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31/01/2023 | FRANCE | N°20NC03835

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 31 janvier 2023, 20NC03835


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Joinville a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 8 juin 2020 par lequel la préfète de la Haute-Marne a délivré à la société Unitech Services SAS une autorisation environnementale en vue d'exploiter des activités de blanchisserie et de laverie de linge provenant d'industriels du secteur nucléaire, ainsi que de maintenance et d'entreposage de matériels provenant de ces mêmes industriels. Subsidiairement, la commune a demandé au tribunal de presc

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Joinville a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 8 juin 2020 par lequel la préfète de la Haute-Marne a délivré à la société Unitech Services SAS une autorisation environnementale en vue d'exploiter des activités de blanchisserie et de laverie de linge provenant d'industriels du secteur nucléaire, ainsi que de maintenance et d'entreposage de matériels provenant de ces mêmes industriels. Subsidiairement, la commune a demandé au tribunal de prescrire à l'exploitant de réévaluer le montant de la garantie financière à constituer, de restreindre la consommation d'eau ainsi que de limiter les rejets en période d'étiage, de surveiller les valeurs limites d'émissions pendant toute la durée de l'exploitation et d'organiser un contrôle administratif préalable des activités exercées dans le bâtiment annexe de l'exploitation.

Par une ordonnance n° 2002085 du 6 novembre 2020, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 31 décembre 2020, le 25 mars 2022 et le 16 mai 2022, la commune de Joinville, représentée par Me Colomes, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 juin 2020 de la préfète de la Haute-Marne ;

3°) à défaut d'annulation, d'adopter des prescriptions complémentaires afin, premièrement, d'accroitre le montant de la garantie financière, deuxièmement, de restreindre l'activité voire de l'arrêter en période d'étiage, troisièmement, de contraindre l'exploitante à surveiller les valeurs limites d'exposition des rejets liquides pendant toute la durée de l'exploitation, enfin, quatrièmement, d'imposer un contrôle administratif préalable des activités exercées dans le bâtiment annexe ;

4°) de mettre à la charge de la société Unitech Services SAS la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a intérêt à contester l'autorisation litigieuse ;

- l'arrêté attaqué ne mentionne pas que les communes de Joinville et de Vecqueville ont rendu un avis défavorable au projet et il ne mentionne pas non plus l'avis défavorable de l'ingénieur hydrogéologue ; l'absence de mention de ces avis témoignent de leur non prise en compte par la préfète, engendrant ainsi une erreur manifeste d'appréciation ;

- contrairement à ce que retient l'arrêté, l'avis de la commission d'enquête ne saurait être regardé comme favorable compte tenu des réserves et des prescriptions évoquées ; il n'a pas été adopté de réponses adaptées par le pétitionnaire aux réserves formulées, notamment les réserves n°s 3 et 4 ;

- l'autorisation litigieuse a été accordée en méconnaissance des exigences de l'article R. 516-2 du code de l'environnement, dès lors que la société pétitionnaire ne justifie pas avoir produit un engagement écrit d'une tierce personne et que l'arrêté ne porte pas énumération des opérations devant être couvertes par la garantie financière ;

- la procédure réglementaire pour déterminer le montant de la garantie financière n'a été suivie dès lors que, contrairement aux exigences de l'article 3 de l'arrêté du 31 mai 2012, l'exploitante n'a fait aucune proposition quant au montant à retenir ;

- le montant de la garantie retenu est insuffisant ;

- le lieu d'implantation est dépourvu de toute justification environnementale et méconnaît les principes de précaution et d'action préventive ;

- le résumé non-technique retient que les limites réglementaires concernant les débits d'équivalent de dose pour le local L 01 pourraient être dépassées ;

- la réponse favorable émise par le président du syndicat des eaux du 23 novembre 2015 est singulièrement indigente, ne prend pas en compte l'ensemble des contraintes en eau existantes et n'a jamais été produite ;

- le contrôle des rejets d'effluents ne saurait être limité à une durée de trois ans ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article R. 1333-8 du code de la santé publique dès lors qu'il permet une dilution des effluents dans la Marne ; l'article 2.7.3.2. de l'arrêté témoigne de l'absence de principe de dilution ;

- l'arrêté ne prévoit pas de mesures suffisantes pour prévenir la pollution des eaux souterraines, ainsi que pour prévenir les effets d'une remontée de la nappe d'eau souterraine et pour empêcher une sédimentation dangereuse des produits polluants ;

- les valeurs limites d'émissions ne sont pas conformes aux exigences de l'article R. 1333-16 du code de la santé publique et ne permettent pas d'assurer, notamment en période d'étiage, le respect de l'intégrité des eaux de la rivière et la santé de la population ;

- l'arrêté méconnait les dispositions de l'article R. 211-5 du code de l'environnement dès lors qu'il n'impose pas de mesures contraignantes en période d'étiage ; la seule augmentation de la durée de rejet en période d'étiage est sans impact sur le volume des rejets finalement réalisés, alors que la capacité d'absorption de la rivière sera alors diminuée ;

- il n'est pas établi que le rehaussement du bâtiment permette de prévenir le risque de remontée de la nappe phréatique ;

- les raisons pour lesquelles l'hydrogéologue a initialement émis un avis défavorable n'ont jamais été levées ; il n'est de même pas établi que les réserves émis dans le second avis de cet expert aient été levées ; les indications de l'agence régionale de santé et de l'hydrogéologue ne sont pas reprises dans l'arrêté ;

- les études complémentaires préconisées par le laboratoire GEOPS n'ont pas été réalisées ;

- le seul suivi analytique a posteriori des rejets ne peut faire disparaître les graves effets de dispersion des effluents dans la Marne jusqu'au champ captant de la commune de Vecquevillle, mais également au-delà ;

- les risques de présence de produits polluants dans les sédiments de la rivière sont avérés, notamment par le rapport CURIUM, mais aucune mesure n'a été prise pour les prévenir ou les empêcher ;

- l'activité radiologique des effluents aqueux n'est que partiellement traitée ;

- la préfète était tenue de refuser l'autorisation en raison de l'avis défavorable de l'ingénieur hydrogéologue, mais aussi car les rejets d'effluents liquides du projet sont contraires aux exigences de l'article 5 de la charte de l'environnement et de l'article L. 110-1 du code de l'environnement ;

- l'étude d'impact ne détermine pas suffisamment précisément le volume des polluants chimiques rejeté dans l'atmosphère et est également imprécise sur les émissions de radionucléides ;

- les prescriptions de l'arrêté ne sont pas suffisantes au vu de l'importance des rejets d'effluents atmosphérique ;

- les activités décrites dans le bâtiment annexe auraient dû faire l'objet d'une procédure distincte d'autorisation ;

- l'importance et la nature des opérations menées dans le bâtiment annexe imposaient la réalisation d'analyses et d'études des émissions polluantes ;

- l'arrêté ne prévoit aucun contrôle sur l'activité des opérateurs extérieurs intervenant dans le bâtiment annexe ;

- le non-respect des principes de précaution et d'action préventive inscrits à l'article 5 de la charte de l'environnement et à l'article L. 110-1 du code de l'environnement imposaient de rejeter la demande d'autorisation sollicitée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- la commune de Joinville n'a pas intérêt à agir ;

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 avril 2022, la société Unitech Services SAS, représentée par Me Maitre, conclut au rejet de la requête ou, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit sursis à statuer pour permettre la régularisation de l'autorisation environnementale accordée et, en tout état de cause, à la mise à la charge de la commune de Joinville de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la commune de Joinville n'a pas intérêt à agir ;

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. B...,

- et les observations de Me Maître, représentant la société Unitech Services SAS.

1. La société Unitech Services SAS a sollicité, le 18 janvier 2018, la délivrance d'une autorisation environnementale pour exploiter une blanchisserie industrielle dédiée au secteur nucléaire sur le territoire de la commune de Suzannecourt. La préfète de la Haute-Marne a, par un arrêté du 8 juin 2020, délivré l'autorisation sollicitée. La commune de Joinville fait appel de l'ordonnance du 6 novembre 2020 par laquelle le président du tribunal administratif

de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. L'arrêté litigieux autorise la société Unitech Services SAS à exploiter une activité de blanchisserie industrielle dédiée au secteur nucléaire sur le territoire de la commune de Suzannecourt et lui permet ainsi de recevoir et de laver des linges, matériels et outillages pouvant présenter une activité radiologique. Cette exploitation implique le rejet de polluants chimiques et de radionucléides soit par la voie d'effluents atmosphériques, soit par des effluents liquides, qui, après différentes procédures de traitement et de contrôle, seront déversés dans la Marne. Or, il résulte de l'instruction et notamment de l'étude d'impact de la pétitionnaire et des différentes expertises versées au dossier que les effluents atmosphériques de la blanchisserie engendreront des dépôts, ainsi qu'une activité renforcée de certains polluants, notamment du cobalt et du plutonium, sur le territoire de la commune de Joinville, dont les premières habitations sont situées à moins de 500 mètres de l'exploitation litigieuse. Il résulte également de l'instruction que la nappe phréatique alluviale, dans laquelle la commune de Joinville puise l'eau potable et qu'elle distribue ensuite à ses habitants, est vulnérable et sera, du fait tant des dépôts atmosphériques que des rejets liquides de l'installation litigieuse dans la Marne, affectée par différents polluants chimiques et par des radionucléides. Dans ces conditions, la commune de Joinville justifie de l'incidence du projet sur sa propre situation et sur les intérêts dont elle a la charge. Elle a par suite un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation de l'arrêté litigieux. Par suite, elle est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande en raison de son absence d'intérêt pour agir. L'ordonnance du 6 novembre 2020 du président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne doit donc être annulée.

3. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne pour qu'il statue à nouveau sur la demande de la commune de Joinville.

Sur les frais d'instance :

4. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Joinville, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme sollicitée par la société Unitech Services SAS au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Joinville sur le fondement de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance du 6 novembre 2020 du président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif

de Châlons-en-Champagne.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Joinville et par la société Unitech Services SAS au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Joinville, à la commune de Suzannecourt, à la société Unitech Services SAS et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée à la préfète de la Haute-Marne.

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Haudier, présidente-assesseure,

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2023.

Le rapporteur,

Signé : S. A...Le président,

Signé : Ch. WURTZ

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

2

N° 20NC03835


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03835
Date de la décision : 31/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-02-02-005-02-01 Nature et environnement. - Installations classées pour la protection de l'environnement. - Régime juridique. - Actes affectant le régime juridique des installations. - Première mise en service.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Swann MARCHAL
Rapporteur public ?: M. BARTEAUX
Avocat(s) : SCP COLOMES - MATHIEU - ZANCHI

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-01-31;20nc03835 ?
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