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09/02/2023 | FRANCE | N°22NC02636

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 09 février 2023, 22NC02636


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2021 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé.

Par un jugement n° 2108961 du 22 février 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requ

ête, enregistrée le 25 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Dole, demande à la cour :

1°) d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2021 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé.

Par un jugement n° 2108961 du 22 février 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Dole, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2021 du préfet de la Moselle ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de l'erreur manifeste qu'aurait commise le préfet en refusant de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation.

S'agissant de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- la décision est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que son comportement n'est pas constitutif d'une menace pour l'ordre public ;

- elle méconnaît les stipulations du paragraphe 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il justifie de motifs exceptionnels et de considérations humanitaires ;

- elle méconnaît les exigences de la circulaire du 28 novembre 2012.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- elle est illégale, dès lors qu'il devait se voir délivrer un titre de séjour de plein droit sur le fondement du paragraphe 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire, en défense enregistré le 21 novembre 2022, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- et les observations de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien, est entrée en France le 11 octobre 2016 sous couvert d'un visa portant la mention " étudiant " valable du 6 octobre 2016 au 4 janvier 2017. Un certificat de résidence portant la mention " étudiant " lui a été délivré le 16 janvier 2017 et a fait l'objet de renouvellements jusqu'au 30 novembre 2018. Un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", valable du 13 mai 2019 au 12 mai 2020, lui a ensuite été accordé. Le 7 décembre 2020, M. A... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement du paragraphe 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Il a également sollicité, par une demande du 4 novembre 2021, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du h) de l'article 7bis de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 3 décembre 2021, le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit. M. A... fait appel du jugement du 22 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Dans son mémoire en réplique enregistré le 19 janvier 2022 au greffe du tribunal administratif de Strasbourg, avant la clôture de l'instruction, M. A... soutenait que le préfet avait entaché sa décision statuant sur sa demande de certificat de résidence d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation. Le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen. Par suite, le jugement du tribunal administratif de Strasbourg doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Strasbourg.

Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

4. En premier lieu, aux termes de l'article de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. M. A... est entré en France le 11 octobre 2016 sous couvert d'un visa portant la mention " étudiant " valable du 6 octobre 2016 au 4 janvier 2017 et a ensuite bénéficié de certificats de résidence portant la mention " étudiant " régulièrement renouvelés jusqu'au 30 novembre 2018. Ces différents titres de séjours étudiant lui ont cependant été accordés pour qu'il puisse finaliser ses études, mais ne lui donnaient pas vocation à rester sur le territoire français à l'issue de sa formation. S'il a ensuite bénéficié du 13 mai 2019 au 12 mai 2020 d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " en raison de la conclusion d'un pacte civil de solidarité avec une ressortissante française, il est néanmoins constant que ce pacte a été dissout le 17 mars 2021 et que les intéressés ont mis fin à leur relation. M. A... a, par ailleurs, été condamné par un jugement du 13 septembre 2019 du tribunal correctionnel de Metz à quatre mois d'emprisonnement avec sursis en raison de violences commises sur son ancienne partenaire. Cette condamnation récente, dont M. A... ne saurait utilement minorer l'importance en alléguant d'une attitude manipulatrice de sa partenaire, a été confirmée en appel et s'oppose, en dépit des liens d'amitié tissés en France par le requérant et des efforts professionnels mis en œuvre, à ce qu'il soit regardé comme justifiant d'une bonne insertion au sein de la société française. En outre, si M. A... se prévaut également de sa relation avec Mme B..., ressortissante française, cette relation ne s'est nouée qu'à la fin de l'année 2020 et l'intéressé ne justifie pas de l'existence d'une communauté de vie à la date de l'arrêté litigieux. Dans ces conditions, M. A..., qui ne fait état d'aucun obstacle à ce que sa carrière professionnelle puisse se poursuivre dans son pays d'origine, où il a par ailleurs résidé jusque l'âge de 25 ans et où demeurent des membres de sa famille, n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse a porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations du paragraphe 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

6. En deuxième lieu, M. A... ne saurait utilement se prévaloir de la circulaire du 28 novembre 2012, relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui se borne à énoncer des orientations générales destinées à éclairer les préfets dans l'exercice de leur pouvoir de prendre des mesures de régularisation, sans les priver de leur pouvoir d'appréciation. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de cette circulaire doit être écarté comme inopérant.

7. En troisième lieu, compte tenu des circonstances de fait rappelées au point 5, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet de la Moselle en refusant de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation doit être écarté.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; 2° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer la carte de résident prévue aux articles L. 423-11, L. 423-12, L. 424-1, L. 424-3, L. 424-13, L. 424-21, L. 425-3, L. 426-1, L. 426-2, L. 426-3, L. 426-6, L. 426-7 ou L. 426-10 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; 3° Lorsqu'elle envisage de retirer le titre de séjour dans le cas prévu à l'article L. 423-19 ; 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1 ".

9. Ainsi qu'il a été précisé, M. A... ne satisfait aux conditions pour se voir délivrer un titre de séjour de plein droit sur le fondement des stipulations du paragraphe 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien. De plus, si M. A... avait également sollicité la délivrance d'un titre sur le fondement du h) de l'article 7bis de l'accord franco-algérien, il ne conteste pas, en tout état de cause, le motif du refus opposé par le préfet et tiré de ce qu'il ne justifie pas de 5 ans de résidence régulière ininterrompue en France sous couvert d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ". Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Moselle était tenu de saisir la commission du titre du séjour.

10. En cinquième lieu, si, pour refuser de faire droit à la demande de délivrance d'un titre de séjour, le préfet retient que M. A... ne satisfait pas aux exigences du paragraphe 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ni à celles du h) de l'article 7bis du même accord et que sa situation ne justifie pas son admission au séjour à titre exceptionnelle, il a également retenu que le comportement de M. A... représentait une menace à l'ordre public. Toutefois, même à considérer fondés les deux moyens soulevés par M. A... pour contester le motif lié à la menace à l'ordre public, il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que les motifs relatifs à la non-satisfaction des conditions à la délivrance d'un titre de plein droit sur le fondement de l'accord franco-algérien et au refus d'exercice de son pouvoir de régularisation.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour.

12. En deuxième lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français édictée sur le fondement du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour conformément à l'article L. 613-1 du même code. Par suite, le moyen tiré de ce que la mesure d'éloignement ne comporte pas de motivation spécifique doit être écarté.

13. En troisième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 5, le préfet a pu légalement refuser la délivrance d'un certificat de résidence à M. A... sur le fondement du paragraphe 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Le requérant n'est donc n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale au motif qu'il aurait dû bénéficier d'un titre de séjour de plein droit sur la base de ces stipulations.

14. En quatrième lieu, compte tenu des circonstances de fait rappelées au point 5, le moyen tiré de l'erreur manifeste des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation de M. A... doit être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Moselle du 3 décembre 2021. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 22 février 2022 est annulé.

Article 2 : La demande de première instance ainsi que le surplus des conclusions présentées en appel par M. A... sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me Dole et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- Mme Brodier, première conseillère,

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2023.

Le rapporteur,

Signé : S. D... La présidente,

Signé : A. Samson-Dye

La greffière,

Signé : V. Chevrier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

V. Chevrier

2

N° 22NC02636


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02636
Date de la décision : 09/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: M. Swann MARCHAL
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : DOLE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-02-09;22nc02636 ?
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