La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/11/2022 | FRANCE | N°20NC00386

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 17 novembre 2022, 20NC00386


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... G..., M. H... F..., M. C... A... et M. D... E... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Etat à leur verser une somme égale à 3,86 euros par mois à compter du 1er février 2017 jusqu'à la notification du jugement, assortie des intérêts et de la capitalisation.

Par un jugement commun n°s 1705657, 1705658, 1705661, 1705662, 1705663, 1705726 du 23 août 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs requêtes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 13 février 2020 sous le n° 20NC00386, M. B... G..., représen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... G..., M. H... F..., M. C... A... et M. D... E... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Etat à leur verser une somme égale à 3,86 euros par mois à compter du 1er février 2017 jusqu'à la notification du jugement, assortie des intérêts et de la capitalisation.

Par un jugement commun n°s 1705657, 1705658, 1705661, 1705662, 1705663, 1705726 du 23 août 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs requêtes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 13 février 2020 sous le n° 20NC00386, M. B... G..., représenté par Me Ciaudo, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 août 2019 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3,86 euros par mois à compter du mois de février 2017 et jusqu'à la notification de l'arrêt à intervenir, assortie des intérêts au taux légal, eux-mêmes capitalisés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- l'illégalité de la facturation de l'accès au service de la télévision dans son établissement pénitentiaire depuis le mois de février 2017 constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

- cette illégalité tient en une violation de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pris isolément ; en une violation de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales combiné avec l'article premier du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à une méconnaissance du principe d'égalité entre les usagers du service public.

II. Par une requête enregistrée le 13 février 2020 sous le n° 20NC00387, M. H... F..., représenté par Me Ciaudo, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 août 2019 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3,86 euros par mois à compter du mois de février 2017 et jusqu'à la notification de l'arrêt à intervenir, assortie des intérêts au taux légal, eux-mêmes capitalisés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- l'illégalité de la facturation de l'accès au service de la télévision dans son établissement pénitentiaire depuis le mois de février 2017 constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

- cette illégalité tient en une violation de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pris isolément ; en une violation de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales combiné avec l'article premier du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à une méconnaissance du principe d'égalité entre les usagers du service public.

III. Par une requête enregistrée le 13 février 2020 sous le n° 20NC00388, M. C... A..., représenté par Me Ciaudo, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 août 2019 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3,86 euros par mois à compter du mois de février 2017 et jusqu'à la notification de l'arrêt à intervenir, assortie des intérêts au taux légal, eux-mêmes capitalisés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- l'illégalité de la facturation de l'accès au service de la télévision dans son établissement pénitentiaire depuis le mois de février 2017 constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

- cette illégalité tient en une violation de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pris isolément ; en une violation de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales combiné avec l'article premier du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à une méconnaissance du principe d'égalité entre les usagers du service public.

IV. Par une requête enregistrée le 13 février 2020 sous le n° 20NC00389, M. D... E..., représenté par Me Ciaudo, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 août 2019 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3,86 euros par mois à compter du mois de février 2017 et jusqu'à la notification de l'arrêt à intervenir, assortie des intérêts au taux légal, eux-mêmes capitalisés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- l'illégalité de la facturation de l'accès au service de la télévision dans son établissement pénitentiaire depuis le mois de février 2017 constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

- cette illégalité tient en une violation de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pris isolément ; en une violation de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales combiné avec l'article premier du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à une méconnaissance du principe d'égalité entre les usagers du service public.

MM. G..., F..., A... et E... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions en date du 17 décembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

-le code de procédure pénale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sibileau, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique.

1. M. B... G..., M. H... F..., M. C... A... et M. D... E... sont incarcérés à la maison centrale d'Ensisheim. Ils sont tous propriétaires d'un poste de télévision équipant leurs cellules. Il n'est pas contesté que depuis le mois de février 2017 ils paient l'accès au service, qu'ils estiment en principe gratuit, de télévision numérique terrestre également appelée TNT, à la hauteur de 3,86 euros par mois à l'établissement pénitentiaire. Avec deux autres détenus, les requérants ont demandé, chacun en ce qui le concerne, au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Etat à leur verser une somme égale à 3,86 euros par mois à compter du 1er février 2017 jusqu'à la notification du jugement, assortie des intérêts et de la capitalisation. Par un jugement commun n°s1705657, 1705658, 1705661, 1705662, 1705663 et 1705726, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs requêtes. MM. G..., F..., A... et E... font appel de ce jugement et demandent également la condamnation de l'Etat à rembourser à chacun en ce qui le concerne une somme égale à 3,86 euros par mois à compter du 1er février 2017 jusqu'à la notification du présent arrêt, assortie des intérêts et de la capitalisation.

Sur la demande en répétition de l'indû :

2. Aux termes de l'article 19 de l'annexe de l'article R. 57-6-18 du code de procédure pénale, relatif au règlement intérieur type des établissements pénitentiaires : " (...) IV- La personne détenue peut se procurer par l'intermédiaire de l'administration et selon les modalités que celle-ci détermine une radio et un téléviseur individuels ".

3. La fixation de tarifs différents applicables, pour un même service rendu, à diverses catégories d'usagers d'un service public implique, à moins qu'elle ne soit la conséquence nécessaire d'une loi, soit qu'il existe entre les usagers des différences de situation appréciables, soit qu'il existe une nécessité d'intérêt général en rapport avec les conditions d'exploitation du service.

4. Il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté en défense par le ministre de la justice qui n'a pas produit dans les présentes instances que le directeur de la maison centrale d'Ensisheim a instauré à compter de février 2017 un tarif d'accès des téléviseurs, dont les appelants sont propriétaires, aux chaînes gratuites de la télévision numérique terrestre d'un montant de 3,86 euros mensuel.

5. Cette décision a eu pour effet de placer, pour les personnes détenues dans cet établissement à gestion privée, l'obligation de s'acquitter d'une contribution dont n'ont pas à s'acquitter les détenus se trouvant dans des établissements à gestion publique. D'une part, cette distinction constitue une différence de traitement entre des personnes placées dans une situation identique, le mode de gestion des établissements pénitentiaires étant sans incidence sur le statut des détenus. D'autre part, cette différence de traitement n'est justifiée ni par une quelconque raison d'intérêt général, ni par l'existence d'une gamme de prestations plus étendues ou de services plus nombreux offerts par le prestataire. Par conséquent, MM. G..., F..., A... et E... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs recours.

6. Les créances de MM. G..., F..., A... et E... s'établissent à une somme égale à 3,86 euros par mois à compter du 1er février 2017 jusqu'à la date à laquelle a cessé d'être mis indûment à leur charge les frais d'accès au service de télévision numérique terrestre. Toutefois, l'état de l'instruction ne permet pas de déterminer le montant exact des sommes ainsi dues à chacun des appelants. Il y a lieu, dans ces conditions, de renvoyer MM. G..., F..., A... et E... devant le ministre de la justice pour qu'il soit procédé à la liquidation des sommes qui leur sont dues en exécution du présent arrêt.

Sur les intérêts :

7. MM. G..., F..., A... et E... ont droit, chacun en ce qui le concerne, aux intérêts au taux légal correspondant à compter du 27 juin 2017, date de réception de leurs demandes par le ministre de la justice. Les intérêts échus à la date du 27 juin 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Sur les conclusions relatives aux frais d'instance :

8. Faute pour MM. G..., F..., A... et E... d'établir qu'ils ont exposé des frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale dont ils bénéficient pour les besoins de la présente instance, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 août 2019 est annulé en ce qu'il concerne M. G..., M. F..., M. A... et M. E....

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à chacun des requérants une somme égale à 3,86 euros par mois à compter du 1er février 2017 jusqu'à la date à laquelle ont cessé d'être mis indûment à leur charge les frais d'accès au service de télévision numérique terrestre.

Article 3 : Les sommes en cause porteront intérêt à compter du 27 juin 2017 et ces intérêts seront capitalisés à la date du 27 juin 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... G..., M. H... F..., M. C... A..., M. D... E... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- M. Goujon-Fischer, président-assesseur,

- M. Sibileau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 novembre 2022.

Le rapporteur,

Signé : J.-B. SibileauLe président,

Signé : M. I...

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N°s 20NC00386, 20NC00387, 20NC00388 et 20NC00389


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00386
Date de la décision : 17/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste SIBILEAU
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : AARPI THEMIS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-11-17;20nc00386 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award