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30/11/2022 | FRANCE | N°21NC00013

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 30 novembre 2022, 21NC00013


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2020 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté en date du 28 juillet 2020 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter l

e territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2020 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté en date du 28 juillet 2020 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination.

Par un jugement unique n°s 2002055 et 2002056 du 3 décembre 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté les demandes de Mme E... et M. D... C....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 janvier 2021, Mme E... et M. D... C..., représentés par Me Pelzer, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 3 décembre 2020 ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet de Meurthe-et-Moselle du 28 juillet 2020 ;

3°) d'enjoindre à titre principal au préfet de Meurthe-et-Moselle de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour conformément à l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de leur délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre à titre subsidiaire au préfet de Meurthe-et-Moselle de procéder à un nouvel examen de leur situation administrative, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

S'agissant des décisions portant refus de titre de séjour :

- en ce qui concerne la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : l'analyse des premiers juges est entachée d'une erreur dans la matérialité des faits dès lors que leur commerce n'a pas fait l'objet d'une fermeture administrative et qu'ils n'ont pas fait l'objet d'une condamnation pénale, qu'ils n'ont jamais nié être dépourvus de toute attache familiale dans leur pays d'origine, que leurs enfants ont effectué leur scolarité en France, qu'ils ne parlent pas arabe et sont donc dans l'impossibilité de s'intégrer dans le système éducatif algérien ; leur présence en France est indispensable à la prise en charge des parents de Mme B... ;

- en ce qui concerne la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : que l'intérêt supérieur des enfants du couple aurait dû conduire le préfet à accorder aux requérants un titre de séjour ;

S'agissant des moyens spécifiquement dirigés contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français :

- ces dernières sont dépourvues de base légale en raison de l'illégalité entachant la décision portant refus de titre de séjour ; qu'elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant du délai de départ volontaire :

- que celui-ci est trop court pour organiser leur départ et qu'il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 avril 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sibileau, premier conseiller,

- et les observations de Me Pelzer pour Mme B... et M. C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... et M. D... C..., ressortissants algériens nés respectivement le 15 juin 1975 et le 23 mars 1972, ont déclaré être entrés en France en 2015, sous couvert de leurs passeports algériens revêtus d'un visa court séjour, accompagnés de leurs deux enfants mineurs. Le 18 mai 2018, ils ont sollicité la délivrance d'un titre de séjour au motif de leur situation personnelle et familiale et de leur activité professionnelle. Par deux arrêtés du 22 octobre 2018, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par des jugements n°s 1803195 et 1803196 du 7 février 2019, le tribunal administratif de Nancy a annulé les arrêtés du 22 octobre 2018 pour erreur de fait et a enjoint au préfet de réexaminer leur situation. Par deux arrêtés du 28 juillet 2020, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement unique n°s 2002055 et 2002056 du 3 décembre 2020, dont les intéressés relèvent appel, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur les décisions portant refus de titre de séjour :

En ce qui concerne le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier que l'infraction d'emploi d'étranger sans titre de travail a été relevée à l'encontre de Mme B... et que cette dernière a fait l'objet d'un signalement au procureur de la République aux fins de poursuites pour transmission d'informations inexactes ou incomplètes en vue d'obtenir une immatriculation au registre du commerce et des sociétés. Si le jugement attaqué mentionné à tort que le commerce de l'intéressée avait fait l'objet d'une mesure de fermeture administrative, cette erreur est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée dès lors que le préfet ne s'est pas fondé sur un tel motif. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait sera écarté.

4. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que les requérants se sont sciemment maintenus irrégulièrement en France pendant plusieurs années et que si leurs enfants ont commencé leur scolarité en France, rien ne s'oppose à ce qu'elle soit poursuivie en Algérie, notamment en langue française. Par ailleurs, si les requérants soutiennent que l'état de santé du père de Mme B... nécessite l'aide de sa fille, ils ne versent à l'appui de leurs allégations que deux attestations peu circonstanciées. Dès lors, les intéressés n'établissent ni que l'état de santé du père de Mme B... nécessite un suivi particulier ni qu'une aide lui soit indispensable ni enfin que celle-ci ne puisse lui être apportée que par sa fille. Par suite, compte tenu des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour des intéressés en France, les arrêtés litigieux du 28 juillet 2020 n'ont pas porté au droit de Mme B... et M. C... au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ils ont été pris. Dès lors, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle des intéressés.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant :

5. Aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Si Mme B... et M. C... soutiennent que l'intérêt supérieur des enfants du couple aurait dû conduire le préfet à accorder aux appelants un titre de séjour, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention précitée doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4 ci-dessus.

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que les décisions portant refus de titre de séjour ne sont pas entachées d'illégalité. Les décisions portant obligation de quitter le territoire français n'ayant pas été prise sur le fondement de décisions portant refus de titre de séjour illégales, le moyen tiré d'une telle exception d'illégalité ne peut, dès lors, qu'être écarté.

7. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que le préfet de Meurthe-et-Moselle a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle des intéressés et de leurs enfants doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point ci-dessus.

8. En troisième lieu, le moyen tiré de la violation de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5 ci-dessus.

Sur les décisions fixant à trente jours le délai de départ volontaire :

9. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. ".

10. Mme B... et M. C... soutiennent que le délai de trente jours est insuffisant pour leur permettre de vendre leur commerce, régler leurs fournisseurs et les organismes sociaux ainsi que prévenir leur clientèle et collègues. Ils font valoir que ce délai met en péril la scolarité de leurs enfants. D'une part, il n'est pas établi ni même allégué que les appelants se seraient prévalus devant le préfet de Meurthe-et-Moselle d'éléments pouvant établir que leur présence en France au-delà d'une période de trente jours serait justifiée par des circonstances particulières. D'autre part, les circonstances dont ils se prévalent ne suffisent pas à faire estimer que le préfet de Meurthe-et-Moselle a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation personnelle des appelants en ne leur accordant pas un délai de départ volontaire supérieur à trente jours et qu'il ait méconnu l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

11. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes. Par suite, leur requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme E... et M. D... C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié Mme E... et M. D... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 27 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Agnel, président de chambre,

- M. Sibileau, premier conseiller,

- Mme Picque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 novembre 2022.

Le rapporteur,

Signé : J.-B. SibileauLe président,

Signé : M. A...

Le greffier,

Signé : J.-Y. Gaillard

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

J.-Y. Gaillard

2

N° 21NC00013


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00013
Date de la décision : 30/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste SIBILEAU
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : DP AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-11-30;21nc00013 ?
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