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26/01/2023 | FRANCE | N°22NC00962

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 26 janvier 2023, 22NC00962


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire, a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office et l'a interdit de retour sur le territoire pendant un an.

Par un jugement n° 2103367 du 3 décembre 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a annulé l'interdiction de retour sur le territoir

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire, a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office et l'a interdit de retour sur le territoire pendant un an.

Par un jugement n° 2103367 du 3 décembre 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a annulé l'interdiction de retour sur le territoire et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais d'instance et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 avril 2022, Mme A..., représentée par Me Goldberg, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 3 de ce jugement ;

2°) d'annuler l'obligation de quitter sans délai le territoire et la décision fixant le pays de destination ;

3°) d'enjoindre à l'autorité administrative compétente de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt et sous couvert d'une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à son avocat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire : est insuffisamment motivée ; méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ; repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation ;

- la décision de refus de délai de départ volontaire : est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ; fait une inexacte application de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce que son hébergement par M. D... n'a pas été pris en compte.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 11 février 2022.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la constitution ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le décret n° 2020-1370 du 10 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience publique.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... A..., ressortissante congolaise, née en 1992, a déclaré être entrée en France le 17 janvier 2018, afin de rejoindre son conjoint, titulaire d'un titre de séjour valable jusqu'en 2022. A la suite d'une plainte déposée contre elle pour vol et violences conjugales, Mme A... a été interpellée par les services de police et placée en garde à vue. Constatant qu'elle ne disposait d'aucun document lui permettant de séjourner ou de circuler sur le territoire français, la préfète du Bas-Rhin a pris, le 16 novembre 2021, un arrêté par lequel elle l'oblige à quitter sans le délai le territoire français, fixe son pays de destination et lui fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Mme A... relève appel du jugement du 3 décembre 2021 en tant que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire sans délai à destination du pays dont elle a la nationalité.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire :

2. L'arrêté attaqué comporte de manière suffisante et non stéréotypée l'indication des considérations de droit et de fait sur lesquelles l'autorité préfectorale s'est fondée afin d'obliger Mme A... à quitter le territoire. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation sera écarté.

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., veuve et sans charges de famille, se trouve sur le territoire français depuis quatre années à la date de la décision attaquée, sans ressources ni domicile fixe et sans pouvoir justifier d'aucune intégration, notamment professionnelle. Si ses oncles et tantes résident sur le territoire français, elle ne justifie d'aucune relation avec eux. Il ressort enfin des pièces du dossier que l'intéressée a rompu sa relation avec son ancien concubin dans un contexte de violences conjugales réciproques. Si elle soutient avoir été victime de violences de la part de cet ancien concubin, il ne ressort pas des pièces du dossier que la plainte qu'elle a déposée au cours de l'année 2021 ait eu une quelconque suite judiciaire. Dans ces conditions, l'obligation de quitter sans délai le territoire prise à son encontre ne viole pas les stipulations ci-dessus reproduites de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales et ne paraît pas reposer sur une appréciation manifestement erronée de sa situation.

Sur le refus de délai de départ volontaire :

5. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à invoquer par la voie de l'exception l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire à l'appui de ses conclusions visant la décision lui refusant un délai de départ volontaire.

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... résidait dans des structures d'hébergement d'urgence à la date de la décision attaquée. L'attestation dépourvue de toute valeur probante qu'elle produit, par laquelle le déclarant se borne à attester qu'il peut héberger l'intéressée à titre gratuit, n'est pas de nature à établir une résidence stable en France. Par suite, c'est en faisant une exacte application du troisième alinéa de l'article L. 612-2 et de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et droit d'asile que l'autorité préfectorale a estimé qu'il existe un risque que Mme A... se soustraie à la mesure d'éloignement puisqu'elle est entrée et se maintient irrégulièrement et ne justifie pas d'un hébergement effectif et permanent et ne présente aucune garantie de représentation.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie du présent arrêt sera transmise au préfet du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 5 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2023.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 22NC00962 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC00962
Date de la décision : 26/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : GOLDBERG

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-01-26;22nc00962 ?
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