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06/12/2022 | FRANCE | N°22NC01825

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 06 décembre 2022, 22NC01825


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 15 mars 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 3 013 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative

à l'aide juridique.

Par un jugement n° 2101749 du 23 septembre 2021, le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 15 mars 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 3 013 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 2101749 du 23 septembre 2021, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 22NC01825 le 10 juillet 2022, Mme B..., représentée par Me Grün, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 23 septembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 mars 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 3 013 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour a été prise sans respect préalable de la procédure contradictoire prévue par l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- cette décision méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le parquet n'a diligenté aucune action en contestation de filiation contre le père de son enfant et qu'aucun élément ne démontre le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité ;

- le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 13 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Goujon-Fischer, président, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante nigériane, est entrée irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 9 juillet 2013. Le 30 novembre 2015, elle s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire en qualité de parent d'enfant français sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle a obtenu le renouvellement de ce titre de séjour le 30 novembre 2016, puis a bénéficié d'une carte de séjour pluriannuelle valable jusqu'au 25 septembre 2019. Le 11 juillet 2019, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 15 mars 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme B... relève appel du jugement du 23 septembre 2021, par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 15 mars 2021 :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, il résulte des termes mêmes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration que la procédure contradictoire préalable qu'il prévoit n'est pas applicable dans les " cas où il est statué sur une demande ". La décision du préfet de Meurthe-et-Moselle refusant à Mme B... le renouvellement de son titre de séjour ayant été prise en réponse à une demande de l'intéressée, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions de cet article en ne la mettant pas à même de présenter ses observations avant de lui opposer ce refus de renouvellement, quand bien même le préfet s'est fondé, pour prendre cette décision, sur un signalement en paternité multiple émanant du référent fraude départemental de Meurthe-et-Moselle .

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an (...) ".

4. Si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est la mère d'un enfant né le 26 mars 2015, qui a fait l'objet d'une reconnaissance de paternité par un ressortissant français le 20 novembre 2014. Elle a bénéficié à ce titre, ainsi qu'il a été dit, de la délivrance d'une carte de séjour temporaire, puis d'une carte pluriannuelle en qualité de mère d'un enfant français jusqu'au 24 septembre 2019. Il ressort des courriers adressés par les préfets des Vosges et de Meurthe-et-Moselle les 28 avril 2016 et 14 août 2019 aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d'Epinal et de Nancy aux fins de signalement d'une suspicion de reconnaissance frauduleuse de paternité que l'auteur de cette reconnaissance de paternité a reconnu au total quatre enfants de quatre mères différentes, dont Mme B..., de nationalité nigériane, les trois autres étant de nationalité camerounaise, que ces enfants sont nés sur une période de moins de trois ans et deux d'entre eux n'ont qu'un mois d'écart. L'acte de naissance de l'enfant de Mme B... établit que celle-ci résidait à une adresse différente de celle de l'auteur de la reconnaissance de paternité, tandis que l'intéressée n'a apporté aucun élément de nature démontrer l'existence d'une relation avec ce ressortissant français au moment de la conception de l'enfant. Au regard de l'ensemble de ces éléments, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce en estimant que la déclaration de paternité en cause a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour et en refusant pour ce motif, et dès lors que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'était pas acquise, de renouveler la carte de séjour temporaire dont Mme B... avait bénéficié en qualité de parent d'enfant français. La circonstance que le procureur de la République n'avait, à la date de l'arrêté litigieux, engagé aucune action en contestation de filiation est sans incidence sur la légalité d'un tel refus de renouvellement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée en France en 2013, alors âgée de 24 ans. Elle est célibataire et n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine. Ni la scolarisation de ses enfants, nés en 2011, 2013 et 2015, ni aucune autre circonstance ne font obstacle à ce que sa vie familiale se reconstitue dans ce pays d'origine. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de l'intéressée, la décision lui refusant le renouvellement de son titre de séjour ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée ou familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise et ne méconnaît pas, dès lors, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice, par le préfet, de son pouvoir discrétionnaire de régularisation.

7. En quatrième lieu, la seule circonstance que les enfants de la requérante soient scolarisés et que deux d'entre eux soient nés en France ne suffit pas à établir que la décision de refus de renouvellement de titre de séjour aurait méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi :

8. En premier lieu, Mme B... n'ayant pas démontré l'illégalité de la décision lui refusant le renouvellement de son titre de séjour, elle n'est pas fondée à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.

9. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au points 6 et 7 du présent arrêt, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire français méconnaitrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de ce qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de la requérante

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

12. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Goujon-Fischer, président,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 décembre 2022.

Le président,

Signé : J. -F. Goujon-Fischer

L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau

Signé : E. Meisse

La greffière,

Signé : V. Firmery

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

V. Firmery

2

N° 22NC01825


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01825
Date de la décision : 06/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GOUJON-FISCHER
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : GRÜN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-12-06;22nc01825 ?
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