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02/02/2023 | FRANCE | N°20NC01036

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 02 février 2023, 20NC01036


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 5 mai 2020, sous le n° 20NC01036, et un mémoire, enregistré le 14 février 2022, la société Cora, représentée par Me Le Fouler, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté n° PC 051 172 19 J0024 du 5 mars 2020, par lequel le maire de la commune de Cormontreuil a accordé à la SCI du Mac et du Mont Saint-Pierre un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de la création d'un ensemble commercial de 4 096,50 m² de surface de vente et 8 369 m² de surface de plancher sur un ter

rain situé 1 boulevard Alsace-Lorraine à Cormontreuil ;

2°) de mettre à la char...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 5 mai 2020, sous le n° 20NC01036, et un mémoire, enregistré le 14 février 2022, la société Cora, représentée par Me Le Fouler, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté n° PC 051 172 19 J0024 du 5 mars 2020, par lequel le maire de la commune de Cormontreuil a accordé à la SCI du Mac et du Mont Saint-Pierre un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de la création d'un ensemble commercial de 4 096,50 m² de surface de vente et 8 369 m² de surface de plancher sur un terrain situé 1 boulevard Alsace-Lorraine à Cormontreuil ;

2°) de mettre à la charge de la SCI du Mac et du Mont Saint-Pierre une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle justifie d'un intérêt à agir en sa qualité de concurrente exerçant son activité dans la zone de chalandise du projet autorisé ; son recours a été introduit dans le délai légalement imparti ; sa requête est dès lors recevable ;

- l'arrêté attaqué vise par erreur une demande de permis de construire pour une maison individuelle et/ou ses annexes, en méconnaissance de l'article A. 424-2 du code de l'urbanisme ;

- il n'est pas établi que les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial aient été convoqués à la séance de cette commission conformément aux exigences de l'article R. 752-35 du code de commerce ;

- la société pétitionnaire ne justifie pas de la maîtrise foncière de l'ensemble des terrains d'assiette du projet ;

- la demande de la pétitionnaire aurait dû être déclarée irrecevable par la Commission nationale d'aménagement commercial dès lors qu'une précédente autorisation d'exploitation commerciale avait déjà été obtenue par la société pétitionnaire sur le terrain d'assiette du projet, et était toujours en cours de validité ;

- la Commission nationale d'aménagement commercial a porté une appréciation erronée sur l'impact du projet de la société pétitionnaire au regard des objectifs visés par l'article L. 752-6 du code du commerce, s'agissant de la localisation du projet et de son intégration urbaine, de la revitalisation du tissu commercial de centre-ville, de l'animation de la vie urbaine, de la compacité du projet, de la réserve de capacité des voiries desservant le projet, de la desserte du projet par les modes de déplacement doux, de la qualité paysagère du projet, de sa qualité environnementale, des nuisances générées par le projet sur son environnement proche, de l'accessibilité du site et de la revitalisation du tissu commercial par la modernisation des équipements commerciaux existants.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 28 juillet 2020 et 23 décembre 2021, la SCI du Mac et du Mont Saint-Pierre, représentée par Me Courrech, conclut au rejet de la requête ;

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Goujon-Fischer, président,

- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,

- et les observations de Me Danze, pour la société Cora et celles de Me Courrech, pour la SCI du Mac et du Mont-Saint-Pierre.

Considérant ce qui suit :

1. Le 2 août 2019, la SCI du Mac et du Mont-Saint-Pierre a sollicité du maire de Cormontreuil la délivrance d'un permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale en vue de la création, boulevard d'Alsace-Lorraine à Cormontreuil, d'un ensemble commercial comprenant un supermarché à l'enseigne " LIDL " ainsi qu'un ensemble de dix cellules commerciales, d'une surface de vente respective de 1 840 et 2 256,50 m². Le 8 octobre 2019, la commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) de la Marne a émis un avis défavorable à ce projet. Sur le recours de la SCI du Mac et du Mont-Saint-Pierre, la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a au contraire émis, le 6 février 2020, un avis favorable, lequel s'est substitué à l'avis de la commission départementale. Par un arrêté du 5 mars 2020, le maire de Cormontreuil a délivré le permis de construire sollicité. La société Cora, qui exploite à Cormontreuil un supermarché à l'enseigne homonyme, demande à la cour l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 5 mars 2020 :

En ce qui concerne la régularité en la forme de cet arrêté :

2. Aux termes de l'article A. 424-1 du code de l'urbanisme : " La décision expresse prise sur une demande de permis de construire, d'aménager ou de démolir ou sur une déclaration préalable prend la forme d'un arrêté (...) ". Aux termes de l'article A. 424-2 du même code : " L'arrêté prévu au premier alinéa de l'article A. 424-1 : / (...) / b) Vise la demande de permis ou la déclaration et en rappelle les principales caractéristiques : nom et adresse du demandeur, objet de la demande, numéro d'enregistrement, lieu des travaux (...) ".

3. Si l'arrêté du maire de Cormontreuil du 5 mars 2020, portant délivrance d'un permis de construire à la SCI du Mac et du Mont Saint-Pierre, vise par erreur une demande de permis de construire une maison individuelle et/ou ses annexes, présentée le 2 août 2019 par cette société, il précise ensuite que cette demande a pour objet la construction d'un bâtiment abritant 14 cellules commerciales et des services, d'une cellule de stockage sur la partie arrière et de 10 cellules commerciales pour une surface de vente de 4 096,50 m², sur un terrain situé 1 boulevard d'Alsace-Lorraine à Cormontreuil. Dans ces conditions, l'erreur de plume affectant le seul visa de la demande de la SCI du Mac et du Mont Saint-Pierre est sans incidence sur la conformité de l'arrêté attaqué aux dispositions du b) de l'article A. 424-1 du code de l'urbanisme. Au demeurant, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions, qui concerne la régularité du permis de construire en tant qu'il vaut autorisation d'urbanisme, est irrecevable en application de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme, dès lors qu'il est présenté par une personne mentionnée à l'article L. 752-17 du code de commerce, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation du permis de construire qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale.

En ce qui concerne la régularité de la procédure suivie devant le CNAC :

4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 752-4 du code de commerce : " La demande d'autorisation d'exploitation commerciale est présentée : / (...) par le ou les propriétaires du ou des terrains ou immeubles, par toute personne justifiant d'un titre du ou des propriétaires l'habilitant à exécuter les travaux ou par le mandataire d'une de ces personnes (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que le projet de la SCI du Mac et du Mont-Saint-Pierre de création d'un ensemble commercial concerne un terrain situé 1 boulevard d'Alsace-Lorraine à Cormontreuil et s'étend notamment sur les parcelles cadastrées AM 484, 487, 533, qui étaient propriétés de la commune de Cormontreuil à la date du dépôt, par la SCI, de la demande de permis de construire et d'autorisation d'exploitation commerciale. En réponse à l'offre d'acquisition formulée par cette dernière le 22 juillet 2019, le conseil municipal de Cormontreuil a, par une délibération du 3 octobre 2019, autorisé la cession des trois parcelles en cause à la société D2M Immobilier, titulaire d'un contrat de maîtrise d'ouvrage que lui avait confié la SCI du Mac et du Mont-Saint-Pierre. Il ressort toutefois du courrier adressé par le maire de Cormontreuil à la SCI du Mac et du Mont-Saint-Pierre le 10 juillet 2020 que la mention, comme futur acquéreur desdites parcelles, de la société D2M Immobilier résulte d'une confusion liée aux liens étroits entretenus par les deux sociétés et que la commune entendait céder ces parcelles à la SCI du Mac et du Mont-Saint-Pierre et était disposée, à cet effet, à régulariser toute promesse de vente nécessaire au profit de la SCI. Au demeurant, c'est à celle-ci que, par un acte notarié du 12 avril 2021, la commune de Cormontreuil a cédé les trois parcelles en cause. Dans ces conditions, et quand bien même la commune n'avait pas donné d'accord formel au dépôt de la demande d'autorisation d'exploitation commerciale par la SCI du Mac et du Mont-Saint-Pierre, la CNAC a pu, à bon droit, estimer que celle-ci justifiait d'un titre au sens des dispositions, citées précédemment, de l'article R. 752-4 du code de commerce.

6. En deuxième lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 752-34 du code de commerce : " Quinze jours au moins avant la réunion de la commission nationale, les parties sont convoquées à la réunion (...) ". Aux termes de l'article R. 752-35 du même code : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. / Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale. ".

7. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'attestation de convocation issue du dossier de la CNAC, que les membres de cette commission ont été destinataires simultanément le 20 janvier 2020, par l'application www.e-convocations.com, d'une convocation en vue de la séance de la commission du 6 février 2020, au cours de laquelle celle-ci a examiné le projet de la SCI du Mac et du Mont Saint-Pierre, soit dans le délai prévu par l'article R. 752-34 du code de commerce. Cette convocation était assortie de l'ordre du jour de cette séance et précisait que les documents visés à l'article R. 752-35 du code de commerce seraient disponibles, au moins cinq jours avant la tenue de la séance, sur la plateforme de téléchargement. Il n'est ni établi, ni même allégué que les membres de la CNAC n'auraient pas été mis en mesure d'accéder par ces moyens aux documents en cause, dans le délai de cinq jours prévu par ce même article.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 752-20 du code de commerce : " (...) Pour les projets ne nécessitant pas un permis de construire, l'autorisation d'exploitation commerciale est périmée dans un délai de trois ans à compter de la notification prévue à l'article R. 752-19 ou, le cas échéant, à l'article R. 752-39 : / (...) Pour les surfaces de vente qui n'ont pas été ouvertes au public ; / En cas de recours devant la juridiction administrative contre l'autorisation d'exploitation commerciale, le délai de trois ans est suspendu jusqu'au prononcé d'une décision juridictionnelle définitive ".

9. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 26 mai 2016, la CDAF de la Marne a délivré à la SCI du Mac et du Mont Saint-Pierre une autorisation d'exploitation commerciale pour la création d'un ensemble commercial, sur le même terrain d'assiette que celui sur lequel doit être réalisé le projet autorisé par l'arrêté du maire de Cormontreuil du 5 mars 2020. Toutefois, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la création de cet ensemble commercial, prévu alors dans des locaux existants, aurait nécessité un permis de construire, l'autorisation en cause n'a donné lieu à aucune ouverture de surfaces de vente au public dans les trois ans qui ont suivi la notification de la décision de la CDAF, réputée intervenue dans le délai de dix jours suivant la réunion de cette commission, en application de l'article R. 752-19 du code de commerce. Ainsi, l'autorisation délivrée était périmée à la date du 5 mars 2020, à laquelle le maire de Cormontreuil a délivré à la SCI du Mac et du Mont-Saint-Pierre, pour la mise en œuvre de son nouveau projet, un permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale, comme, d'ailleurs à la date du 6 février 2020, à laquelle la CNAC s'était préalablement prononcée sur ce nouveau projet. Ainsi, et à supposer même que les dispositions de l'article R. 752-20 du code de commerce fassent obstacle à la coexistence de deux autorisations d'exploitation commerciale délivrées au même pétitionnaire pour le même terrain d'assiette, le moyen tiré de ce que la nouvelle demande de la SCI du Mac et du Mont Saint-Pierre aurait été irrecevable en raison de l'existence d'une précédente autorisation d'exploitation commerciale en cours de validité doit être écarté comme manquant en fait.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'avis de la CNAC du 6 février 2020 :

10. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " (...) La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; / f) Les coûts indirects supportés par la collectivité en matière notamment d'infrastructures et de transports ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. / Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; / 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs (...) ". L'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par ces dispositions.

S'agissant de l'objectif d'aménagement du territoire :

11. Il ressort des pièces du dossier que la SCI du Mac et du Mont-Saint-Pierre, qui exploitait jusqu'alors un magasin de 800 m² de surface de vente, rue des Laps à Cormontreuil, a prévu la démolition et la restructuration de ce magasin et la création d'un ensemble commercial composé d'un supermarché à l'enseigne " LIDL " et d'un ensemble de neuf cellules commerciales, d'une surface de vente respective de 1 840 et 2 256,50 m², à l'angle du boulevard d'Alsace-Lorraine et de la rue Aristide Briand, sur un site précédemment occupé par une concession automobile dont les activités avaient cessé en décembre 2015, dans un secteur à dominante commerciale situé à 1 kilomètre du centre-ville de Cormontreuil et à 6 kilomètres du centre-ville de Reims.

12. En premier lieu, il apparaît qu'en prévoyant la création d'un nouvel ensemble commercial sur le site d'une ancienne concession automobile, inoccupé depuis la fin de l'année 2015, qui a depuis lors subi une occupation irrégulière, des actes de vandalisme et d'importantes dégradations, la société pétitionnaire permet la résorption d'une friche commerciale, tout en renforçant l'offre commerciale à faible distance du centre-ville de Cormontreuil et de zones d'habitat, notamment de zones prioritaires de la politique de la ville. Contrairement à ce que soutient la société requérante, il n'est pas établi que la valorisation de cette friche devrait se faire au prix de la création d'une nouvelle friche commerciale sur le site de l'ancien magasin exploité par la SCI du Mac et du Mont-Saint-Pierre, qui s'est engagé à la restructuration de ce site et a d'ores et déjà présenté devant la CNAC les courriers d'intention de deux restaurateurs en vue de la reprise du bâtiment de son ancien magasin.

13. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet de la SCI du Mac et du Mont-Saint-Pierre doit s'insérer dans l'enveloppe foncière de 1'ancienne concession automobile, déjà imperméabilisée. Le bâtiment doit être construit sur deux niveaux, pour une surface de plancher de 7 676 m² représentant 50,45 % de l'emprise foncière, tandis que l'aire de stationnement doit être mutualisée pour l'ensemble des cellules commerciales et que la voirie en sortie du site doit l'être avec l'enseigne " Décathlon ". Dans ces conditions, et en se bornant à faire état du risque d'abandon du magasin jusqu'alors exploité par la société pétitionnaire, la société Cora n'établit pas que le projet soumis à la CNAC souffrirait d'une insuffisante compacité.

14. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que la société pétitionnaire prévoit l'accueil de dix cellules commerciales, dont trois du secteur alimentaires, cinq du secteur non-alimentaires, les deux dernières relevant des deux secteurs. Alors qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait à la société pétitionnaire de mentionner les enseignes des magasins susceptibles d'occuper ces cellules et que l'absence de précision en la matière ne faisait pas obstacle à ce que les commissions d'aménagement commercial porte leur appréciation sur les impacts du projet, il ne ressort pas des pièces du dossier que la création du nouvel ensemble commercial et de ses 10 cellules commerciales soit de nature à entraîner, par une concurrence avec les commerces existants, un déséquilibre de l'offre commerciale préjudiciable à l'animation de la vie urbaine, alors qu'il ressort des pièces du dossier que le taux de vacance commercial constaté sur le territoire de la commune est très modéré et que les commerces existants sont principalement de petits commerces indépendants de proximité, dont l'offre n'apparaît pas gravement menacée par l'installation de nouveaux commerces du secteur alimentaire et non alimentaire, notamment au regard des premières lettres d'intention reçues par la SCI du Mac et du Mont-Saint-Pierre, émanant de commerces souhaitant s'installer et dédiés aux cuisines, à la literie, à l'optique, à la coiffure et à la beauté. Ainsi, le projet, qui doit par ailleurs créer 75 emplois, n'est pas de nature à menacer l'animation de la vie urbaine.

15. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que le site du futur ensemble commercial doit être accessible à titre principal par une entrée/sortie depuis le rond-point de la Place de l'Égalité, auquel s'ajoutent une sortie sur le boulevard d'Alsace-Lorraine dans le sens Sud-Nord et un troisième accès entrant depuis le boulevard d'Alsace-Lorraine, donnant sur une voirie interne longeant la façade Nord du bâtiment et desservant l'espace de stationnement à l'arrière. Selon l'étude de trafic réalisée à la demande de la société pétitionnaire en juillet 2019, le projet doit entraîner une hausse de 15 % de la circulation de véhicules et les hausses projetées sur les charges globales au niveau des carrefours giratoires de la place de l'égalité du Laps sont de 3 %. Elle conclut au fait que les impacts du projet sont cohérents avec le maintien des niveaux de fonctionnement actuel, sans que les flux supplémentaires engendrés par le projet n'entraînent de saturation sur le réseau viaire. Si la société requérante insiste sur le fait, reconnu par cette étude, que la branche Alsace-Lorraine d'entrée Ouest sur le premier de ces carrefours giratoires pourrait être réduite à 5 %, donc ponctuellement contraint, l'étude souligne que les autres axes ont une capacité résiduelle confortable. Au regard de l'ensemble de ces circonstances, dont la réalité n'est pas sérieusement contredite, il n'apparaît pas que le projet en cause est de nature à comporter des effets négatifs sur les flux de circulation, de nature à justifier un refus d'autorisation d'exploitation commercial.

16. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que le site sur lequel doit prendre place l'ensemble commercial envisagé par la SCI du Mac et du Mont-Saint-Pierre est desservi à 30 mètres de cet ensemble par un arrêt de bus du réseau d'agglomération Citura, où passent deux lignes de ce réseau, avec une desserte assurée toutes les 10 minutes environ, du lundi au vendredi, et toutes les 12 minutes environ, le samedi, aux heures d'ouverture de l'ensemble commercial. En outre, toutes les voies d'accès depuis les quartiers d'habitat sont équipées de cheminements protégés pour les piétons. Le dossier de la pétitionnaire prévoit la connexion piétonne à l'espace public par l'aménagement d'une contre-allée depuis la rue Aristide Briand et la création d'un cheminement spécifique depuis le boulevard d'Alsace-Lorraine, la délimitation et la sécurisation d'une zone piétons de 2,50 mètres de large sur toute la périphérie du bâtiment, la création d'une aire de stationnement pour vélos et la réalisation d'un marquage au sol sera à chaque traversée de voie circulable pour prioriser les piétons par rapport aux automobilistes. Si, dans son avis, le ministre chargé du tourisme relève que les flux de circulation générés par le projet présentent un risque accidentogène pour les piétons qui risqueraient de traverser le giratoire sans passage dédié pour accéder au site du projet depuis la zone commerciale d'en face, cette seule réserve, à laquelle il pourrait être porté remède en concertation avec la commune de Cormontreuil, ne suffit pas, au regard des éléments précédemment évoqués, à établir l'existence d'un impact négatif du projet sur accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone.

S'agissant de l'objectif de développement durable :

17. Il ressort des pièces du dossier que le projet de création d'un ensemble commercial prévoit la création d'une toiture végétalisée couvrant 3 313 m², une isolation du bâtiment dont les performances excèdent les exigences de la réglementation thermique 2012 ainsi que le recours à des équipements économes en énergie, aux énergies renouvelables et à des matériaux ou procédés écoresponsables. Trente-huit places perméables sont par ailleurs prévues sur le parking extérieur. Le site doit comporter 2 933 m² d'espaces verts, soit 19,30 % avec la plantation de quarante arbres à haute tige, d'arbustes et de graminées, situés en limite de propriété et au sein de 1'espace de stationnement. Les seules critiques de l'architecte paysagiste conseil consulté par la société pétitionnaire, portant sur le choix des essences végétales et le traitement des zones de stationnement, pour lesquelles, au demeurant, celle-ci a présenté un nouveau plan de paysagement, ne saurait suffire à établir l'existence d'un risque pour le développement durable. Il en va de même de la gestion des eaux pluviales, qui ne seront pas renvoyées dans le réseau, mais doivent être collectées dans un dispositif d'infiltration enterré et une cuve de récupération sous le parking et l'utilisation d'un débourbeur-séparateur à hydrocarbures destiné à permettre la décantation des matières solides et des eaux chargées par des hydrocarbures, les eaux ainsi traitées étant destinée à l'arrosage des espaces verts.

S'agissant de l'objectif de protection des consommateurs :

18. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a déjà été dit, que le projet de la SCI du Mac et de Mont-Saint-Pierre a pour effet de rapprocher l'offre commerciale de cette société du centre-ville et de zones d'habitat, notamment de zones prioritaires de la politique de la ville. Le parking doit comporter plusieurs emplacements réservés aux personnes à mobilité réduite, aux familles, ainsi qu'au rechargement de véhicules électriques. Il ne ressort d'aucun élément versé au dossier que le projet serait effectivement de nature, comme le prétend la société requérante, à générer des nuisances sonores, visuelles ou olfactives, notamment au regard du lieu et du volume des livraisons ou du traitement des déchets.

19. En second lieu, comme le souligne le rapport présenté à la CNAC, l'accès existant par le principal carrefour giratoire doit être légèrement décalé, en accord avec la commune de Cormontreuil, par la suppression de la sortie existante de manière à permettre une unique entrée sur le site. La sortie directe sur le boulevard doit être supprimée pour éviter les croisements entre les véhicules sortant du site avec ceux remontant le boulevard. Le projet prévoit aussi d'améliorer le confort et de la sécurité des flux piétons et des cyclistes par une sécurisation des parcours et la création de nouveaux cheminements pour les piétons et, la création d'une nouvelle traversée piétonne centrale, tandis que l'accessibilité au projet pour les personnes à mobilité réduite est garantie. Le risque d'accident, pointé par le ministre chargé du tourisme, pour les piétons, qui risqueraient de traverser le carrefour giratoire sans passage dédié pour accéder au site du projet depuis la zone commerciale d'en face, et pour lequel des mesures sont susceptibles d'être prises en collaboration avec les autorités municipales ne suffisent pas à établir l'existence d'un risque pour les consommateurs de nature à justifier un refus d'autorisation d'exploitation commerciale.

20. Il résulte de ce qui a été dit aux points 11 à 19 du présent arrêt que le projet contesté n'est pas de nature à compromettre la réalisation des objectifs énoncés par les dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce.

21. Il résulte de tout ce qui précède que la société Cora n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du maire de Cormontreuil du 5 mars 2020.

Sur les frais liés à l'instance :

22. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

23. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la SCI du Mac et du Mont-Saint-Pierre, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le montant des frais d'instance exposés par la société Cora et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de cette dernière le versement à la SCI du Mac et du Mont-Saint-Pierre d'une somme de 2 000 euros au titre des frais d'instance qu'elle a elle-même exposés.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Cora est rejetée.

Article 2 : La société Cora versera à la SCI du Mac et du Mont Saint-Pierre la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Cora, à la commune de Cormontreuil, à la SCI du Mac et du Mont Saint-Pierre et à la Commission nationale d'aménagement commercial.

Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au préfet de la Marne.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- M. Goujon-Fischer, président-assesseur,

- M. Sibileau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 février 2023.

Le rapporteur,

Signé : J.F. Goujon-FischerLe président,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 20NC01036


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC01036
Date de la décision : 02/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : SCP COURRECH et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-02-02;20nc01036 ?
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