021, présentés sans ministère d'avocat, et un mémoire d'intervention commun, enregistré le 18 octobre 2021, l'association Défense des Vallées et l'association Nature et Avenir, représentées par Me Catry, s'associent aux conclusions de la ministre de la transition écologique à fin de rejet de la requête et demandent que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Neonen sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles font valoir que :

- elles ont intérêt à intervenir ;

- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 15 février 2022, la clôture immédiate de l'instruction a été prononcée en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Un mémoire, présenté pour l'association Défense des Vallées et l'association Nature et Avenir, a été enregistré le 11 janvier 2023, postérieurement à la clôture d'instruction, et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Barteaux, rapporteur public,

- et les observations de Me Duclercq, représentant la société Centrale éolienne Claire Fontaine, et de Me Catry, représentant l'association Défense des Vallées et l'association Nature et Avenir.

Une note en délibéré, enregistrée le 17 février 2023, a été présentée pour la société Centrale éolienne Claire Fontaine

Considérant ce qui suit :

1. La société Centrale éolienne Claire Fontaine a présenté, le 20 décembre 2017, une demande d'autorisation environnementale portant sur la construction et l'exploitation de quatre éoliennes et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Wignicourt. Par un arrêté du 27 avril 2020, le préfet des Ardennes a refusé de délivrer l'autorisation sollicitée. La société Centrale éolienne Claire Fontaine demande à la cour d'annuler cet arrêté.

Sur l'intervention collective :

2. Les statuts de l'association Défense des Vallées indiquent que cette association a notamment pour objet de protéger les espaces naturels, le patrimoine bâti, les sites, les paysages, les sols et la biodiversité sur le territoire de différentes communes, dont celle de Wignicourt. Ces statuts précisent de plus qu'elle peut agir en justice contre l'implantation de parcs éoliens. Eu égard aux indications de ses statuts, l'association Nature et Avenir a, pour sa part, pour objet d'intervenir, dans le département des Ardennes, pour défendre la qualité de la vie des populations en relation avec leur environnement et pour porter devant les tribunaux les projets pouvant détruire des espèces ou des espaces protégés. Ces deux associations justifient ainsi, au regard de leurs objets statutaires, d'un intérêt au maintien de l'arrêté contesté. Leur intervention collective doit par suite, être admise.

Sur la légalité de l'arrêté litigieux :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 181-9 du code de l'environnement : " L'instruction de la demande d'autorisation environnementale se déroule en trois phases : / 1° Une phase d'examen ; / 2° Une phase de consultation du public ; / 3° Une phase de décision. (...) ". Aux termes de l'article R. 181-34 du même code : " Le préfet est tenu de rejeter la demande d'autorisation environnementale dans les cas suivants : / 1° Lorsque, malgré la ou les demandes de régularisation qui ont été adressées au pétitionnaire, le dossier est demeuré incomplet ou irrégulier ; / 2° Lorsque l'avis de l'une des autorités ou de l'un des organismes consultés auquel il est fait obligation au préfet de se conformer est défavorable ; / 3° Lorsqu'il s'avère que l'autorisation ne peut être accordée dans le respect des dispositions de l'article L. 181-3 ou sans méconnaître les règles, mentionnées à l'article L. 181-4, qui lui sont applicables. (...) ". Enfin, aux termes du premier alinéa l'article R. 181-40 dudit code : " Le projet d'arrêté statuant sur la demande d'autorisation environnementale est communiqué par le préfet au pétitionnaire, qui dispose de quinze jours pour présenter ses observations éventuelles par écrit ".

4. Il résulte de l'instruction que la demande de délivrance d'une autorisation environnementale de la société Centrale éolienne Claire Fontaine a été rejetée dès la phase d'examen, sur le fondement de l'article R. 181-34 du code de l'environnement, de sorte que la procédure prévue par l'article R. 181-40 du code de l'environnement, qui ne s'applique qu'aux décisions adoptées lors de la phase de décision, ne trouvait pas à s'appliquer en l'espèce. La société requérante ne peut ainsi utilement soutenir que l'arrêté a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, faute d'avoir été précédé de la procédure contradictoire prévue par ces dispositions. Le moyen doit par suite être écarté.

5. En deuxième lieu, il résulte des termes mêmes de l'arrêté litigieux que le préfet a rejeté la demande de la société pétitionnaire en raison de l'incomplétude et de l'irrégularité du dossier de demande. Si l'arrêté précise que ces carences ont privé le préfet de la possibilité d'évaluer les incidences du projet sur l'environnement et notamment sur la cigogne noire, cette mention vise à préciser les raisons pour lesquelles les incomplétudes et irrégularités du dossier ont empêché la poursuite de l'instruction du dossier. Contrairement à ce que soutient la société requérante, le préfet a ainsi bien rejeté sa demande sur le fondement des dispositions du 1° de l'article R. 181-34 du code de l'environnement.

6. En troisième lieu, il résulte des termes mêmes de l'arrêté litigieux que le refus opposé est fondé, d'une part, sur l'insuffisance de l'étude d'impact, qui ne comporte notamment pas d'étude spécifique à la cigogne noire, qui sous-évalue la sensibilité locale de la cigogne noire aux dérangements causés par les parcs éoliens et qui, par suite, ne permet d'évaluer les incidences du projet sur cette espèce, en l'absence de mesures suffisantes d'évitement, de réduction et de compensation permettant d'exclure tout impact résiduel, et, d'autre part, sur l'incomplétude du dossier en l'absence de demande de la dérogation prévue au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement.

7. Il résulte de l'instruction que la cigogne noire, qui figure sur la liste rouge des espèces menacées en France et qui est appréciée comme étant en danger au niveau national ainsi que comme étant une espère rare en Champagne-Ardenne, est présente régulièrement en nourrissage, ainsi qu'en nidification à proximité du projet. L'étude d'impact produite par la société requérante précise d'ailleurs que la cigogne noire est l'espèce présentant le plus fort enjeu pour le projet. Dans le cadre de la demande adressée à la société pétitionnaire le 13 août 2018 tendant à ce que cette dernière complète son dossier, le préfet des Ardennes a, en raison des enjeux liés à cette espèce, notamment sollicité de la société qu'elle réévalue le niveau de sensibilité locale de la cigogne noire, qui n'avait été apprécié que comme " très faible à nul " en dépit de son enjeu local très fort. Si l'étude d'impact actualisée et produite en réponse à cette demande procède, ainsi que le souligne la requérante, à la réévaluation à " moyen " du niveau de sensibilité locale de la cigogne noire, cette étude ne tire aucune conséquence de cette modification sur le niveau d'impact initial du projet attendu pour cette espèce, alors que, d'après les indications mêmes de l'étude d'impact, le niveau d'impact est évalué au regard de la sensibilité locale et du schéma d'implantation final du projet. Ainsi, l'impact initial du projet sur la cigogne noire est évalué uniquement comme " faible " en ce qui concerne la perte de territoire et comme " très faible à nul " pour les incidences sur la nidification, sans qu'aucune explication probante ne soit apportée à cette absence d'évolution du niveau d'impact en dépit de la réévaluation de la sensibilité locale. De plus, il n'est pas justifié que les différentes mesures mentionnées dans l'étude écologique, qui visent principalement à éviter les risques de collision, permettraient d'exclure les perturbations causées aux cigognes noires, alors notamment que la société pétitionnaire n'apporte aucun élément justifiant que, contrairement à ce qu'a retenu le préfet, les technologies DTBird ou Safewind seraient efficaces également concernant cette espèce. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le préfet a considéré que les incidences résiduelles du projet sur la cigogne noire ne pouvaient pas être appréciées, eu égard à la

sous-évaluation de l'impact initial du projet. La requérante n'est ainsi pas fondée à soutenir que c'est à tort que le préfet a retenu que l'étude d'impact était insuffisante sur ce point.

8. Cette sous-évaluation de l'étude d'impact s'opposait à elle seule à ce que le préfet puisse instruire régulièrement la demande d'autorisation. Par suite, la société Centrale éolienne Claire Fontaine n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait entaché son arrêté d'erreur d'appréciation en rejetant sa demande au motif que son dossier était irrégulier.

9. En quatrième lieu, si pour refuser de faire droit à la demande d'autorisation environnementale, le préfet des Ardennes a également retenu que le dossier de demande était incomplet, il résulte de l'instruction qu'il aurait, en tout état de cause, pris la même décision en se fondant uniquement sur le motif tiré de l'irrégularité de l'étude d'impact.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Centrale éolienne Claire Fontaine n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 27 avril 2020. Ces conclusions à fin d'injonctions doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par la société Centrale éolienne Claire Fontaine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

12. Les conclusions présentées par l'association Défense des Vallées et l'association Nature et Avenir sur le même fondement ne peuvent qu'être rejetées dès lors qu'elles n'ont pas la qualité de parties au litige.

D E C I D E :

Article 1er : L'intervention de l'association Défense des Vallées et de l'association Nature et Avenir est admise.

Article 2 : La requête de la société Centrale éolienne Claire Fontaine est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par l'association Défense des Vallées et l'association Nature et Avenir sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Centrale éolienne Claire Fontaine, à l'association Défense des Vallées, à l'association Nature et Avenir et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet des Ardennes.

Délibéré après l'audience du 31 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Haudier, présidente,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 février 2023.

Le rapporteur,

Signé : S. A...

La présidente,

Signé : G. HAUDIERLe greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 20NC02672 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02672
Date de la décision : 28/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

44-02 Nature et environnement. - Installations classées pour la protection de l'environnement.


Composition du Tribunal
Président : Mme HAUDIER
Rapporteur ?: M. Swann MARCHAL
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : LPA-CGR

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-02-28;20nc02672 ?
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