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06/12/2022 | FRANCE | N°22NC01178

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 06 décembre 2022, 22NC01178


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 30 juillet 2021 par lequel le préfet de la Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé son pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2105436 du 17 septembre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requ

te enregistrée sous le n° 22NC01178 le 8 mai 2022, M. A..., représenté par Me Grün, demande ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 30 juillet 2021 par lequel le préfet de la Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé son pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2105436 du 17 septembre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 22NC01178 le 8 mai 2022, M. A..., représenté par Me Grün, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 17 septembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 juillet 2021 par lequel le préfet de la Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé son pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ; notamment, il ne comporte pas une motivation suffisante sur la nécessité d'envisager un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ; par ailleurs, l'arrêté ne se prononce pas sur chacun des critères prévus par l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour justifier l'interdiction de retour sur le territoire français ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît l'article 3 de la même convention et l'article L. 721-4 alinéa 5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français a été prise en méconnaissance de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette interdiction de retour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 août 2022, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 26 avril 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Goujon-Fischer, président, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant afghan, est entré en France, selon ses déclarations, en juin 2016. Sa demande d'asile et sa demande de réexamen ont été successivement rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Il a fait l'objet le 17 septembre 2019 d'une obligation de quitter le territoire français à laquelle il n'a pas déféré. Interpellé par les services de la police aux frontières de Thionville, à la suite d'un contrôle d'identité le 29 juillet 2021, puis placé en retenue administrative, il a fait l'objet, le 30 juillet 2021, d'un arrêté du préfet de la Moselle l'obligeant à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixant le pays de renvoi et lui interdisant le retour en France pour une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement du 17 septembre 2021, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 30 juillet 2021 :

En ce qui concerne le moyen tiré du défaut de motivation :

2. L'arrêté du 30 juillet 2021 énonce l'ensemble des considérations de droit et de fait qui servent de fondement aux diverses décisions qu'il comporte. En particulier, cet arrêté, d'une part, cite les articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoyant que l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire s'il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français et que ce risque peut être regardé comme établi si, notamment, l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, d'autre part qualifie la situation particulière de M. A... au regard de ces prévisions et précise enfin que ce dernier ne fait état d'aucune circonstance exceptionnelle permettant d'écarter le risque de soustraction à la mesure d'éloignement. Ainsi la décision du préfet de refuser à l'intéressé un délai de départ volontaire est suffisamment motivée. Par ailleurs, si la motivation de la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'étranger intéressé, de l'ensemble des critères prévus par l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que le souligne le requérant, en revanche, aucune règle n'impose que la durée de cette interdiction fasse l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère. En l'occurrence, l'arrêté contesté fait suffisamment apparaître la prise en compte, par le préfet, de l'ensemble de ces critères. Par suite, l'arrêté contesté satisfait à l'obligation de motivation.

En ce qui concerne les autres moyens :

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France en 2016, alors âgé de 21 ans et n'y a séjourné de manière régulière que durant la période d'examen de sa demande d'asile. Célibataire et sans enfant, il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de l'intéressé, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français porte à son droit au respect de sa vie privée ou familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise et ne méconnaît pas, dès lors, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

S'agissant de la décision portant refus d'un délai de départ volontaire :

4. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour (...) qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".

5. Il est constant que M. A..., qui a fait l'objet le 17 septembre 2019 d'une première mesure d'éloignement, à laquelle il n'a pas déféré, doit dès lors être regardé comme s'étant soustrait à cette mesure. Il n'a par ailleurs pas été en mesure de présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, non plus que de justifier d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale. Il se trouvait ainsi dans le cas, prévu par les dispositions citées ci-dessus, où, en l'absence de circonstance particulière, le risque qu'il se soustraie à la nouvelle mesure d'éloignement pouvait être regardé comme établi. Il ne justifie par ailleurs d'aucune circonstance particulière de nature à avoir permis d'écarter un tel risque. Par suite, le préfet a pu légalement décider de ne pas lui accorder de délai de départ volontaire.

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

6. La légalité d'une décision administrative s'apprécie au regard de la situation de droit et de fait existant au jour de son édiction. Dès lors, si M. A... se prévaut des atteintes aux droits de l'homme constatées en Afghanistan après l'arrivée au pouvoir des talibans en août 2021, soit postérieurement à l'arrêté contesté, cette circonstance, susceptible le cas échéant de faire obstacle à l'exécution de la décision fixant son pays de renvoi, ne saurait en revanche être utilement invoquée pour établir que cette décision l'expose à des traitements inhumains ou dégradants prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'alinéa 5 de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Au demeurant, les demandes d'asile de l'intéressé ont été rejetées tant par l'OFPRA que par la CNDA. Par suite, le moyen tiré de la violation de ces articles doit être écarté.

S'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français :

7. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3 du présent arrêt, il y a lieu d'écarter le moyen tiré, à l'encontre de l'interdiction de retour sur le territoire français faite à M. A..., de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

9. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par M. A....

Sur les frais liés à l'instance :

10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

11. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Goujon-Fischer, président,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 décembre 2022.

Le président-rapporteur,

Signé : J. -F. Goujon-Fischer

L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau

Signé : E. Meisse

La greffière,

Signé : V. Firmery

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

V. Firmery

2

N° 22NC01178


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01178
Date de la décision : 06/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. GOUJON-FISCHER
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : GRÜN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-12-06;22nc01178 ?
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