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09/02/2023 | FRANCE | N°21NC00946

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 09 février 2023, 21NC00946


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 18 décembre 2020 par lequel le préfet de l'Aube lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement.

Par un jugement n° 2100111 du 25 février 2021, le tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne l'a admis à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridicti

onnelle et a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 mars...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 18 décembre 2020 par lequel le préfet de l'Aube lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement.

Par un jugement n° 2100111 du 25 février 2021, le tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne l'a admis à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle et a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 mars 2021, M. A..., représenté par Me Gaffuri, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 25 février 2021, en tant qu'il rejette sa demande ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aube du 18 décembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui délivrer une carte de séjour temporaire, ou à défaut de réexaminer sa situation, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la décision de refus de séjour :

- cette décision est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle n'a pas fait l'objet d'un examen particulier et approfondi ;

- elle est entachée d'une erreur de fait s'agissant de sa minorité et d'erreurs de droit et d'appréciation au regard de l'article L. 313-15 et du 2° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il justifie de son état civil ; le préfet ne s'est pas prononcé sur les documents d'état civil produits postérieurement au rapport de la police aux frontières et il n'a pas saisi les autorités guinéennes pour vérification des documents en cause ;

- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnait l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est dépourvue de motivation ;

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire, enregistré le 17 août 2022, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 5 juillet 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen, est entré en France, selon ses déclarations, le 26 novembre 2018. S'étant déclaré mineur, il a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Aube, puis a sollicité un titre de séjour en se prévalant de la situation de mineur non accompagné. Il relève appel du jugement du 25 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, après l'avoir admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du préfet de l'Aube du 18 décembre 2020 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination.

Sur la légalité de l'arrêté litigieux :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...) ". L'article L. 111-6 du même code dispose que : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". L'article 47 du code civil précise que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

4. Enfin, à la date de la décision contestée, la formalité de la légalisation des actes de l'état civil établis par une autorité étrangère et destinés à être produits en France demeurait, selon la coutume internationale et sauf convention internationale contraire, obligatoire pour y recevoir effet. Cette formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu, est obligatoire notamment pour les Etats qui, comme la Guinée, ne sont pas signataires de la convention de La Haye du 5 octobre 1961 supprimant l'exigence de la légalisation des actes publics étrangers ou d'autres accords internationaux. Elle peut être effectuée, en France, par le consul du pays où l'acte a été établi ou par le consul de France dans le pays d'origine de l'étranger.

5. Lorsqu'est produit devant l'administration un acte d'état civil émanant d'une autorité étrangère qui a fait l'objet d'une légalisation, sont en principe attestées la véracité de la signature apposée sur cet acte, la qualité de celui qui l'a dressé et l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. En cas de doute sur la véracité de la signature, sur l'identité du timbre ou sur la qualité du signataire de la légalisation, il appartient à l'autorité administrative de procéder, sous le contrôle du juge, à toutes vérifications utiles pour s'assurer de la réalité et de l'authenticité de la légalisation.

6. En outre, la légalisation se bornant à attester de la régularité formelle d'un acte, la force probante de celui-ci peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. Par suite, en cas de contestation de la valeur probante d'un acte d'état civil légalisé établi à l'étranger, il revient au juge administratif de former sa conviction en se fondant sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.

7. A la condition que l'acte d'état civil étranger soumis à l'obligation de légalisation et produit à titre de preuve devant l'autorité administrative ou devant le juge présente des garanties suffisantes d'authenticité, l'absence ou l'irrégularité de sa légalisation ne fait pas obstacle à ce que puissent être prises en considération les énonciations qu'il contient. En particulier, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient à l'autorité administrative d'y répondre, sous le contrôle du juge, au vu de tous les éléments disponibles, dont les évaluations des services départementaux et les mesures d'assistance éducative prononcées, le cas échéant, par le juge judiciaire, sans exclure, au motif qu'ils ne seraient pas légalisés dans les formes requises, les actes d'état civil étrangers justifiant de l'identité et de l'âge du demandeur.

8. Le préfet de l'Aube a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. A... au motif qu'il ne justifiait pas de manière certaine de son état civil, de sorte qu'il n'établissait pas remplir les conditions d'âge permettant de prétendre au bénéfice des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. A l'appui de sa demande de titre de séjour, M. A... a présenté un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance du tribunal de première instance de Conakry III du 12 juillet 2018 et une transcription de ce jugement datée du 23 juillet 2018, qui comportaient des incohérences s'agissant du prénom du père, ainsi que l'avait relevé le rapport de la police de l'air et des frontières du 21 janvier 2019, qui avait également indiqué qu'ils étaient imprimés sur un papier non sécurisé et que le jugement utilisait plusieurs polices de caractère et des tailles variables. M. A... a également produit un jugement de cette même juridiction du 13 mars 2019 et l'extrait du registre de transcription correspondant, daté du 18 avril 2019, puis un nouveau jugement de ce tribunal du 8 janvier 2021, l'extrait du registre de transcription du 25 janvier 2021 et une copie intégrale d'acte de naissance du 27 janvier 2021. Les documents de 2019 et 2021 sont revêtus d'une légalisation réalisée par un agent du ministre des affaires étrangères guinéennes. La circonstance que plusieurs jugements supplétifs aient été rendus successivement et la présentation typographique de ces jugements, tout comme le fait qu'ils n'ont pas été imprimés sur un papier sécurisé, ne suffisent pas à établir, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les documents produits présenteraient des anomalies flagrantes, que les mentions relatives à l'identité de M. A... et notamment à sa date de naissance sont irrégulières, falsifiées ou inexactes. L'absence de légalisation de ces documents par les autorités françaises ne faisait pas obstacle, dès lors que ceux-ci présentaient des garanties suffisantes d'authenticité, à ce que les énonciations qu'ils contiennent puissent être prises en considération. Dans ces conditions, le préfet de l'Aube, qui n'a pas renversé la présomption de validité qui s'attache, en vertu notamment de l'article 47 du code civil, aux mentions contenues dans le jugement supplétif du 25 janvier 2021 et sa transcription, ne pouvait refuser à M. A... le titre de séjour sur le fondement de L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif qu'il ne justifiait pas de son état civil.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, par le jugement contesté du 25 février 2021, a rejeté sa demande et à sollicité l'annulation du refus de titre de séjour litigieux, laquelle implique, par voie de conséquence, celle des autres mesures édictées le 18 décembre 2020 par le préfet de l'Aube.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".

11. Le motif d'annulation n'implique pas nécessairement que le préfet du Doubs délivre à M. A... le titre de séjour qu'il a sollicité, mais seulement que cette autorité réexamine sa demande. Il y a lieu de lui enjoindre de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans cette attente, en raison de l'annulation par voie de conséquence de l'obligation de quitter le territoire français, le préfet délivrera sans délai à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour l'autorisant expressément à exercer une activité professionnelle.

Sur les frais liés au litige :

12. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Gaffuri, avocate de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Gaffuri de la somme de 1 500 euros.

D E C I D E :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 2100111 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 25 février 2021 et l'arrêté du préfet de l'Aube du 18 décembre 2020 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Aube de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de délivrer, sans délai, à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour l'autorisant expressément à travailler durant ce réexamen.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Me Gaffuri, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Gaffuri et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- Mme Brodier, première conseillère,

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2023.

La présidente-rapporteure,

Signé : A. C...L'assesseure la plus ancienne dans l'ordre du tableau,

Signé : H. Brodier

La greffière,

Signé : V. Chevrier La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière :

V. Chevrier

2

N° 21NC00946


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00946
Date de la décision : 09/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : GAFFURI

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-02-09;21nc00946 ?
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