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30/11/2022 | FRANCE | N°21NC00399

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 30 novembre 2022, 21NC00399


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2020 par lequel le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de son éloignement.

Par un jugement n°2007857 du 22 janvier 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 février 2021 et des mémoires complémentaires e

nregistrés le 1er mars 2021 et le 11 mars 2021, M. A... C..., représenté par Me Kumaba Mbuta Wutib...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2020 par lequel le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de son éloignement.

Par un jugement n°2007857 du 22 janvier 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 février 2021 et des mémoires complémentaires enregistrés le 1er mars 2021 et le 11 mars 2021, M. A... C..., représenté par Me Kumaba Mbuta Wutibaa, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 22 janvier 2021 ;

2°) d'annuler la décision en date du 23 novembre 2020 par laquelle le préfet de police de Paris a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté litigieux est illégal en raison d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour formée postérieurement ;

- l'arrêté litigieux repose sur des faits matériellement inexacts ;

- l'arrêté attaqué méconnaît la circulaire du 28 novembre 2012, relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière ;

- l'arrêté litigieux méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'arrêté litigieux méconnaît l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2021, le préfet de police de Paris conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. C... n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Sibileau, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant congolais né le 8 juillet 1976, est entré en France selon ses dires le 8 juin 2012. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté le 16 janvier 2013 sa demande d'admission au statut de réfugié. Le 26 septembre 2013 la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a confirmé la décision de l'OFPRA. Il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour temporaire sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le 7 janvier 2014. Par un arrêté du 12 février 2014, le préfet du Haut-Rhin a rejeté sa demande. Par un jugement du 17 septembre 2014 confirmé le 11 juin 2015 par cette cour, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les conclusions à fin d'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 10 décembre 2014, le tribunal correctionnel de Paris a condamné l'intéressé à deux mois d'emprisonnement pour exercice illégal de la profession de pharmacien. Il a été écroué le 26 mars 2016. Le 27 avril 2019, le préfet de l'Essonne a pris à son encontre une décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et portant interdiction de retour sur le territoire français. Enfin, par un arrêté du 23 novembre 2020, le préfet de police de Paris lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. M. C... relève appel du jugement du 22 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 23 novembre 2020.

2. En premier lieu, M. C... ne conteste pas utilement l'arrêté en litige en faisant valoir la circonstance, postérieure à son édiction, qu'il a formé une demande d'admission exceptionnelle au séjour le 4 janvier 2021.

3. En deuxième lieu, il est constant que le préfet de police de Paris a estimé que M. C... est dépourvu de tout passeport, qu'il ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire national et qu'il est dépourvu de titre de séjour en cours de validité. M. C... doit être vu comme soutenant que l'arrêté du 23 novembre 2020 repose sur des faits matériellement inexacts. Toutefois à l'appui de ses affirmations, l'intéressé se contente de verser une copie d'un courrier du 15 janvier 2014 ainsi qu'une copie d'un formulaire de demande de titre de séjour qu'il a lui-même rempli. Ces documents ne sont pas de nature à établir la réalité de ses allégations. Par conséquent, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée repose sur des faits matériellement inexacts.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute personne peut se prévaloir des documents administratifs mentionnés au premier alinéa de l'article L. 312-2, émanant des administrations centrales et déconcentrées de l'Etat et publiés sur des sites internet désignés par décret. / Toute personne peut se prévaloir de l'interprétation d'une règle, même erronée, opérée par ces documents pour son application à une situation qui n'affecte pas des tiers, tant que cette interprétation n'a pas été modifiée. / Les dispositions du présent article ne peuvent pas faire obstacle à l'application des dispositions législatives ou réglementaires préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l'environnement. ". L'article R. 312-10 du même code dispose que : " Les sites internet sur lesquels sont publiés les documents dont toute personne peut se prévaloir dans les conditions prévues à l'article L. 312-3 précisent la date de dernière mise à jour de la page donnant accès à ces documents ainsi que la date à laquelle chaque document a été publié sur le site. / Ces sites comportent, sur la page donnant accès aux documents publiés en application de l'article L. 312-3, la mention suivante : " Conformément à l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration, toute personne peut se prévaloir de l'interprétation d'une règle, même erronée, opérée par les documents publiés sur cette page, pour son application à une situation qui n'affecte pas des tiers, tant que cette interprétation n'a pas été modifiée, sous réserve qu'elle ne fasse pas obstacle à l'application des dispositions législatives ou réglementaires préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l'environnement ". / Les circulaires et instructions soumises aux dispositions de l'article R. 312-8 sont publiées sur les sites mentionnés au premier alinéa au moyen d'un lien vers le document mis en ligne sur le site mentionné à ce même article. ". L'article D. 312-11 du même code établit la liste des sites internet mentionnés au premier alinéa de l'article L. 312-3. Il précise que : " Lorsque la page à laquelle renvoient les adresses mentionnées ci-dessus ne donne pas directement accès à la liste des documents mentionnés à l'article L. 312-3, elle comporte un lien direct vers cette liste, identifié par la mention " Documents opposables ".

5. L'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration institue une garantie au profit de l'usager en vertu de laquelle toute personne qui l'invoque est fondée à se prévaloir, à condition d'en respecter les termes, de l'interprétation, même illégale, d'une règle contenue dans un document que son auteur a souhaité rendre opposable, en le publiant dans les conditions prévues aux articles R. 312-10 et D. 312-11 du code des relations entre le public et l'administration, tant qu'elle n'a pas été modifiée. En outre, l'usager ne peut bénéficier de cette garantie qu'à la condition que l'application d'une telle interprétation de la règle n'affecte pas la situation de tiers et qu'elle ne fasse pas obstacle à la mise en œuvre des dispositions législatives ou réglementaires préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l'environnement. Les mentions accompagnant la publication de ce document ont pour objet de permettre de s'assurer du caractère opposable de l'interprétation qu'il contient.

6. En instituant le mécanisme de garantie de l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration, le législateur n'a pas permis de se prévaloir d'orientations générales dès lors que celles-ci sont définies pour l'octroi d'une mesure de faveur au bénéfice de laquelle l'intéressé ne peut faire valoir aucun droit, alors même qu'elles ont été publiées sur l'un des sites mentionnés à l'article D. 312-11 du même code. S'agissant des lignes directrices, le législateur n'a pas subordonné à leur publication sur l'un de ces sites la possibilité pour toute personne de s'en prévaloir, à l'appui d'un recours formé devant le juge administratif.

7. Dès lors qu'un étranger ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, il ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de ces dispositions, des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 pour l'exercice de ce pouvoir. Par conséquent, le moyen tiré par M. C... de ladite circulaire doit être écarté.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

9. M. C... fait valoir vivre en concubinage avec une compatriote disposant d'un titre de séjour avec laquelle il a eu des enfants nés en France. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé se contente de verser une attestation d'hébergement manuscrite, au demeurant non étayée, à l'appui de ses allégations et qu'il n'établit pas participer à l'entretien et à l'éducation de ses enfants. Par suite, compte tenu des circonstances de l'espèce et notamment de la durée et des conditions de séjour de l'intéressé en France, l'arrêté litigieux du 23 novembre 2020 n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Dès lors, le préfet de police de Paris n'a méconnu les stipulations ni de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

10. En cinquième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est dépourvu des précisions permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé.

11. En dernier lieu, contrairement à ce que soutient l'appelant, l'arrêté contesté, qui comporte l'exposé des faits et des considérations de droit sur lesquels il se fonde, est suffisamment motivé. Par suite et alors que le préfet de police de Paris n'était pas tenu de mentionner l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle et familiale de M. C..., le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police de Paris.

Délibéré après l'audience du 27 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Agnel, président de chambre,

- M. Sibileau, premier conseiller,

- Mme Picque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 novembre 2022.

Le rapporteur,

Signé : J.-B. SibileauLe président,

Signé : M. B...

Le greffier,

Signé : J.-Y. Gaillard

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

J.-Y. Gaillard

2

N° 21NC00399


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00399
Date de la décision : 30/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste SIBILEAU
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : KUMABA MBUTA

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-11-30;21nc00399 ?
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