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22/12/2022 | FRANCE | N°22NC01708

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 22 décembre 2022, 22NC01708


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E..., née D..., M. G... E... et M. A... E... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 31 mars 2022 par lesquels la préfète de la région Grand Est, préfète du Bas-Rhin a ordonné leurs transferts aux autorités hongroises responsables de l'examen de leur demande d'asile.

Par des jugements nos 2202790, 2202788 et 2202789 du 31 mai 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.

Procédur

e devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 1er juillet 2022 sous le numéro 22NC...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E..., née D..., M. G... E... et M. A... E... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 31 mars 2022 par lesquels la préfète de la région Grand Est, préfète du Bas-Rhin a ordonné leurs transferts aux autorités hongroises responsables de l'examen de leur demande d'asile.

Par des jugements nos 2202790, 2202788 et 2202789 du 31 mai 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 1er juillet 2022 sous le numéro 22NC01708, Mme C... E..., représentée par Mes Bouchet et Jackson, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 31 mai 2022 en ce qui la concerne ;

2°) d'annuler l'arrêté du 31 mars 2022 pris à son encontre ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la région Grand Est, préfète du Bas-Rhin d'examiner sa demande d'asile dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'auteur de l'acte est incompétent ;

- l'entretien dont elle a bénéficié n'a pas été mené dans les conditions prescrites par l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- il n'est pas établi que la décision litigieuse lui a été régulièrement notifiée par une personne habilitée à le faire ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions des articles 9 et 16 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 en application desquelles la France est responsable de sa demande d'asile ;

- c'est en commettant une erreur manifeste d'appréciation que la préfète n'a pas fait application de la clause discrétionnaire prévue par l'article 17.2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 alors qu'elle a des attaches sur le territoire français ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article 3.2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dès lors qu'il existe un risque de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Hongrie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juillet 2022, la préfète de la région Grand Est, préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- à titre principal, la requête est irrecevable faute d'éléments nouveaux, elle ne fait que reprendre les éléments de la demande de première instance ;

- à titre subsidiaire, elle renvoie à ses écritures de première instance.

II. Par une requête enregistrée le 1er juillet 2022 sous le n° 22NC01709, M. F..., représenté par Mes Bouchet et Jackson, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 31 mai 2022 en ce qui le concerne ;

2°) d'annuler l'arrêté du 31 mars 2022 pris à son encontre ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la région Grand Est, préfète du Bas-Rhin d'examiner sa demande d'asile dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'auteur de l'acte est incompétent ;

- l'entretien dont il a bénéficié n'a pas été mené dans les conditions prescrites par l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- il n'est pas établi que la décision litigieuse lui a été régulièrement notifiée et par une personne habilitée à le faire ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions des articles 9 et 16 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 en application desquelles la France est responsable de sa demande d'asile ;

- c'est en commettant une erreur manifeste d'appréciation que la préfète n'a pas fait application de la clause discrétionnaire prévue par l'article 17.2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 alors qu'il a des attaches sur le territoire français ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article 3.2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dès lors qu'il existe un risque de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Hongrie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juillet 2022, la préfète de la région Grand Est, préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- à titre principal, la requête est irrecevable faute d'éléments nouveaux, elle ne fait que reprendre les éléments de la demande de première instance ;

- à titre subsidiaire, elle renvoie à ses écritures de première instance.

III. Par une requête enregistrée le 1er juillet 2022 sous le n° 22NC01710, M. A... E..., représenté par Mes Bouchet et Jackson, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 31 mai 2022 en ce qui le concerne ;

2°)d'annuler l'arrêté du 31 mars 2022 pris à son encontre ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la région Grand Est, préfète du Bas-Rhin d'examiner sa demande d'asile dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'auteur de l'acte est incompétent ;

- l'entretien dont il a bénéficié n'a pas été mené dans les conditions prescrites par l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- il n'est pas établi que la décision litigieuse lui a été régulièrement notifiée et par une personne habilitée à le faire ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions des articles 9 et 16 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 en application desquelles la France est responsable de sa demande d'asile ;

- c'est en commettant une erreur manifeste d'appréciation que la préfète n'a pas fait application de la clause discrétionnaire prévue par l'article 17.2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 alors qu'il a des attaches sur le territoire français ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article 3.2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dès lors qu'il existe un risque de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Hongrie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juillet 2022, la préfète de la région Grand Est, préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- à titre principal, la requête est irrecevable faute d'éléments nouveaux, elle ne fait que reprendre les éléments de la demande de première instance ;

- à titre subsidiaire, elle renvoie à ses écritures de première instance.

Par ordonnance du 4 novembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 25 novembre 2022 dans les trois instances.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Ghisu-Deparis, présidente-rapporteure,

- et les observations de Me Jackson pour les consorts E....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... E..., née D..., née en Ukraine, M. G... E..., né en Russie et M. A... E..., né en Ukraine, ressortissants russes, sont entrés sur le territoire français à une date indéterminée munis de passeports russes revêtus de visas délivrés par les autorités hongroises. Le 5 janvier 2022, une attestation de demande d'asile en procédure Dublin leur est remise. La consultation du fichier VIS a révélé que les intéressés étaient en possession de visas délivrés par les autorités hongroises en cours de validité. Les autorités hongroises, saisies le 7 janvier 2022 d'une demande de prise en charge sur le fondement de l'article 12-2 du règlement (UE) n° 604/2013, ont donné leur accord. En conséquence, par trois arrêtés du 31 mars 2022, la préfète de la région Grand Est, préfète du Bas-Rhin a ordonné le transfert des intéressés aux autorités hongroises responsables de l'examen de leur demande d'asile. Par trois requêtes qu'il y a lieu de joindre, Mme C... E..., M. G... E... et M. A... E... font appel des jugements nos 2202790, 2202788 et 2202789 du 31 mai 2022 par lesquels le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés pris à leur encontre le 31 mars 2022.

Sur la recevabilité de l'appel :

2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête (...) Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".

3. Les requêtes d'appel des consorts E..., qui ne se bornent pas à reproduire intégralement et exclusivement les demandes de première instance, tendent chacune à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 31 mai 2022 et de l'arrêté de transfert du 31 mars 2022. Elles exposent les moyens soulevés à leur soutien. Par suite, les requêtes d'appel des consorts E... satisfont aux exigences prévues par l'article R. 411-1 du code de justice administrative et sont donc suffisamment motivées. La fin de non-recevoir opposée par la préfète et tirée de l'absence de motivation des requêtes d'appel ne peut donc qu'être écartée.

Sur la légalité des arrêtés de transfert :

4. Aux termes de l'article L. 571-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, il est procédé à l'enregistrement de la demande selon les modalités prévues au chapitre I du titre II. / Une attestation de demande d'asile est délivrée au demandeur selon les modalités prévues à l'article L. 521-7. Elle mentionne la procédure dont il fait l'objet. Elle est renouvelable durant la procédure de détermination de l'Etat responsable et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. / Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat. " Aux termes de l'article L. 572-3 du même code : " La procédure de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile ne peut être engagée dans le cas de défaillances systémiques dans l'Etat considéré mentionné au 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. ". Aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ".

5. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

7. La Cour de justice de l'Union européenne a constaté, par un arrêt C-808/18 du 17 décembre 2020 rendu en grande chambre, le manquement des autorités hongroises aux obligations leur incombant en vertu, d'abord, des dispositions de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, ensuite, de celles de la directive n° 2013/32/UE du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale, enfin, de celles de la directive n° 2013/33/UE du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale. Elle a en particulier jugé que la Hongrie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ces textes " : - en prévoyant que les demandes de protection internationale émanant de ressortissants de pays tiers ou d'apatrides qui, arrivant de Serbie, souhaitent accéder, sur son territoire, à la procédure de protection internationale, ne peuvent être présentées que dans les zones de transit de Röszke et de Tompa, tout en adoptant une pratique administrative constante et généralisée limitant drastiquement le nombre de demandeurs autorisés à pénétrer quotidiennement dans ces zones de transit ; - en instaurant un système de rétention généralisée des demandeurs de protection internationale dans les zones de transit de Röszke et de Tompa, sans respecter les garanties prévues à l'article 24, paragraphe 3, et à l'article 43 de la directive 2013/32 ainsi qu'aux articles 8, 9 et 11 de la directive 2013/33 ;- en permettant l'éloignement de tous les ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur son territoire, à l'exception de ceux d'entre eux qui sont soupçonnés d'avoir commis une infraction, sans respecter les procédures et garanties prévues à l'article 5, à l'article 6, paragraphe 1, à l'article 12, paragraphe 1, et à l'article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/115 ; - en subordonnant à des conditions contraires au droit de l'Union l'exercice, par les demandeurs de protection internationale qui relèvent du champ d'application de l'article 46, paragraphe 5, de la directive 2013/32, de leur droit de rester sur son territoire ". Prenant acte de cet arrêt, l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures (Frontex) a décidé, le 27 janvier 2021, de suspendre ses opérations de protection des frontières extérieures de l'Union européenne (UE) en Hongrie, afin de ne pas les compromettre avec des actions qui ne seraient pas pleinement conformes au droit de l'Union européenne.

8. Par un arrêt C-821/19 du 16 novembre 2021, rendu également en grande chambre, la Cour de justice de l'Union européenne a constaté que la Hongrie avait commis les mêmes manquements que ceux identifiés dans son arrêt C-808/18 du 17 décembre 2020. Elle a en outre jugé que " la Hongrie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 33, paragraphe 2, de la directive 2013/32, en permettant de rejeter comme étant irrecevable une demande de protection internationale au motif que le demandeur est arrivé sur son territoire par un Etat dans lequel il n'est pas exposé à des persécutions ou à un risque d'atteintes graves, ou dans lequel un degré de protection adéquat est assuré ". Le 12 novembre 2021, la Commission européenne a saisi la Cour de justice de l'Union européenne afin d'ordonner à la Hongrie le paiement des sanctions pécuniaires pour non-respect de l'arrêt précité du 17 décembre 2020, notamment en ne prenant pas de mesures pour garantir un accès effectif à la procédure d'asile.

9. L'ensemble des éléments énoncés aux points précédents caractérise l'existence, depuis plusieurs années, et la persistance, en Hongrie, d'une privation, pour les demandeurs d'asile, des garanties de procédure ainsi que des conditions minimales d'accueil dont ils sont en droit de bénéficier. Par suite, il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile que la préfète de la région Grand Est, préfète du Bas-Rhin ne conteste pas sérieusement. Ainsi, les consorts E..., sont fondés à soutenir qu'en décidant leur transfert aux autorités hongroises responsables de l'examen de leur demande d'asile, la préfète de la région Grand Est, préfète du Bas-Rhin a méconnu les dispositions précitées du deuxième alinéa du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens des requêtes, que les requérants sont fondés à soutenir, chacun en ce qui le concerne, que c'est à tort que le jugement contesté a rejeté sa demande et à demander en conséquence son annulation ainsi que celle des arrêtés du 31 mars 2022 portant transfert de Mme C... E..., de M. F... et de M. A... E... aux autorités hongroises.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Eu égard au motif de l'annulation de chacune des décisions de transfert en litige, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un autre Etat que la France pourrait être considéré comme responsable de l'examen de chacune des demandes d'asile en vertu des critères énoncés au chapitre III du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, le présent arrêt implique nécessairement que leur demande d'asile soit instruite en France. En demandant qu'il soit enjoint à la préfète de la région Grand Est, préfète du Bas-Rhin d'examiner leur demande d'asile, les requérants doivent être regardés comme sollicitant qu'il soit enjoint à l'administration de leur délivrer à chacun une attestation de demande d'asile. Il y a lieu de faire droit à cette demande en enjoignant à la préfète de la région Grand Est, préfète du Bas-Rhin de délivrer à Mme C... E..., M. G... E... et M. A... E..., le temps de l'examen de leur demande d'asile en France, les attestations de demande d'asile mentionnées à l'article L. 521-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de huit jours, à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais de l'instance :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme C... E..., M. G... E... et M. A... E... de la somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Les jugements nos 2202790, 2202788 et 2202789 du 31 mai 2022 du tribunal administratif de Strasbourg sont annulés.

Article 2 : Les arrêtés du 31 mars 2022 de la préfète de la région Grand Est, préfète du Bas-Rhin sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint à la préfète de la région Grand Est, préfète du Bas-Rhin de délivrer à Mme C... E..., à M. G... E... et à M. A... E..., le temps de l'examen de leur demande d'asile en France, les attestations de demande d'asile mentionnées à l'article L. 521-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de huit jours, à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Mme C... E..., M. G... E... et M. A... E... une somme globale de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E..., à M. G... E..., à M. A... E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de la région Grand Est, préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 29 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente-rapporteure,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- Mme Picque, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2022

La présidente-rapporteure,

Signé : V. Ghisu-DeparisL'assesseure la plus ancienne,

Signé : A. Samson-Dye

La greffière,

Signé : M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

M. B...

2

Nos 22NC01708, 22NC01709, 22NC01710


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01708
Date de la décision : 22/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Véronique GHISU-DEPARIS
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : BOUCHET

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-12-22;22nc01708 ?
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