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17/11/2022 | FRANCE | N°20NC00357

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 17 novembre 2022, 20NC00357


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy de constater que, depuis le 20 septembre 2012, son chalet est implanté place du Colonel B... à Longwy, qu'à aucun moment, la commune de Longwy n'a saisi l'autorité compétente pour procéder à l'expulsion du domaine public et que plus de quatre années se sont écoulées depuis l'acquisition par ses soins de la " baraque à frites " et des éléments d'exploitation du fonds de commerce, de dire et juger qu'il a obtenu le droit à occupation précaire d

u domaine public, de lui donner acte de ce qu'il réglera la contrepartie de ce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy de constater que, depuis le 20 septembre 2012, son chalet est implanté place du Colonel B... à Longwy, qu'à aucun moment, la commune de Longwy n'a saisi l'autorité compétente pour procéder à l'expulsion du domaine public et que plus de quatre années se sont écoulées depuis l'acquisition par ses soins de la " baraque à frites " et des éléments d'exploitation du fonds de commerce, de dire et juger qu'il a obtenu le droit à occupation précaire du domaine public, de lui donner acte de ce qu'il réglera la contrepartie de cette occupation telle qu'elle sera fixée par la commune de Longwy et de statuer sur les frais ce que de droit.

Par un jugement n° 1701641 du 19 mars 2019, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 20NC00357 le 11 février 2020, M. C..., représenté par Me Petit, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 19 mars 2019 ;

2°) d'annuler la décision de la commune de Longwy du 2 mai 2017 lui refusant la délivrance d'une autorisation d'occupation du domaine public sur la place du Colonel B... ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Longwy la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête, formée dans le délai d'appel, est recevable ;

- dès lors que l'administration a toléré le maintien de son chalet sur la place du Colonel B... depuis 2012 en contrepartie du règlement des redevances correspondantes, il devait être regardé comme bénéficiant d'un contrat tacite d'autorisation d'occupation du domaine public ;

- les prescriptions consécutives au classement du réseau de fortifications Vauban de Longwy au patrimoine mondial de l'UNESCO ne sont pas de nature à justifier légalement la décision de refus de la commune de Longwy ;

- cette décision méconnaît le principe d'égalité, qui implique que des personnes placées dans des situations identiques soient traitées de la même manière.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2020, la commune de Longwy, représentée par Me Codazzi, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce qu'il soit mis à la charge de M. C... une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 5 décembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel de l'UNESCO du 16 novembre 1972 ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Goujon-Fischer, président,

- et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le 27 septembre 2012, M. C... a fait l'acquisition, auprès du mandataire liquidateur de la société Caristo, d'un chalet et de matériel de petite restauration, que cette société exploitait antérieurement dans le cadre d'une activité de sandwicherie-friterie exercée place du Colonel B... à Longwy, où elle bénéficiait à cet effet d'une autorisation d'occupation du domaine public. Cette autorisation n'a pas été renouvelée au profit de M. C..., acquéreur de ces biens, à la suite de la liquidation judiciaire de la société Caristo, ce dont la commune de Longwy a informé l'intéressé par un courrier du 19 avril 2013. Si la commune a par la suite adressé à M. C... plusieurs mises en demeure de faire cesser l'occupation sans titre du domaine public communal que constituait le maintien de ce chalet, l'intéressé n'a pas déféré à ces mises en demeure. Des pourparlers en vue du rachat du chalet par la commune n'ont par ailleurs pas abouti. Par un courrier du 2 mai 2017, la commune de Longwy a confirmé à M. C... son refus de lui accorder une autorisation d'occupation du domaine public en vue de l'exploitation de son chalet place du Colonel B.... M. C... a saisi le tribunal administratif de Nancy de conclusions regardées par les premiers juges comme tendant à l'annulation de ce refus. Il relève appel du jugement du 19 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.

Sur la légalité de la décision du 2 mai 2017 :

2. En premier lieu, la méconnaissance des stipulations d'un contrat ne peut être utilement invoquée comme moyen de légalité à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir formé à l'encontre d'une décision administrative. Dès lors, M. C... ne conteste par utilement la légalité de la décision du 2 mai 2017 lui refusant le bénéfice d'une autorisation d'occupation du domaine public place du Colonel B... en soutenant qu'il devait être regardé comme bénéficiaire à cette date d'un contrat tacite l'autorisant à maintenir son chalet et à l'exploiter sur le domaine public communal, en raison de la tolérance que la commune aurait manifestée à l'égard de cette occupation.

3. Au demeurant, comme l'ont rappelé les premiers juges, nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public. Eu égard aux exigences qui découlent tant de l'affectation normale du domaine public que des impératifs de protection et de bonne gestion de ce domaine, l'existence de relations contractuelles ou d'une autorisation unilatérale en autorisant l'occupation privative ne peut se déduire de sa seule occupation effective, même si celle-ci a été tolérée par l'autorité gestionnaire et a donné lieu au versement de redevances domaniales. Dès lors, aucun droit à l'occupation du domaine public communal n'a pu naître de la circonstance, alléguée par le requérant, que la commune de Longwy aurait toléré depuis 2012 le maintien de son chalet sur la place du Colonel B... et accepté le paiement des redevances correspondantes, paiement dont la réalité est d'ailleurs contestée par la commune.

4. En deuxième lieu, il ressort des diverses pièces produites au dossier que la décision du 2 mai 2017 refusant à M. C... la délivrance d'une autorisation d'occuper le domaine public communal pour l'exploitation d'un chalet dévolu à une activité de sandwicherie-friterie sur la place du Colonel B... est motivée par les exigences inhérentes au classement au patrimoine mondial de l'UNESCO des fortifications de Vauban qui composent la place forte de Longwy, notamment la place du Colonel B..., ainsi que par le souci de la commune de suivre en la matière les préconisations du Réseau Vauban, association qui fédère les divers sites de fortifications de Vauban inscrites sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO et les orientations du cadre de gestion du site défini par les différents partenaires institutionnels. Eu égard notamment aux stipulations de l'article 5 de la convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel de l'UNESCO du 16 novembre 1972, à laquelle la France est partie, aux termes duquel " (...) les Etats parties à la présente Convention s'efforceront dans la mesure du possible : (...) d) de prendre les mesures juridiques, scientifiques, techniques, administratives et financières adéquates pour l'identification, la protection, la conservation, la mise en valeur et la réanimation de ce patrimoine (...) ", les motifs avancés par la commune de Longwy sont au nombre de ceux qui pouvaient justifier légalement un refus d'octroi d'une autorisation d'occuper le domaine public, alors même que les préconisations du Réseau Vauban ou les orientations du cadre de gestion des fortifications en cause n'auraient pas, en elles-mêmes, pour la commune, une portée juridiquement contraignante.

5. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que l'une des préconisations du Réseau Vauban visait à résorber l'occupation du domaine public dans les lieux d'implantation des fortifications de Vauban. Une note de synthèse et de recommandations établie en 2011 par l'inspection des patrimoines invite la commune de Longwy à être particulièrement vigilante sur l'image à donner de la situation patrimoniale de la citadelle. De même, le plan de gestion, de conservation et de développement durable 2013-2018 de la place forte de Longwy souligne la nécessité de revaloriser la place du Colonel B..., ancienne place d'armes, inscrite à l'inventaire des sites pittoresque depuis 1953, notamment en lui redonnant sa forme carrée originelle et en lui permettant de jouer un rôle de cœur de ville actif. Ce plan porte, plus généralement, l'ambition de mettre en valeur et de rendre plus visible la richesse patrimoniale les divers lieux de la place forte de Longwy. En décidant, au regard de ces préconisations, orientations ou objectifs de mise en valeur du site et notamment de la place du Colonel B..., de ne pas délivrer à M. C... l'autorisation d'occupation du domaine public sollicitée, la commune de Longwy n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

6. En troisième lieu, si M. C... fait valoir qu'il existe, place du Colonel B..., une autre construction commerciale implantée sans autorisation d'occupation du domaine public, sans que celle-ci ait été inquiétée par la commune de Longwy, cette circonstance, à la supposer établie, ne faisait pas obstacle à ce qu'un refus d'autorisation d'occuper le domaine public lui soit opposé, dès lors notamment qu'il n'apporte pas d'élément permettant d'établir que cette autre construction se serait trouvée dans une situation comparable à la sienne et que l'exploitant de cette construction ne s'est, en tout état de cause, pas davantage vu délivrer d'autorisation d'occuper le domaine public communal. Ainsi, le moyen tiré de la violation du principe d'égalité ne peut qu'être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

9. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Longwy, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de celui-ci la somme demandée par la commune de Longwy au titre des frais qu'elle a elle-même exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Longwy au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la commune de Longwy.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- M. Goujon-Fischer, président-assesseur,

- M. Sibileau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2022.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. Goujon-FischerLe président,

Signé : M. D...

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au préfet de Meurthe-et-Moselle en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 20NC00357


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00357
Date de la décision : 17/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : CODAZZI BRUNO

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-11-17;20nc00357 ?
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