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30/11/2022 | FRANCE | N°21NC00187

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 30 novembre 2022, 21NC00187


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... née F... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement.

Par un jugement n° 2002975 du 23 septembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregis

trée le 19 janvier 2021, Mme D... A... née F..., représentée par Me Perez, demande à la cour :
...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... née F... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement.

Par un jugement n° 2002975 du 23 septembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 janvier 2021, Mme D... A... née F..., représentée par Me Perez, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 septembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour, à défaut de procéder à un réexamen de sa situation et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- sur la décision portant refus de titre de séjour : elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- sur la décision portant obligation de quitter le territoire français : elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité affectant la décision portant obligation de quitter le territoire français ; elle méconnaît le 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'alinéa 6 de l'article L. 211-1-2 du même code ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le préfet du Bas-Rhin a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de la requérante ;

- sur la décision fixant le pays de renvoi : elle est entachée d'incompétence.

Par ordonnance du 26 mars 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 23 avril 2022.

Un mémoire, présenté pour la préfète du Bas-Rhin, a été enregistré le 21 octobre 2022, postérieurement à la clôture d'instruction et n'a pas été communiqué.

Mme A... née F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 15 décembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Sibileau, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... A... née F..., ressortissante arménienne née le 28 septembre 1984, est entrée en France selon ses dires le 3 septembre 2012. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté le 14 mars 2013 sa demande d'admission au statut de réfugié. Le 9 janvier 2014, la Cour nationale du droit d'asile a confirmé la décision de l'OFPRA. Elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le 2 juillet 2019. Par un arrêté du 18 novembre 2019 le préfet du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 23 septembre 2020 dont Mme A... née F... relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ce recours.

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit :/(...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ". Aux termes de l'article L. 313-2 du même code alors en vigueur : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23, L. 313-24, L. 313-27 et L. 313-29 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1./Le cas échéant, la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-24, L. 313-27 et L. 313-29 peut être délivrée par l'autorité diplomatique ou consulaire, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article L. 212-1-2 du même code alors en vigueur : " (...) Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour. La durée de validité de ce visa ne peut être supérieure à un an. / Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de Français qui remplit les conditions prévues au présent article./Les autorités diplomatiques et consulaires sont tenues de statuer sur les demandes de visa de long séjour formées par les conjoints de Français et les étudiants dans les meilleurs délais./Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour ".

3. Il résulte des dispositions ci-dessus reproduites que la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint de français est subordonnée à la délivrance d'un visa de long séjour. Ce visa de long séjour ne peut être accordé par l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour qu'à la condition d'une entrée régulière sur le territoire par l'étranger. Il ressort des écritures mêmes de Mme A... née F... que cette dernière n'est pas en mesure d'établir la régularité de son entrée sur le territoire français. Dès lors, c'est à bon droit que l'autorité préfectorale afin de refuser la délivrance d'un titre de séjour à Mme A... née F... en qualité de conjointe de français, s'est fondée sur l'absence d'un visa de long séjour et sur la nécessité pour elle de l'obtenir auprès des autorités diplomatiques françaises en Arménie. Si l'intéressée soutient qu'un retour dans son pays est impossible en raison des traumatismes qu'elle affirme y avoir subis, cette circonstance est sans incidence sur l'exigence d'un visa de long séjour. Est également sans incidence la circonstance, que l'intéressée bénéficierait d'une promesse d'embauche. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit et de ce que le préfet du Bas-Rhin aurait commis une erreur manifeste d'appréciation seront écartés.

4. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Mme A... née F... fait valoir vivre en France depuis huit ans et demi, être mariée depuis un an et demi avec un ressortissant français avec lequel elle cohabitait depuis deux ans et demi. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'à la date de la décision le mariage de l'intéressée était récent et qu'elle n'établit pas, au demeurant, l'ancienneté de sa relation par la production de témoignages peu circonstanciés et par la production d'une facture pour un contrat d'électricité dont elle est co-titulaire antérieure de quelques mois seulement à l'acte attaqué. De surcroît, il est constant que Mme A... née F... n'a pas d'enfant en France. Par suite, compte tenu des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de l'intéressée en France, l'arrêté litigieux du 18 novembre 2019 n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le préfet du Bas-Rhin n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision portant refus de titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'ayant pas été prise sur le fondement d'une décision portant refus de titre de séjour illégale, le moyen tiré d'une telle exception d'illégalité ne peut, dès lors, qu'être écarté.

7. En deuxième lieu aux termes de l'alinéa 6 de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour. ".

8. Si Mme A... née F... soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions de l'alinéa 6 de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les dispositions précitées du 4° de l'article L. 313-11 du même code, ces moyens doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3 ci-dessus.

9. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que le préfet du Bas-Rhin a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'appelante et de ce qu'il a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5 ci-dessus.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

10. Le préfet du Bas-Rhin a, par un arrêté du 30 septembre 2019 publié le 2 octobre 2019 au recueil des actes administratifs de la préfecture, donné délégation à Mme E... C..., directrice des migrations et de l'intégration, pour signer toutes décisions correspondant aux attributions de la direction, à l'exception d'actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions contenues dans l'arrêté attaqué. Le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de cet arrêté doit dès lors être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... A... née F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... née F... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 27 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Agnel, président de chambre,

- M. Sibileau, premier conseiller,

- Mme Picque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 novembre 2022.

Le rapporteur,

Signé : J.-B. SibileauLe président,

Signé : M. B...

Le greffier,

Signé : J.-Y. Gaillard

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

J.-Y. Gaillard

2

N° 21NC00187


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste SIBILEAU
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : PEREZ

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 30/11/2022
Date de l'import : 04/12/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 21NC00187
Numéro NOR : CETATEXT000046676919 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-11-30;21nc00187 ?
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