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26/01/2023 | FRANCE | N°20NC02871

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 26 janvier 2023, 20NC02871


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis, d'une part, au titre des années 2013, 2014 et 2015 et, d'autre part, au titre de l'année 2016 ainsi que des pénalités qui leur ont été imposées cette même année.

Par un jugement n° 1804498, 1805476, du 15 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demand

es.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 2 octobre 2020 so...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis, d'une part, au titre des années 2013, 2014 et 2015 et, d'autre part, au titre de l'année 2016 ainsi que des pénalités qui leur ont été imposées cette même année.

Par un jugement n° 1804498, 1805476, du 15 juillet 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 2 octobre 2020 sous le n° 20NC02872, et des mémoires, enregistrés les 25 mai 2021, 23 septembre 2021, 14 et 15 février 2022, M. et Mme A..., représentés par Me Ackermann de la société KPMG Avocats, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler ce jugement du 15 juillet 2020 ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée des impositions relatives aux années 2013 à 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'administration ne pouvait pas exercer son droit de reprise sur les charges foncières déduites au titre de l'année 2013, cette année étant prescrite ;

- la procédure est irrégulière, dès lors que la société Marijo a été privée de la garantie liée à la saisine de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, qu'elle avait pourtant sollicitée ;

- la procédure est irrégulière au regard des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- les travaux de rénovation de l'immeuble auxquelles la SCI Marijo a fait procéder sont des dépenses déductibles au sens de l'article 31 du code général des impôts, dès lors d'une part, qu'elles n'ont ni augmenté la surface habitable ni affecté le gros œuvre, d'autre part que les travaux relatifs à l'escalier ne représentent que 10 % du montant total des travaux réalisés, n'ont pas affecté le gros œuvre et sont détachables de la totalité des autres travaux réalisés, et enfin que ces autres travaux, réalisés dans les surfaces et les volumes préexistants, n'ont pas conduit à une restructuration interne d'ampleur ;

- les travaux de remplacement des installations électriques défectueuses, d'isolation thermique et phonique, d'huisseries et de mise en conformité des sanitaires, nécessités par les anomalies à éliminer dans l'immeuble, sont dissociables des prétendus travaux de construction et sont donc déductibles ;

- les travaux de cloisonnement, de transformation d'un grenier en chambre, d'amélioration ou de modernisation et de remise aux normes et de sécurisation des locaux ne sont pas des travaux de construction ou reconstruction au sens de la doctrine administrative relative aux exonérations temporaires de taxe foncière sur les propriétés bâties.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 avril, 9 août et 29 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée le 2 octobre 2020 sous le numéro 20NC02871, et des mémoires, enregistrés les 25 mai 2021, 23 septembre 2021 et 14 février 2022, M. et Mme A..., représentés par Me Ackermann de la société KPMG Avocats, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler ce jugement du 15 juillet 2020 ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée des impositions relatives à l'année 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils développent les mêmes moyens et font valoir les mêmes arguments que dans leur requête n° 20NC02872.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 avril, 9 août et 29 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique,

- les observations de Me Ackermann, avocat de M. et Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A... sont détenteurs en pleine propriété de 60% des parts de la SCI Marijo, qui a pour activité la location de logements, et usufruitiers des 40 % restant. Les résultats de la SCI sont imposables entre leurs mains en vertu de l'article 8 du code général des impôts. La SCI Marijo a acquis, le 7 septembre 2012, un immeuble sis rue Saint-Georges à Metz, sur lequel elle a fait réaliser des travaux dont les dépenses ont été déduites de ses résultats à hauteur de 102 105 euros en 2013 et de 400 480 euros en 2014. La SCI a fait l'objet d'un contrôle sur place à l'issue duquel, par une proposition de rectification du 7 juin 2017, établie selon la procédure de rectification contradictoire, l'administration fiscale a remis en cause la déductibilité de ces charges. Par une proposition du même jour, M. et Mme A... ont été informés des conséquences financières du rehaussement des résultats de la SCI. Après abandon des pénalités de l'article 1729 du code général des impôts, sur interlocution départementale, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux ont été mises en recouvrement pour des montants de 36 638 euros au titre de l'année 2014 et de 48 238 euros au titre de l'année 2015. Par une proposition de rectification du 22 janvier 2018, ils ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux pour l'année 2016, mises en recouvrement pour un montant de 27 081 euros. Les réclamations préalables formées par les contribuables ont été rejetées par décisions des 24 juillet 2018 et 21 août 2018 respectivement. Par leurs requêtes n° 20NC02872 et 20NC02871, M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 15 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à la décharge de ces cotisations supplémentaires pour les années 2013 à 2015 d'une part, et pour l'année 2016 d'autre part.

Sur la recevabilité des conclusions relatives à l'année 2013 :

2. Ainsi que l'administration en justifie, l'avis d'imposition émis le 30 avril 2018 relatif au recouvrement d'une somme de 4 340 euros fait suite à une proposition de rectification du 20 décembre 2016 par laquelle l'administration a mis à la charge de M. et Mme A... les contributions sociales dues à raison d'une plus-value de cession de valeurs mobilières réalisée le 13 juin 2013 pour un montant de 25 000 euros ainsi que les intérêts de retard correspondants. Contrairement à ce que les requérants semblent prétendre, cet avis d'imposition supplémentaire relatif à l'année 2013 ne concerne pas les redressements en matière d'impôt sur le revenu de leurs revenus fonciers auxquels l'administration a procédé à la suite du rehaussement des résultats de la SCI Marijo. La somme mentionnée dans cet avis n'a pas donné lieu à réclamation préalable et n'est pas en cause dans le présent litige. Par suite, l'absence de rectification de l'imposition de M. et Mme A... au titre de l'impôt sur le revenu dû pour l'année 2013, ainsi que l'établit l'administration en défense, fait obstacle à ce qu'ils puissent demander la décharge de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu pour cette même année.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne la garantie de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales :

3. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent.

4. Il ressort de la proposition de rectification adressée le 7 avril 2017 à la SCI Marijo que la vérificatrice avait sollicité de la part de la SCI, au cours du contrôle sur place, un certain nombre de documents, dont certains ne lui ont pas été transmis, parmi lesquels un constat d'huissier dont la mention apparaît sur une facture adressée à la SCI Marijo par la société Di Vitantonio. Sollicité par l'administration fiscale, le gérant de cette société a répondu que " ce constat avait été fait directement avec le client ". Les requérants reconnaissent d'ailleurs qu'une visite sur place a eu lieu entre la société Di Vitantonio d'une part et M. A... pour la SCI Marijo d'autre part afin de faire le constat de l'état des constructions avoisinantes à l'immeuble, et il n'est pas allégué que cette visite aurait donné lieu à un compte-rendu écrit. Aussi, les requérants ne peuvent sérieusement faire grief à l'administration d'avoir fondé l'imposition contestée sur un hypothétique constat d'huissier dont il vient d'être dit qu'il n'existait pas. Aucune des mentions de la proposition de rectification du 7 avril 2017 et de la réponse aux observations des contribuables en date du 16 juin 2017 ne comporte d'ailleurs de mention susceptible d'induire les contribuables en erreur quant aux documents ou informations que la vérificatrice aurait réussi à obtenir. Par suite, et alors que l'imposition en litige n'est au demeurant pas fondée sur un quelconque document ou renseignement obtenu de la société Di Vitantonio, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité au regard des dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne la saisine de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires :

5. Aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications proposées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis (...) de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts, (...) ". Aux termes de l'article L. 59 A du même code : " I. - La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient lorsque le désaccord porte : " 1° Sur le montant du résultat industriel et commercial, non commercial, agricole ou du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition ; 2° Sur les conditions d'application des régimes d'exonération ou d'allégements fiscaux en faveur des entreprises nouvelles, à l'exception de la qualification des dépenses de recherche mentionnées au II de l'article 244 quater B du code général des impôts ; 3° Sur l'application du 1° du 1 de l'article 39 et du d de l'article 111 du même code relatifs aux rémunérations non déductibles pour la détermination du résultat des entreprises industrielles ou commerciales, ou du 5 de l'article 39 du même code relatif aux dépenses que ces mêmes entreprises doivent mentionner sur le relevé prévu à l'article 54 quater du même code ; 4° Sur la valeur vénale des immeubles, des fonds de commerce, des parts d'intérêts, des actions ou des parts de sociétés immobilières servant de base à la taxe sur la valeur ajoutée, en application du 6° et du 1 du 7° de l'article 257 du même code. / (...) ".

6. Il résulte de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales, applicables aux impositions en litige, que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'est pas compétente lorsque le différend porte sur la détermination des revenus fonciers en application des dispositions des articles 28 et suivants du code général des impôts. Le différend opposant M. et Mme A... à l'administration fiscale n'était, dès lors, pas au nombre de ceux qui pouvaient être soumis à la commission départementale des impôts. Les requérants ne sauraient ainsi reprocher à l'administration de ne pas leur avoir ouvert cette possibilité dans la lettre de réponse à leurs observations en date du 16 juin 2017. Ils ne sauraient en outre utilement soutenir que seule la commission départementale des impôts pouvait se déclarer incompétente pour connaître de leur contestation. Ils ne sauraient pas plus se prévaloir de ce que la SCI Marijo, dont il n'est au demeurant pas établi qu'elle aurait sollicité la saisine de la commission, aurait été privée d'une garantie. Par suite, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que l'administration n'a pas saisi ladite commission.

Sur le bien-fondé de l'impôt :

7. Aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ". Aux termes de l'article 13 du même code : " 1. Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut, y compris la valeur des profits et avantages en nature, sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu. / 2. Le revenu global net annuel servant de base à l'impôt sur le revenu est déterminé en totalisant les bénéfices ou revenus nets mentionnés aux I à VI de la 1re sous-section de la présente section ainsi que les revenus, gains nets, profits, plus-values et créances pris en compte dans l'assiette de ce revenu global net en application des 3 et 6 bis de l'article 158, compte tenu, le cas échéant, du montant des déficits visés au I de l'article 156, des charges énumérées au II dudit article et de l'abattement prévu à l'article 157 bis. / 3. Le bénéfice ou revenu net de chacune des catégories de revenus visées au 2 est déterminé distinctement suivant les règles propres à chacune d'elles. / Le résultat d'ensemble de chaque catégorie de revenus est obtenu en totalisant, s'il y a lieu, le bénéfice ou revenu afférent à chacune des entreprises, exploitations ou professions ressortissant à cette catégorie et déterminé dans les conditions prévues pour cette dernière ".

8. Par ailleurs, aux termes de l'article 28 du code général des impôts : " Le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété ". Enfin, aux termes de l'article 156 du même code : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé eu égard aux propriétés et aux capitaux que possèdent les membres du foyer fiscal désignés aux 1 et 3 de l'article 6, aux professions qu'ils exercent, aux traitements, salaires, pensions et rentes viagères dont ils jouissent ainsi qu'aux bénéfices de toutes opérations lucratives auxquelles ils se livrent, sous déduction : I. du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus ; si le revenu global n'est pas suffisant pour que l'imputation puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur le revenu global des années suivantes jusqu'à la sixième année inclusivement. / Toutefois, n'est pas autorisée l'imputation : (...) ; 3° Des déficits fonciers, lesquels s'imputent exclusivement sur les revenus fonciers des dix années suivantes ; (...) / L'imputation exclusive sur les revenus fonciers n'est pas non plus applicable aux déficits fonciers résultant de dépenses autres que les intérêts d'emprunt. L'imputation est limitée à 10 700 €. La fraction du déficit supérieure à 10 700 € et la fraction du déficit non imputable résultant des intérêts d'emprunt sont déduites dans les conditions prévues au premier alinéa. / (...) ".

En ce qui concerne la prescription :

9. Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. / (...) ".

10. Les dispositions précitées du 3° du I de l'article 156 du code général des impôts, dès lors qu'elles permettent à un contribuable d'imputer sur les bénéfices imposables d'une année non couverte par la prescription les déficits d'années précédentes même couvertes par la prescription, autorisent également l'administration à vérifier l'existence et le montant de ces déficits et, par suite, à remettre en cause, le cas échéant, les déficits d'années sur lesquels elle ne peut, en raison de la prescription, exercer son droit de reprise, les rectifications apportées à ces années ne pouvant avoir d'autre effet que de réduire ou supprimer les reports déficitaires qui affectent l'année non prescrite.

11. L'administration fiscale a remis en cause le caractère déductible de la totalité des charges de travaux déduites par la SCI Marijo et rectifié les résultats de la SCI en annulant une somme de 102 105 euros de déficit foncier déclaré au titre de l'année 2013 et une somme de 398 790 euros au titre de l'année 2014. En conséquence, l'administration a indiqué, sur la proposition de rectification adressée à M. et Mme A..., que l'année 2013 avait généré des revenus fonciers s'élevant à 73 648 euros au lieu d'un déficit foncier de 28 458 euros, tandis que pour l'année 2014 les revenus fonciers s'élevaient à 62 516 euros au lieu d'un déficit foncier de 336 274 euros. Il en est résulté une suppression du report déficitaire de l'année 2013 sur l'année 2014, à hauteur de 17 758 euros, et sur les années suivantes, ce que l'administration fiscale était en droit de faire en vertu de son droit de reprise. En revanche, et contrairement à ce que les requérants soutiennent, elle n'a pas exercé ce droit de reprise sur les bénéfices réalisés au cours de l'année 2013, qui n'ont donné lieu à aucune mise en recouvrement de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu. L'avis d'imposition du 30 avril 2018 que M. et Mme A... ont produit ne concerne pas, ainsi qu'il a déjà été dit, le présent litige. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'administration aurait à tort exercé son droit de reprise sur une année prescrite.

En ce qui concerne la déductibilité des dépenses engagées en 2013 et 2014 :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

12. Aux termes de l'article 31 du même code : " I. - Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : 1° Pour les propriétés urbaines : a) Les dépenses de réparation et d'entretien (...) ; (...) ; b) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement, (...) ; (...) ".

13. Au sens de ces dispositions, doivent être regardés comme des travaux de reconstruction, ceux qui comportent la création de nouveaux locaux d'habitation, ou qui ont pour effet d'apporter une modification importante au gros œuvre, ainsi que les travaux d'aménagement interne qui, par leur importance, équivalent à des travaux de reconstruction. Des travaux d'aménagement interne, quelle que soit leur importance, ne peuvent être regardés comme des travaux de reconstruction que s'ils affectent le gros œuvre ou s'il en résulte une augmentation du volume ou de la surface habitable. Lorsque des travaux n'ayant pas ce caractère sont effectués dans la même opération, les dépenses exposées à ce titre ne sont déductibles que si les différents travaux sont dissociables.

14. Par ailleurs, il appartient au contribuable qui entend déduire de son revenu foncier brut les dépenses constituant, selon lui, des charges de la propriété, de justifier de la réalité, de la consistance et, par suite, du caractère déductible de ces charges, en produisant des pièces justificatives permettant d'établir avec précision la nature, le montant et la réalité de la charge supportée.

15. Il résulte de l'instruction que la SCI Marijo a fait réaliser des travaux de rénovation intégrale de l'immeuble qu'elle a acquis en septembre 2012 rue Saint-Georges à Metz, lequel présentait, ainsi qu'il ressort de l'acte notarié, un état d'instabilité lié à des fissures sur le mur de la cage d'escalier entraînant l'affaissement des planchers des étages. Il n'est pas contesté par M. et Mme A... que l'ancien escalier de l'immeuble qui allait du rez-de-chaussée au 3ème étage a été intégralement démoli ainsi que le mur de refend de celui-ci, nécessitant le comblement des planchers impactés, que des travaux de dallage en béton et armature en treillis soudés et d'isolation des remontées d'humidité ont été effectués au sous-sol, de même que la réalisation d'un socle d'assise des parois verticales de la cage du nouvel escalier central construit en béton acier et treillis soudé à partir du sous-sol jusqu'au 2ème étage, que la création de ce nouvel escalier à un autre emplacement que le précédent a nécessité le percement des planchers des étages concernés et enfin qu'une chape de compression en béton et treillis soudé a été coulée sur les planchers de chacun des étages, participant de la résistance mécanique de la structure de l'immeuble. A supposer même que ces travaux puissent être regardés comme n'ayant pas apporté une modification importante au gros œuvre, ils ont, contrairement à ce que les requérants soutiennent, affecté le gros œuvre de l'immeuble, dans une mesure significative, qui ne saurait être minimisée en se retranchant, ainsi que les requérants le font, derrière la nécessité de remplacer un escalier trop vétuste ou mal conçu ou encore derrière l'obligation de mettre cet escalier aux normes. Par ailleurs, il est constant que la rénovation de l'immeuble a consisté en d'importants travaux de réaménagement interne consistant à réunir les deux appartements du 1er étage en un seul et à recréer deux appartements F3 en duplex aux 2ème et 3ème étages à partir des deux appartements préexistants au 2ème étage et de l'appartement du 3ème étage, nécessitant la création de deux nouveaux escaliers intérieurs, que les cloisons de tous les appartements de l'immeuble ont été démolies et que de nouvelles cloisons ont été implantées à d'autres endroits en lien avec une réaffectation de certaines pièces et un déplacement des entrées respectives de tous les appartements. Les requérants, qui supportent la charge de la preuve, n'établissent pas que ces travaux d'aménagement interne, qui affectent le gros œuvre des locaux, ont concerné tous les étages de l'immeuble et sont, contrairement à ce qu'ils soutiennent, directement induits par la construction d'un nouvel escalier central à un autre emplacement que l'ancien et, par suite, non dissociables de celle-ci, ne constitueraient pas, compte tenu de leur importance, des travaux de reconstruction. Les travaux de remplacement des installations électriques et des sanitaires, d'isolation phonique et thermique ou encore de peinture, dont il n'est pas établi qu'il soient dissociables de l'opération globale de rénovation de l'immeuble, ne peuvent pas non plus être regardés comme des travaux ayant généré des charges déductibles au sens des dispositions précitées de l'article 31 du code général des impôts. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause les dépenses de travaux réalisées par la SCI Marijo en 2013 et 2014 et en a tiré les conséquences sur les bases imposables de M. et Mme A... à l'impôt sur le revenu au titre des années 2014, 2015 et 2016.

S'agissant de l'interprétation administrative de la loi :

16. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " (...). / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente ".

17. M. et Mme A... ne sauraient se prévaloir, pour contester la remise en cause de la déductibilité des dépenses de travaux réalisés par la SCI Marijo, de la doctrine administrative relative à l'exonération temporaire de taxe foncière sur les propriétés bâties en application de l'article 1383 du code général des impôts, qui ne concerne pas l'impôt sur le revenu seul en cause dans le présent litige .

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes. Par suite, leurs requêtes doivent être rejetées en toutes leurs conclusions, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 5 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2023.

La rapporteure,

Signé : H. B... Le président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

Nos 20NC2871, 20NC02872


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02871
Date de la décision : 26/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Hélène BRODIER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : CABINET KPMG AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-01-26;20nc02871 ?
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