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09/02/2023 | FRANCE | N°22NC01549

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 09 février 2023, 22NC01549


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... et Mme D... B... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les arrêtés du 18 janvier 2022 par lesquels le préfet de l'Aube a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits.

Par un jugement nos 2200419, 2200420 du 10 mai 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 17 juin 2022 sous le n° 21NC...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... et Mme D... B... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les arrêtés du 18 janvier 2022 par lesquels le préfet de l'Aube a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits.

Par un jugement nos 2200419, 2200420 du 10 mai 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 17 juin 2022 sous le n° 21NC01549, M. C..., représenté par Me Gaffuri, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2022 du préfet de l'Aube le concernant;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, de lui enjoindre de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

S'agissant de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- la décision est insuffisamment motivée ; en ne la convoquant pas afin de connaître des éléments sur sa situation personnelle, le préfet ne peut manifestement pas se prononcer sur les liens qu'il a pu tisser en France depuis son arrivée ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- elle porte une atteinte excessive à sa situation et est ainsi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire, enregistré le 26 août 2022, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 décembre 2022.

II. Par une requête, enregistrée le 17 juin 2022 sous le n° 22NC01550, Mme B..., représentée par Me Gaffuri, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2022 du préfet de l'Aube la concernant ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, de lui enjoindre de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé.

S'agissant de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- la décision est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen particulier ; en ne la convoquant pas afin de connaître des éléments sur sa situation personnelle, le préfet ne peut manifestement pas se prononcer sur les liens qu'elle a pu tisser en France depuis son arrivée ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- elle porte une atteinte excessive à sa situation et est ainsi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire, enregistré le 26 août 2022, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... et Mme B..., ressortissants arméniens, sont entrés en France, selon leurs déclarations, le 30 décembre 2010. Ils ont sollicité, le 3 mai 2021, la délivrance de titres de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par des arrêtés du 18 janvier 2022, le préfet de l'Aube a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits. Par deux requêtes, qu'il convient de joindre, M. C... et Mme B... font appel du jugement du 10 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 18 janvier 2022.

Sur la régularité du jugement :

2. Il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, s'est prononcé sur les moyens soulevés par M. C... et Mme B... dans leurs écritures et a suffisamment motivé son jugement, conformément à l'article L. 9 du code de justice administrative.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les moyens communs aux décisions litigieuses :

3. Les décisions litigieuses, qui n'avaient pas à reprendre tous les éléments de la situation personnelle des requérants, précisent les dispositions légales sur lesquelles elles s'appuient et rappellent de manière non stéréotypée les principales considérations relatives à leurs situations, notamment leurs conditions d'entrée et de séjour en France, ainsi que leurs attaches familiales. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation des décisions litigieuses doit être écarté.

En ce qui concerne les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

4. En premier lieu, il ressort des termes mêmes des décisions contestées que le préfet, qui n'avait pas à convoquer les requérants pour évoquer les éventuels liens dont ils disposaient en France, a procédé à l'analyse de leur situation individuelle, de sorte que le moyen tiré du défaut d'examen sérieux ne peut qu'être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. I1 ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "Aux termes des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale' d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

6. M. C... et Mme B... sont entrés en France le 30 décembre 2010 mais se maintiennent irrégulièrement sur le territoire français, s'étant abstenus d'exécuter les précédentes mesures d'éloignement prononcées à leur encontre. De plus, les requérants allèguent qu'ils ont, en raison de leurs durées de présence sur le territoire français, nécessairement tissé des liens dans ce pays, mais ils n'apportent aucun élément probant démontrant l'existence de liens suffisamment stables et anciens en France. La fille ainée des requérants est majeure et il n'est pas établi qu'elle aurait conservé des liens particulièrement intenses avec ses parents. L'enfant mineure du couple est certes scolarisée en France et dispose d'un suivi pédiatrique au sein du centre hospitalier de Troyes en raison de son diabète, mais les requérants ne justifient pas pour autant d'un quelconque obstacle à ce que cet enfant poursuive sa scolarité en Arménie ni d'une impossibilité de bénéficier d'un suivi adapté dans ce pays, de sorte que la cellule familiale pourrait y être reconstituée. Dans ces conditions, en dépit de la production par M. C... d'une promesse d'embauche en qualité d'aide maçon, M. C... et Mme B..., qui n'allèguent pas être dépourvus d'attaches familiales dans leur pays d'origine, où ils ont vécu respectivement jusqu'à l'âge de 31 et 28 ans, ne sont pas fondés à soutenir que les décisions par lesquelles le préfet de l'Aube a refusé de leur délivrer un titre de séjour ont porté à leur droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elles ont été prises. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet en refusant de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation doivent être écartés.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

8. Compte tenu des circonstances de fait rappelées au point 6, le préfet n'a pas entaché ses décisions d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer à M. C... et Mme B... un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions.

9. En quatrième lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

10. Ainsi qu'il a été indiqué au point 6, si les requérants se prévalent de la scolarisation de leur fille mineure en France et de sa prise en charge par le service pédiatrie du centre hospitalier de Troyes, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que la cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer en Arménie et que l'enfant ne pourrait pas y poursuivre une scolarité et des soins appropriés. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. C... et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions portant obligation de quitter le territoire français sont illégales en raison de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour.

12. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences des décisions litigieuses sur leurs situations doivent être écartés.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. C... et de Mme B... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C..., à Mme D... B..., à Me Gaffuri et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- Mme Brodier, première conseillère,

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2023.

Le rapporteur,

Signé : S. A... La présidente,

Signé : A. Samson-Dye

La greffière

Signé : V. Chevrier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

V. Chevrier

2

Nos 22NC01549, 22NC01550


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01549
Date de la décision : 09/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: M. Swann MARCHAL
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : GAFFURI

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-02-09;22nc01549 ?
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