Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association pour la protection des animaux sauvages (ci-après " l'ASPAS ") a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 9 mars 2018 par lequel le préfet de la Haute-Saône a autorisé, sur les territoires couverts par les groupements de défense contre les organismes nuisibles, une lutte collective contre les corvidés classés nuisibles dans le département de la Haute-Saône.
Par un jugement n° 1800819 du 30 janvier 2020, le tribunal administratif de Besançon a annulé l'arrêté susmentionné.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 janvier 2021, la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 30 janvier 2020 :
1°) elle soutient que le préfet de la Haute-Saône a pu à bon droit se fonder sur l'arrêté du 30 juin 2015 pour prendre sa décision ;
2°) la circonstance que l'arrêté du 9 mars 2018 ne vise pas la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 n'est pas de nature à justifier l'annulation de l'arrêté du 9 mars 2018.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 février 2022, l'association pour la protection des animaux sauvages, conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages ;
- le code de l'environnement ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- l'arrêté du 30 juin 2015 pris pour l'application de l'article R. 427-6 du code de l'environnement et fixant la liste, les périodes et les modalités de destruction des espèces d'animaux classées nuisibles ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Sibileau, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 9 mars 2018, le préfet de la Haute-Saône a autorisé les groupements de défense contre les organismes nuisibles du département à organiser une lutte collective contre les corvidés classés nuisibles dans le département, à savoir les corneilles noires et les corbeaux freux, par piégeage, afin de lutter contre les dégâts causés aux cultures par ces corvidés. Saisi par l'ASPAS, le tribunal administratif de Besançon a annulé par un jugement n° 1800819 du 30 janvier 2020 l'arrêté du 9 mars 2018. La ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires interjette appel de ce jugement.
Sur la légalité de l'arrêté du 9 mars 2018 du préfet de la Haute-Saône :
2. Aux termes de l'article1er de la directive du 30 novembre 2009 susvisé : " 1. La présente directive concerne la conservation de toutes les espèces d'oiseaux vivant naturellement à l'état sauvage sur le territoire européen des États membres auquel le traité est applicable. Elle a pour objet la protection, la gestion et la régulation de ces espèces et en réglemente l'exploitation. / 2. La présente directive s'applique aux oiseaux ainsi qu'à leurs œufs, à leurs nids et à leurs habitats ". Aux termes de l'article 9 de la même directive : " 1. Les États membres peuvent déroger aux articles 5 à 8 s'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pour les motifs ci-après: / a) - dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques, / - dans l'intérêt de la sécurité aérienne, / - pour prévenir les dommages importants aux cultures, au bétail, aux forêts, aux pêcheries et aux eaux, / - pour la protection de la flore et de la faune; / b) pour des fins de recherche et d'enseignement, de repeuplement, de réintroduction ainsi que pour l'élevage se rapportant à ces actions ; / c) pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées et de manière sélective, la capture, la détention ou toute autre exploitation judicieuse de certains oiseaux en petites quantités. / 2. Les dérogations visées au paragraphe 1 doivent mentionner: / a) les espèces qui font l'objet des dérogations; / b) les moyens, installations ou méthodes de capture ou de mise à mort autorisés; / c) les conditions de risque et les circonstances de temps et de lieu dans lesquelles ces dérogations peuvent être prises; / d) l'autorité habilitée à déclarer que les conditions exigées sont réunies, à décider quels moyens, installations ou méthodes peuvent être mis en œuvre, dans quelles limites et par quelles personnes; / e) les contrôles qui seront opérés. / 3. Les États membres adressent à la Commission chaque année un rapport sur l'application des paragraphes 1 et 2. / 4. Au vu des informations dont elle dispose, et notamment de celles qui lui sont communiquées en vertu du paragraphe 3, la Commission veille constamment à ce que les conséquences des dérogations visées au paragraphe 1 ne soient pas incompatibles avec la présente directive. Elle prend les initiatives appropriées à cet égard des paragraphes 1 et 2 ".
3. Aux termes de l'article R. 427-6 du code de l'environnement dans sa rédaction alors en vigueur : " I. - Après avis du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage, le ministre chargé de la chasse fixe par arrêté trois listes d'espèces d'animaux classées nuisibles : / 1° La liste des espèces d'animaux non indigènes classées nuisibles sur l'ensemble du territoire métropolitain, précisant les périodes et les modalités de leur destruction ; / 2° La liste des espèces d'animaux indigènes classées nuisibles dans chaque département, établie sur proposition du préfet après avis de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage réunie en sa formation spécialisée mentionnée au II de l'article R. 421-31, précisant les périodes et les territoires concernés, ainsi que les modalités de destruction. Cette liste est arrêtée pour une période de trois ans, courant du 1er juillet de la première année au 30 juin de la troisième année ; /3° La liste complémentaire des espèces d'animaux susceptibles d'être classées nuisibles par un arrêté annuel du préfet qui prend effet le 1er juillet jusqu'au 30 juin de l'année suivante. Cette liste précise les périodes et les modalités de destruction de ces espèces. / II. - Le ministre inscrit les espèces d'animaux sur chacune de ces trois listes pour l'un au moins des motifs suivants : / [...] 3° Pour prévenir des dommages importants aux activités agricoles, forestières et aquacoles ; / [...] Le préfet détermine les espèces d'animaux nuisibles en application du 3° du I du présent article pour l'un au moins de ces mêmes motifs. [...] / Les listes des espèces d'animaux susceptibles d'être classés nuisibles ne peut comprendre d'espèces dont la capture ou la destruction est interdite en application de l'article L. 411-1 ". L'arrêté du 30 juin 2015 susvisé fixe les conditions de destruction et de piégeage des corbeaux freux et des corneilles noires.
4. Il ressort des dispositions précitées, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, notamment dans son arrêt du 21 juin 2018, C-557/15 que lorsqu'un Etat-membre décide de recourir aux dérogations prévues par ces dispositions, la réglementation nationale applicable doit énoncer les critères de dérogation de manière claire et précise, et obliger les autorités chargées de leur application à en tenir compte. S'agissant d'un régime d'exception, qui doit être d'interprétation stricte et faire peser la charge de la preuve de l'existence des conditions requises, pour chaque dérogation, sur l'autorité qui en prend la décision, les États membres sont tenus de garantir que toute intervention touchant aux espèces protégées ne soit autorisée que sur la base de décisions comportant une motivation précise et adéquate se référant aux motifs, aux conditions et aux exigences prévus à l'article 9, paragraphes 1 et 2, de cette directive.
5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier et notamment du compte-rendu de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage de la Haute-Saône qui s'est tenue le 2 décembre 2014 que des solutions alternatives au piégeage ont été recherchées. Par ailleurs, pour autoriser les groupements de défense contre les organismes nuisibles du département à organiser une lutte collective contre les corvidés classés nuisibles dans le département, à savoir les corneilles noires et les corbeaux freux, par piégeage, afin de lutter contre les dégâts causés aux cultures par ces corvidés, le préfet s'est fondé sur l'arrêté du 30 juin 2015 pris pour l'application de l'article R. 427-6 du code de l'environnement et fixant la liste, les périodes et les modalités de destruction des espèces d'animaux classées nuisible. Il n'est pas établi par l'ASPAS que l'évolution des circonstances de fait et de droit, depuis l'édiction de l'arrêté ministériel, auraient rendu nécessaire la recherche, par le préfet lui-même, de solutions alternatives. Par conséquent et dans les circonstances de l'espèce, le préfet de la Haute-Saône n'était pas tenu de rechercher préalablement à sa décision, des solutions alternatives à la destruction des espèces concernées.
6. Il résulte de ce qui précède que la ministre est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal a estimé que le préfet de la Haute-Saône s'était irrégulièrement abstenu de rechercher des méthodes alternatives à la destruction de la corneille noire et du corbeau freux.
7. Il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'ASPAS devant le tribunal administratif.
Sur les autres moyens soulevés par l'ASPAS :
8. En premier lieu, si l'ASPAS soutient que l'arrêté du 9 mars 2018 ne se réfère pas à la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages, ce moyen ne peut être utilement soulevé dès lors que l'absence de mention de ce texte dans les visas est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement : " I.- Le présent article définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public, prévu à l'article 7 de la Charte de l'environnement, est applicable aux décisions, autres que les décisions individuelles, des autorités publiques ayant une incidence sur l'environnement lorsque celles-ci ne sont pas soumises, par les dispositions législatives qui leur sont applicables, à une procédure particulière organisant la participation du public à leur élaboration. / [...] II.- Sous réserve des dispositions de l'article L. 123-19-6, le projet d'une décision mentionnée au I, accompagné d'une note de présentation précisant notamment le contexte et les objectifs de ce projet, est mis à disposition du public par voie électronique et, sur demande présentée dans des conditions prévues par décret, mis en consultation sur support papier dans les préfectures et les sous-préfectures en ce qui concerne les décisions des autorités de l'Etat, y compris les autorités administratives indépendantes, et des établissements publics de l'Etat, ou au siège de l'autorité en ce qui concerne les décisions des autres autorités. Lorsque le volume ou les caractéristiques du projet de décision ne permettent pas sa mise à disposition par voie électronique, la note de présentation précise les lieux et horaires où l'intégralité du projet peut être consultée. / [...] Au plus tard à la date de la publication de la décision et pendant une durée minimale de trois mois, l'autorité administrative qui a pris la décision rend publics, par voie électronique, la synthèse des observations et propositions du public avec l'indication de celles dont il a été tenu compte, les observations et propositions déposées par voie électronique ainsi que, dans un document séparé, les motifs de la décision ".
10. D'une part, l'ASPAS soutient que le préfet de la Haute-Saône n'a pas procédé à une synthèse exhaustive des observations et propositions du public dès lors qu'il n'a pas répondu à son observation relative à l'impossibilité de confier aux groupements de défense contre les organismes nuisibles (GDON) le piégeage des corneilles noires et les corbeaux freux. Il résulte toutefois des pièces du dossier que dans sa synthèse de la consultation établie au titre des dispositions susvisées du 7 mars 2018, le préfet a expressément répondu à l'argumentation présentée par l'association dès lors qu'il a indiqué dans un paragraphe intitulé " Commentaires sur les observations recueillies " qu'en vertu des articles L. 252-1 et L. 252-2 du code rural et de la pêche maritime et de l'article R. 427-8 du code de l'environnement, les GDON étaientt en mesure de mettre en œuvre la modalité de destruction par piégeage. D'autre part, contrairement à ce que soutient l'ASPAS, la note de présentation établie en vertu des dispositions susmentionnées qui mentionne le contexte, les enjeux ainsi que les objectifs poursuivis par le préfet de la Haute-Saône n'est pas insuffisamment détaillée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement doit être écarté.
11. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 252-1 du code rural et de la pêche maritime : " Des groupements communaux ou intercommunaux peuvent être constitués conformément aux articles L. 2131-1 à L. 2131-6 du code du travail afin de conduire, sur le territoire des communes où ils sont constitués, des actions collectives dans les domaines de la santé des végétaux, de la santé publique et de la protection de l'environnement ". Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 9 mars 2018 est motivé par la protection des semis de printemps comme le maïs, le tournesol et le pois entre autres, objectif qui relève de la protection de la santé des végétaux. Par suite, l'ASPAS n'est pas fondée à soutenir qu'en méconnaissance des dispositions précitées, le préfet de la Haute-Saône ne pouvait confier comme il l'a fait le piégeage des corneilles noires et les corbeaux freux à des GDON.
12. En quatrième lieu, pour autoriser, sur les territoires couverts par les groupements de défense contre les organismes nuisibles, une lutte collective contre les corvidés classés nuisibles dans le département de la Haute-Saône, le préfet de ce département s'est fondé sur les circonstances que les dégâts dus aux corvidés sont récurrents, d'une importance croissante et que le piégeage est un procédé sélectif. Il ressort des pièces du dossier et notamment des écritures de l'ASPAS que le piégeage ne représente qu'une part résiduelle dans les moyens de destruction des corvidés estimée à 13,6 % des prélèvements globaux. Ainsi le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions citées aux points 2 et 3 ci-dessus en prenant la décision attaquée.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a annulé l'arrêté du préfet de la Haute-Saône du 9 mars 2018. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'annulation présentées par l'ASPAS sont rejetées, de même que celles qu'elle ont présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 30 janvier 2020 est annulé.
Article 2 : Les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 9 mars 2018 présentées par l'ASPAS sont rejetées.
Article 3 : Le surplus de conclusions est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association pour la protection des animaux sauvages et à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Saône.
Délibéré après l'audience du 8 décembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- M. Goujon-Fischer, président-assesseur,
- M. Sibileau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 décembre 2022.
Le rapporteur,
Signé : J.-B. SibileauLe président,
Signé : M. A...
La greffière,
Signé : S. RobinetLa République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique et la cohésion des territoires en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
V. Firmery
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N° 21NC00286