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01/12/2022 | FRANCE | N°20NC03743

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 01 décembre 2022, 20NC03743


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 27 juin 2019 par laquelle le directeur du centre hospitalier de la Haute-Marne (ci-après le CHHM) a refusé de reconnaître l'imputabilité au service du congé de longue durée accordé à compter du 18 novembre 2015.

Par un jugement n° 1901782 du 6 novembre 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistr

e le 22 décembre 2020, Mme D..., représentée par Me Thomas, demande à la cour :

1°) d'annuler c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 27 juin 2019 par laquelle le directeur du centre hospitalier de la Haute-Marne (ci-après le CHHM) a refusé de reconnaître l'imputabilité au service du congé de longue durée accordé à compter du 18 novembre 2015.

Par un jugement n° 1901782 du 6 novembre 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2020, Mme D..., représentée par Me Thomas, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 novembre 2020 ;

2°) d'annuler cette décision du 27 juin 2019 ;

3°) d'enjoindre au directeur du CHHM de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie et, par voie de conséquence, du congé de longue durée accordé à compter du 18 novembre 2015 avec toutes les conséquences de droit, et notamment financières, en résultant ;

4°) de mettre à la charge du CHHM une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la décision est entachée d'erreur d'appréciation, dès lors que sa pathologie est en lien direct avec l'exercice de ses fonctions et qu'aucun fait personnel n'est susceptible de détacher sa maladie du service.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2021, le centre hospitalier de la Haute-Marne (CHHM), représenté par Me Lesné de la Selarl Houdart et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme D... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'agent ne justifie pas avoir été victime d'un acharnement administratif et disciplinaire ;

- les conditions de travail de l'agent n'étaient pas dégradées et il n'est pas justifié que son environnement de travail serait directement à l'origine de son état dépressif ;

- seul le comportement de l'agent et les fautes commises dans l'exercice de ses fonctions sont à l'origine de sa pathologie.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Recrutée comme aide-soignante par le centre hospitalier de la Haute-Marne (ci-après CHHM) en décembre 2001, Mme D... y a été titularisée comme infirmière le 21 janvier 2010. En arrêt de travail à compter du 18 novembre 2015 pour syndrome anxio-dépressif, elle a été placée, par une décision du 30 septembre 2016, en congé de longue maladie jusqu'au 17 novembre 2018. Le 6 février 2017, elle a formé une demande tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie. Le directeur du CHHM a, sur avis défavorable de la commission de réforme, rejeté cette demande par une décision du 3 juillet 2017, laquelle a toutefois été annulée par un jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 30 avril 2019 pour insuffisance de motivation. Par une décision du 27 juin 2019, le directeur du centre hospitalier a refusé de reconnaître l'imputabilité au service du congé de longue durée qu'il a accordé, par une décision du même jour, à Mme D.... Celle-ci relève appel du jugement du 6 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision ayant refusé de reconnaître l'imputabilité au service du congé de longue durée obtenu.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa version applicable à la date de la décision attaquée : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. (...). / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. / (...) / 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / (...) / Les dispositions du quatrième alinéa du 2° du présent article sont applicables au congé de longue durée ".

3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... a souffert d'un syndrome anxio-dépressif constaté le 18 novembre 2015 par un médecin généraliste, deux jours après avoir dû s'expliquer, auprès de la cadre de santé du pôle personnes âgées, sur sa prise en charge d'un résident ayant fait une crise d'épilepsie le 13 novembre. L'avis médical émis le 25 avril 2017 en vue de la réunion de la commission de réforme saisie de la demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie qui a conduit à placer l'infirmière en congé de longue durée a conclu que le syndrome de l'intéressée était d'origine mixte, lié d'une part à une situation conflictuelle professionnelle et d'autre part à des erreurs professionnelles commises par elle.

5. Toutefois, d'une part, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier qu'un conflit aurait émergé entre Mme D... et la nouvelle cadre de santé arrivée dans le service en février 2015, ni d'ailleurs entre l'agent et la direction de l'hôpital. Si la requérante a été convoquée, dès le 12 février, dans le bureau de la cadre supérieure de santé, c'était pour être entendue sur le fait que son nom avait été cité par le faisant fonction de cadre de santé qui avait quitté le service dans un contexte de tensions au sein de la structure. Cet entretien, que le compte-rendu présente comme un entretien pédagogique, a été l'occasion d'évoquer par ailleurs d'autres aspects du travail de l'agent. Mme D... a ensuite été de nouveau convoquée le 16 avril suivant pour être entendue par la cadre de santé sur sa prise en charge d'une résidente dont elle avait décidé d'arrêter l'alimentation en oxygène médical au motif que la saturation était bonne sans cependant en informer le médecin ayant fait la prescription ni noter cette action dans le dossier informatisé de la patiente. Nonobstant la transmission d'un rapport à la direction de l'hôpital, aucune sanction n'a été adoptée contre Mme D... à l'issue de son entretien avec le directeur des ressources humaines le 29 juillet 2015. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que la cadre de santé a reçu l'agent le 13 octobre, entretien au cours duquel l'infirmière a validé les objectifs à venir, " fixés dans le but de l'aider à se sentir mieux au sein du service ". Enfin, l'appréciation littérale portée sur sa fiche de notation pour 2015 est neutre, relevant uniquement que l'infirmière avait rencontré certaines difficultés au cours de l'année. Aussi, si la requérante indique s'être effondrée après avoir compris, le 18 novembre 2015, qu'une nouvelle procédure disciplinaire se préparait à son encontre, il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu de ce qui précède, la sanction prononcée le 24 décembre à raison des erreurs commises dans la prise en charge du patient épileptique le 13 novembre, à savoir contestation et non-respect d'une prescription médicale et comportement retardant la prise en charge de l'urgence, participerait d'un acharnement administratif et disciplinaire contre l'infirmière. En outre, il ne ressort pas plus des pièces du dossier que, contrairement à ce que la requérante soutient, la direction de l'hôpital l'aurait désignée comme l'auteur de la lettre anonyme qui aurait été reçue à la fin de l'année 2014 pour dénoncer le faisant fonction de cadre de santé en poste à cette date. Il n'est pas non plus justifié de l'existence de rumeurs qui auraient circulé en ce sens au sein du service, ni que ses supérieurs lui auraient adressé des reproches à son retour de congés de l'été 2015. Ainsi, et alors même que Mme D... était considérée comme une infirmière rigoureuse effectuant un travail de qualité et démontrant même " une forme de synergie entre savoir-faire et savoir-être ", il ne ressort pas des pièces du dossier que, contrairement aux mentions du certificat établi par le psychiatre qui a suivi l'agent, lesquelles se bornent en réalité à reprendre les déclarations et appréciations de cette dernière, l'exercice de son métier d'infirmière à partir de février 2015 se serait fait dans un contexte susceptible de susciter le développement de sa maladie.

6. D'autre part, et au surplus, le ressenti de l'agent quant à la possibilité, non établie par les pièces du dossier, qu'elle ait été désignée comme responsable de la lettre anonyme adressée à la direction à la fin de l'année 2014, n'a fait qu'exacerber, ainsi qu'il ressort du courrier qu'elle a adressé au directeur du centre hospitalier le 3 juin 2015, son impression que les convocations aux entretiens des 12 février et 16 avril pouvaient procéder d'un harcèlement de sa hiérarchie. Il ne ressort cependant pas du compte-rendu de l'entretien du 12 février que des reproches lui auraient été exprimés, tandis que sa convocation du 16 avril était justifiée par des manquements commis dans l'exercice de ses fonctions d'infirmière. Enfin, il n'est pas contesté que, le 13 novembre 2015, Mme D..., qui s'était absentée de la chambre d'un patient alors en pleine crise d'épilepsie pour se procurer le produit que le médecin lui avait demandé d'injecter en intra-veineuse, a refusé l'aide de sa collègue que le même médecin était allée chercher puis a tenté de procéder, en dépit de la consigne réitérée, à l'injection en intra-rectal alors que les conditions n'étaient manifestement pas réunies, avant de finir par la réaliser selon une troisième voie. Il ressort des pièces du dossier que ce médecin a eu un entretien avec Mme D..., dès le 16 novembre, pour évoquer l'urgence qui avait prévalu lors de cette prise en charge, à la suite duquel l'infirmière s'en est également entretenu avec la cadre de santé. Dans les circonstances de l'espèce, en l'absence de preuve d'une situation conflictuelle entre Mme D... et sa cadre de santé ou sa hiérarchie ou d'un acharnement administratif ou disciplinaire à son encontre, les manquements à ses obligations commis le 13 avril et, de manière déterminante, le 13 novembre 2015 dans sa prise en charge des résidents du pôle personnes âgées doivent être regardés comme procédant de faits personnels, d'une gravité suffisante, qui détachent la survenance de son syndrome anxio-dépressif du service.

7. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que son congé de longue durée devrait être reconnu imputable au service.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Sur les frais de l'instance :

9. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier spécialisé de Sarreguemines, qui n'est pas la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par Mme D... et non compris dans les dépens. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D... la somme demandée par le centre hospitalier au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de la Haute-Marne tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et au centre hospitalier de la Haute-Marne.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.

La rapporteure,

Signé : H. B... Le président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 20NC03743


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03743
Date de la décision : 01/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Hélène BRODIER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : SELARL HOUDART ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-12-01;20nc03743 ?
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