La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/11/2022 | FRANCE | N°19NC02056

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 17 novembre 2022, 19NC02056


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la chambre de métiers et de l'artisanat de la Moselle à lui verser la somme de 537 211,38 euros correspondant à une reconstitution de carrière normale entre le 9 août 2002 et le 27 janvier 2011, d'enjoindre à la chambre de métiers et de l'artisanat de la Moselle de corriger ses droits à pension en adoptant " les déclarations annuelles des données sociales " imposées par la loi et de verser les cotisations sociales dues sur une base s

upplémentaire de 431 564,08 euros, de condamner la chambre de métiers et d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la chambre de métiers et de l'artisanat de la Moselle à lui verser la somme de 537 211,38 euros correspondant à une reconstitution de carrière normale entre le 9 août 2002 et le 27 janvier 2011, d'enjoindre à la chambre de métiers et de l'artisanat de la Moselle de corriger ses droits à pension en adoptant " les déclarations annuelles des données sociales " imposées par la loi et de verser les cotisations sociales dues sur une base supplémentaire de 431 564,08 euros, de condamner la chambre de métiers et de l'artisanat de la Moselle à lui verser la somme de 360 365,28 euros au titre de l'indemnité de licenciement, de condamner la chambre de métiers et de l'artisanat de la Moselle à lui verser la somme de 97 054,58 euros correspondant au montant de ses loyers et frais de déplacement à Verdun entre le 9 août 2002 et le 27 janvier 2011, de condamner la chambre de métiers et de l'artisanat de la Moselle à lui verser la somme de 30 980,28 euros en réparation du préjudice résultant de la privation d'un véhicule de fonctions entre le 9 août 2002 et le 27 janvier 2011 et de condamner la chambre de métiers et de l'artisanat de la Moselle à lui verser une somme de 150 000 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence et de son préjudice moral entre 1993 et 2011.

Par un jugement n° 1502258 du 22 mai 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, des pièces et des mémoires enregistrés le 1er juillet 2019, le 17 janvier 2020, le 26 janvier 2021, le 15 septembre 2022 et le 11 octobre 2022, ce dernier mémoire non communiqué, M. C..., représenté par Me Roth demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 22 mai 2019 ;

2°) de condamner la chambre de métiers et de l'artisanat de la Moselle à lui verser la somme de 537 211,38 euros correspondant à une reconstitution de carrière normale entre le 9 août 2002 et le 27 janvier 2011 ;

3°) d'enjoindre à la chambre des métiers de corriger en conséquence sa carrière, ses droits à pension en adoptant " les déclarations annuelles des données sociales " et de verser les cotisations sociales dues sur une base supplémentaire de 431 564,08 euros ;

4°) de condamner la chambre de métiers et de l'artisanat de la Moselle à lui verser la somme de 360 365,28 euros au titre de l'indemnité de licenciement annulé du 15 octobre 2002 et réitéré irrégulièrement le 27 janvier 2011 et en réparation des manœuvres déloyales de la chambre de 2002 à 2011 ;

5°) de condamner la chambre de métiers et de l'artisanat de la Moselle à lui verser la somme de 97 054,58 euros au titre du remboursement des loyers et de ses frais de déplacement à Verdun du 9 août 2002 au 27 janvier 2011 ;

6°) de condamner la chambre de métiers et de l'artisanat de la Moselle à lui verser la somme de 30 980,26 euros au titre de la privation de son véhicule de fonction pour cette même période ;

7°) de condamner la chambre de métiers et de l'artisanat de la Moselle à lui verser la somme de 150 000 euros au titre des troubles extraordinaires dans les conditions d'existence et du préjudice moral sur 18 ans de 1993 à 2001 ;

8°) d'ordonner la capitalisation des intérêts à compter de 2016 ;

9°) de mettre à la charge de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Moselle le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a méconnu les dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative en ne retenant pas la discrimination existant entre sa classification au rang 5 et celle au rang 7 à compter du 1er juillet 2009 du poste de secrétaire général occupé par son successeur, M. B..., et en ne relevant pas d'office ce moyen ;

- le tribunal a omis de répondre aux moyens tirés de ce que la décision du 27 janvier 2011 ne pouvait reposer sur l'abandon de poste du 15 octobre 2002 alors qu'il avait démissionné du service médical interprofessionnel meusien en 2010 pour réintégrer effectivement son poste, de ce que le président ne pouvait adresser seul la mise en demeure de réintégrer son poste et devait obtenir l'accord du comité directeur conformément à l'article 35 des statuts de la chambre des métiers et que dès lors cette mise en demeure constituait un abus de pouvoir, de l'inapplicabilité de l'article 42-III du nouveau statut du personnel négocié à la radiation du 27 janvier 2011, de la méconnaissance du code du travail et de la convention applicable au service médical interprofessionnel meusien, de la méconnaissance de la directive cadre 89/391 CEE du 12 juin 1989 et de l'article 31 de la charte des droits fondamentaux de l'union européenne et de la méconnaissance de son préavis contractuel avec le service médical interprofessionnel meusien ;

- le tribunal a commis une erreur d'appréciation en jugeant que la chambre des métiers n'avait commis aucune faute depuis 1993 ;

- la chambre de métiers a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en le trompant sur sa mise à disposition statutaire au bénéfice du service médical interprofessionnel meusien (SMIM), en violation du principe de loyauté ;

- en maintenant son successeur à son poste et en maintenant une organisation irrégulière en dépit des jugements rendus, la chambre de métiers et de l'artisanat a méconnu son obligation de prendre les mesures pour préserver sa sécurité et sa santé mentale, a méconnu la directive cadre 89/391/CEE du Conseil du 12 juin 1989 concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail et a violé l'article 31 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la chambre de métiers et de l'artisanat de la Moselle a commis une faute en ne reconstituant pas correctement sa carrière à la suite de la décision du Conseil d'Etat en date du 27 octobre 2010 ;

- la reconstitution de sa carrière telle que proposée par la chambre caractérise, compte tenu du décalage entre l'indice retenu et les indices successivement obtenus par son successeur, révèle une discrimination en violation de l'article 21 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, porte atteinte à sa dignité et méconnaît l'obligation de loyauté ;

- la décision du 27 janvier 2011 prononçant son éviction est illégale et engage la responsabilité de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Moselle dès lors qu'il n'a pas été mis en demeure de reprendre ses fonctions en méconnaissance du droit d'être entendu garanti par un principe général du droit de l'Union européenne et par la convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail, notamment son article 4, en méconnaissance de l'article 30 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et en méconnaissance de l'article 26 de la charte sociale européenne ;

- elle méconnaît le code du travail et la convention collective applicable au SMIM ;

- elle est entachée d'erreur de droit dès lors qu'elle fait application de l'article 42-III du statut du personnel adopté en 2008 pourtant non applicable aux faits de 2002 ;

- elle est dépourvue de base légale ;

- elle méconnaît la directive 89/391/CEE du Conseil du 12 juin 1989 ;

- elle méconnaît l'article 31 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, le droit fondamental d'être entendu garanti en tant que principe général du droit de l'Union européenne et par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux dès lors qu'il aurait dû être invité à fournir des explications conformément à la circulaire du premier ministre en date du 11 février 1960 et qu'il a été empêché de présenter au comité directeur ses justifications en 2002 et à nouveau en 2011 en méconnaissance de l'article 7 de la convention internationale de l'OIT n°158 du 22 juin 1982 ;

- la décision attaquée méconnaît les articles 6 § 1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 42-III du statut du personnel dès lors que le délai d'un mois entre la mise en demeure de reprendre ses fonctions et la date à laquelle peut être constaté un abandon de poste n'a pas été respecté ;

- elle est illégale dès lors que son poste de secrétaire général était toujours occupé par quelqu'un d'autre le 15 octobre 2002 ;

- le préjudice subi à raison de la reconstitution incorrecte de sa carrière entre le 9 août 2002 et le 27 janvier 2011 s'élève à 537 211,38 euros ;

- la chambre de métiers et de l'artisanat doit lui verser une somme de 360 365,28 euros au titre de l'indemnité de licenciement abusif, en réparation d'une part du licenciement abusif subi le 27 janvier 2011, d'autre part du comportement déloyal et fautif mis en œuvre par la chambre à son égard entre le 22 juillet et le 15 octobre 2002 et enfin de la faute consistant dans le fait de l'avoir exposé à une hiérarchie parallèle irrégulière ;

- en le privant de l'exécution effective des décisions de justice ordonnant sa réintégration depuis 1994 et notamment depuis 2002, en méconnaissance des stipulations de l'article 6 § 1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la chambre de métiers a commis une faute qui lui a causé un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence, qu'il convient d'indemniser en lui accordant une somme de 150 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 novembre 2019, la chambre des métiers et de l'artisanat de la Moselle représentée par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3000 euros soit mise à la charge de M. C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La chambre des métiers et de l'artisanat soulève à titre principal l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires fondées sur l'illégalité de la radiation des cadres pour abandon de poste du 27 janvier 2011 dont la légalité a été confirmée par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 20 décembre 2012 devenu définitif à la suite de l'arrêt du conseil d'Etat du 13 novembre 2013 n'admettant pas son pourvoi, l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires en l'absence de demande préalable indemnitaire à défaut d'avoir identifié clairement les faits générateurs, l'irrecevabilité des conclusions tendant à enjoindre à la chambre à reconstituer sa carrière en raison de l'absence de demande préalable, l'irrecevabilité des conclusions d'injonction à titre principal et à titre subsidiaire, elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier et notamment, la décision n° 316 636 du Conseil d'Etat du 27 octobre 2010.

Vu :

- le traité sur l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte sociale européenne révisée ;

- la convention internationale du travail de l'OIT n° 158 du 22 juin 1982 ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive n° 89/301/CEE du Conseil du 12 juin 1989 ;

- le code du travail ;

- la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ;

- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;

- le décret n° 64-1362 du 30 décembre 1964 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Barrois, première conseillère,

- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,

- les observations de M. C...,

- et les observations de Me Poupot, représentant la chambre des métiers et de l'artisanat de la Moselle.

Une note en délibéré présentée par M. C... a été enregistrée le 21 octobre 2022.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 15 octobre 2002, la chambre des métiers et de l'artisanat de la Moselle a prononcé la radiation des cadres pour abandon de poste de M. Denis Fischer, secrétaire général nommé le 1er janvier 1989, qui exerce des fonctions de directeur au sein du service médical interprofessionnel meusien depuis le 1er mai 2000. Par une décision du 27 octobre 2010, le Conseil d'Etat a annulé cette décision et enjoint à la chambre consulaire de prononcer la réintégration de M. C... à compter du 15 octobre 2002. Par une décision du 23 décembre 2011 n° 350 185 le Conseil d'Etat a également enjoint à cet établissement d'exécuter la décision du 27 octobre 2010 en procédant à la reconstitution juridique de la carrière de M. C.... Par une décision du 27 janvier 2011, la chambre des métiers et de l'artisanat de la Moselle a réintégré juridiquement M. C... et a le même jour prononcé sa radiation des cadres pour l'abandon de poste constaté le 15 octobre 2002. Par un arrêt du 20 décembre 2012 devenu définitif, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de cette décision. Par la présente requête, M. C... relève appel du jugement du 22 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande de condamner la chambre de métiers et de l'artisanat de la Moselle d'une part à l'indemniser, à hauteur de 537 211,38 euros, en réparation du préjudice résultant de la reconstitution de carrière à laquelle il a été procédé, d'autre part à l'indemniser, à hauteur d'une somme totale de 638 400,14 euros, en réparation des préjudices matériel et moral ainsi que des troubles dans les conditions d'existence résultant de l'illégalité de la décision du 27 janvier 2011 et de diverses fautes qu'il impute à la chambre de métiers et de l'artisanat de la Moselle.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Le tribunal administratif a, après avoir visé et analysé les conclusions et les mémoires des parties, expressément répondu aux moyens tirés de ce que la décision du 27 janvier 2011 ne pouvait reposer sur l'abandon de poste du 15 octobre 2002 alors qu'il avait démissionné du service médical interprofessionnel meusien en 2010 dans le but de réintégrer effectivement son poste, de ce que le président ne pouvait adresser seul la mise en demeure de réintégrer son poste et devait obtenir l'accord du comité directeur conformément à l'article 35 des statuts de la chambre des métiers et que dès lors cette mise en demeure constituait un abus de pouvoir, de l'inapplicabilité de l'article 42-III du nouveau statut du personnel négocié à la radiation du 27 janvier 2011, de la méconnaissance du code du travail et de la convention applicable au service médical interprofessionnel meusien, de la méconnaissance de la directive cadre 89/391 CEE du 12 juin 1989 et de l'article 31 de la charte des droits fondamentaux de l'union européenne et de la méconnaissance du préavis contractuel avec le service médical interprofessionnel meusien que M. C... avait invoqués en première instance dans son mémoire récapitulatif du 4 septembre 2018 dès lors que les premiers juges n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments avancés à l'appui de ces moyens, notamment ceux inopérants, ni de reprendre l'intégralité des faits développés par le requérant.

3. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient M. C..., dès lors que le tribunal a considéré que la radiation des cadres était fondée sur un abandon de poste régulier, il ne pouvait par la suite le qualifier de licenciement sans cause réelle et sérieuse. De même, ses conclusions aux fins d'indemnisation de la double résidence d'août 2002 à janvier 2011 ainsi que de l'avantage en nature ont été rejetées par voie de conséquence en l'absence de faute commise par la chambre lors de sa reconstitution de carrière du 8 février 2012. Il en résulte que les premiers juges ont régulièrement répondu à ces conclusions. Le jugement qui est ainsi suffisamment motivé n'est entaché d'aucune omission à statuer.

4. En troisième lieu, le requérant soutient que les premiers juges auraient méconnu l'article R. 611-7 du code de justice administrative ainsi que le principe du contradictoire en soulevant d'office le moyen tiré de ce que le secrétaire général était classé au rang 5 alors que son successeur a été classé au rang 7 au 1er juillet 2009 sans respecter la procédure prévue par cette disposition. Toutefois, le tribunal n'a pas méconnu son office en se fondant sur les pièces produites par les parties et soumises au contradictoire pour appliquer à M. C... à compter du 1er juillet 2009 la grille indiciaire des secrétaires généraux de rang 5 conformément au statut du personnel des chambres de métiers et de l'artisanat publié le 6 janvier 2009. Il n'était ainsi pas tenu d'engager la procédure prévue à l'article R. 611-7 du code de justice administrative.

Sur la responsabilité de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Moselle à raison de la faute alléguée dans la reconstitution de sa carrière entre le 9 août 2002 et le 27 janvier 2011 :

5. En exécution de la décision n° 316636 du 27 octobre 2010 par laquelle le Conseil d'Etat a annulé la décision du 15 octobre 2002 portant radiation des cadres de M. C... pour abandon de poste, la chambre de métiers et de l'artisanat de la Moselle a, le 8 février 2012, procédé à la reconstitution de sa carrière sur la période du 9 août 2002 au 27 janvier 2011 sur la base, pour la période initiale allant jusqu'au 30 juin 2009, de son traitement de base annuel brut déterminé en application du coefficient 979, de la prime de difficulté administrative, de l'indemnité de fonction, du 13ème mois, de l'indemnité de frais exceptionnels, de l'indemnité de téléphone et de l'avantage en nature et, pour la période courant à partir du 1er juillet 2009, date du reclassement de tous les agents de la chambre de métiers, sur la base de son traitement de base annuel brut déterminé en application d'un coefficient 1100, de la prime de difficulté administrative, du 13ème mois et de l'avantage en nature. M. C... conteste la somme totale de 651 047,55 euros déterminée par la chambre de métiers et demande que le montant total de son salaire brut reconstitué sur la période soit fixé à 1 050 779,97 euros.

6. Ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges, il est constant que M. C... possédait à la date de son éviction un indice de 979 points au titre de sa rémunération de base qui avait vocation à s'appliquer entre le 9 août 2002 et le 30 juin 2009 dès lors qu'il ne résultait de la grille indiciaire alors applicable, aucune possibilité d'avancement à un indice supérieur. Conformément aux dispositions de l'article 4 de l'annexe XIX au statut du personnel des chambres, adopté le 13 novembre 2008, il a été reclassé au 1er juillet 2009 à l'indice 1100 points, qui correspond, selon les dispositions particulières applicables au secrétaire général, au 1er échelon de la classe 1 du rang 5. Dès lors, contrairement à ce qu'il soutient, en prenant en compte la prime de difficulté administrative, un 13ème mois et l'avantage en nature du véhicule de fonction à compter du 1er juillet 2009, ce reclassement ne l'a pas fait régresser en terme de rémunération indiciaire et indemnitaire globale.

7. En outre, il résulte de l'instruction et notamment du rapport de la chambre régionale des comptes produit par le requérant que le secrétaire général d'une chambre des métiers et de l'artisanat départementale ne peut prétendre à un rang supérieur à 6 et que ce classement n'est en outre possible que si le nombre d'heures stagiaires est supérieur à 1 200 000 et que le nombre de ressortissants à la taxe pour frais de chambre est supérieur à 20 000, ce qui en l'espèce n'est pas le cas de la chambre des métiers et de l'artisanat de la Moselle. Dès lors, M. C... ne peut se prévaloir de la rémunération et des avantages qui auraient été consentis à son successeur et qui ne sont pas en adéquation avec la dimension de la chambre et qui en tout état de cause, étaient interdits à compter de l'avis de la commission nationale paritaire du 22 décembre 2009.

8. Enfin, M. C... ne saurait utilement se prévaloir, pour contester les modalités de calcul de la reconstitution de sa carrière, de la comparaison avec d'autres agents ne se trouvant pas dans la même situation statutaire dès lors qu'ils relèvent d'autres chambres des métiers et de l'artisanat et qu'aucune précision n'est apportée sur leur ancienneté dans ces fonctions. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la différence entre l'indice qui lui a été appliqué et l'indice servi à son successeur participerait d'une discrimination, porterait atteinte à sa dignité ou encore méconnaîtrait l'obligation de loyauté.

9. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'établit pas que la reconstitution de sa carrière du 8 février 2012 effectuée pour la période du 9 août 2002 au 27 janvier 2011 serait entachée d'irrégularités. Ses conclusions tendant à la condamnation de la chambre à lui verser une somme de 537 211,38 euros ne peuvent qu'être rejetées, de même que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce que la chambre de métiers et de l'artisanat reconstitue ses droits sociaux, notamment ses droits à pension de retraite, en versant des cotisations sociales supplémentaires et en rédigeant des déclarations annuelles de données sociales modifiées.

Sur la responsabilité de la chambre de métiers et de l'artisanat à raison de l'illégalité alléguée de la décision du 27 janvier 2011 :

10. Une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il encourt d'une radiation de cadres sans procédure disciplinaire préalable. Les chambres de métiers étant des établissements publics administratifs assurant une mission de service public, leurs personnels sont des agents publics. L'autorité administrative de l'organisme consulaire peut dès lors tirer les conséquences d'un abandon de poste même en l'absence de disposition de son statut prévoyant cette hypothèse.

11. En premier lieu, il est constant que la décision de radiation des cadres prononcée à l'encontre de M. C... le 27 janvier 2011 est motivée par les faits d'abandon de poste constatés à la date du 15 octobre 2002. Ainsi, compte tenu de ce motif, M. C... ne saurait utilement faire grief au comité directeur de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Moselle de ne pas avoir tenu compte du préavis qu'il avait donné au service médical interprofessionnel meusien par courrier du 27 août 2010, ni de ne pas avoir respecté le délai d'un mois prévu au III de l'article 42 du statut du personnel des chambres de métiers et de l'artisanat tel qu'adopté par la commission nationale paritaire le 13 novembre 2008 qui, au demeurant, a été annulé par décision du Conseil d'Etat, ni de ne pas avoir procédé à une nouvelle procédure de mise en demeure de reprendre son poste. Par suite, et alors que M. C... ne saurait utilement se prévaloir de ces dispositions, les moyens tirés de leur application rétroactive à des faits antérieurs à leur entrée en vigueur et de la méconnaissance du délai d'un mois qu'elles prescrivent entre la mise en demeure de reprendre ses fonctions et le licenciement pour abandon de poste sont inopérants et ne peuvent qu'être écartés.

12. En deuxième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que le président de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Moselle n'aurait pas tenu compte de l'ensemble des échanges de courrier avec le requérant entre le 8 août et le 14 octobre 2002 dès lors que la seule circonstance que la décision du 27 janvier 2011 ne les mentionne pas, ne permet pas de considérer que le président de la chambre de métiers et de l'artisanat n'aurait pas examiné les explications avancées alors par l'intéressé. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen des faits doit être écarté.

13. En troisième lieu, il est constant que M. C... a reçu, le 14 octobre 2002, une mise en demeure de réintégrer son poste pour le 15 octobre suivant qui mentionnait que sa radiation des cadres pouvait intervenir sans procédure disciplinaire préalable. S'il soutient que le délai ainsi imparti était insuffisant, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé avait déjà été invité à rejoindre son poste dès le 8 août 2002 lorsqu'il avait été informé de sa réintégration, puis mis en demeure de se conformer à cette invitation, sous peine de radiation des cadres, par lettres des 26 septembre et 3 octobre 2002.

14. En quatrième lieu, si M. C... soutient que les mises en demeure auraient dû être signées par le président de la chambre après accord du comité directeur en application des dispositions du décret du 30 décembre 1964 relatif aux chambres de métiers et de l'artisanat et du statut des personnels administratifs des chambres de métiers, établi par la commission paritaire compétente en application de l'article 1er de la loi du 10 décembre 1952, aucune disposition ni aucun principe général du droit n'imposait au président de recueillir l'accord de ce comité avant de signer la mise en demeure préalable à l'éviction pour abandon de poste, cette mise en demeure n'entraînant pas par elle-même la cessation de fonctions de l'intéressé. Par suite, les mises en demeure, signées par le président de la chambre de métiers et de l'artisanat sans avoir recueilli préalablement l'accord du comité directeur, ne sont pas entachées d'incompétence.

15. En cinquième lieu, les circonstances qu'il devait respecter le préavis de trois mois prévu dans son contrat de travail avec le service médical interprofessionnel meusien, qu'il avait manifesté son intention de reprendre son poste et que des négociations étaient engagées pour le mettre à disposition de son employeur sont sans incidence sur la qualification juridique de l'abandon de poste dès lors qu'il n'a pas déféré aux mises en demeures qui lui ont été régulièrement notifiées de reprendre son poste au 14 octobre 2002. En outre, en sa qualité d'agent d'un établissement public, M. C... ne peut utilement invoquer le non-respect par l'autorité administrative des dispositions du code du travail et de la convention collective applicable au service médical interprofessionnel meusien.

16. En sixième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que le président de la chambre aurait mis en œuvre ses pouvoirs pour des motifs autres que ceux pour lesquels ils lui ont été conférés. Le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être écarté.

17. En dernier lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de la circulaire du 11 février 1960 du Premier ministre relative à l'abandon de poste par un fonctionnaire, de la méconnaissance du droit d'être entendu tel que garanti par un principe général du droit de l'Union européenne, par l'article 30 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, par l'article 26 de la charte sociale européenne et par l'article 4 de la convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail, de la méconnaissance de la directive-cadre n° 89/301/CEE du Conseil du 12 juin 1989, de la méconnaissance de l'article 31 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, de la méconnaissance de l'article 7 de la convention OIT n° 158 et de la méconnaissance des articles 6 § 1 et 13 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont inopérants.

18. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à se prévaloir d'une faute commise par la chambre de métiers et de l'artisanat de la Moselle à l'occasion de son licenciement pour abandon de poste prononcé par la décision du 27 janvier 2011. Par suite, ses conclusions tendant à la condamnation de la chambre de métiers et de l'artisanat à lui verser une somme de 360 365,28 euros ou subsidiairement de 265 458,96 euros au titre d'indemnité de licenciement, de 150 000 euros au titre des troubles dans ses conditions d'existence et de préjudice moral, de 97 054,58 euros au titre de ses frais de double résidence et de transport et de 30 980,28 euros au titre de la privation du bénéfice d'un véhicule de fonction ne peuvent qu'être rejetées. Au demeurant, les deux derniers chefs de préjudice, qui se rapportent à la période du 9 août 2002 au 27 janvier 2011 ne présentent aucun lien direct avec la décision du 27 janvier 2011, pas plus que le chef de préjudice tenant aux troubles dans les conditions d'existence et le préjudice moral subi entre 1993 et 2011.

Sur les autres fautes invoquées :

19. En premier lieu, M. C... soutient que sa demande de mise à disposition auprès du service médical interprofessionnel meusien n'a pas été soumise au comité directeur selon la procédure prévue à l'article 33 des statuts du personnel de la chambre des métiers et de l'artisanat et que les négociations ont été interrompues ce qui constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la chambre des métiers et de l'artisanat de la Moselle. En l'absence de réponse de la chambre des métiers et de l'artisanat à sa demande de mise à disposition, et ce malgré les multiples relances de M. C..., une décision implicite de rejet est donc née. Dès lors qu'il ne résulte ni des compte-rendus des débats, ni des ordres du jour que cette demande aurait été soumise au comité directeur, le président n'était pas compétent pour se prononcer même implicitement sur cette demande et cette décision était ainsi illégale. Toutefois, même si cette illégalité constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la chambre des métiers et de l'artisanat, M. C... n'établit pas quel préjudice serait en lien avec cette faute dès lors qu'il avait la possibilité soit de reprendre son poste de secrétaire général, soit de demeurer sur ses fonctions de directeur du service médical interprofessionnel meusien.

20. En deuxième lieu, M. C... soutient qu'en maintenant son successeur à son poste de secrétaire général de la chambre de métiers ainsi qu'une organisation irrégulière du service en dépit des décisions de justice rendues, la chambre de métiers et de l'artisanat a méconnu son obligation de prendre les mesures permettant de préserver sa sécurité et sa santé mentale, a méconnu la directive cadre 89/391/CEE du Conseil du 12 juin 1989 concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail et a violé l'article 31 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Toutefois, et d'une part, le requérant, qui n'établit pas l'existence d'un comportement fautif de la chambre de métiers et de l'artisanat par ses seules allégations, ne précise d'ailleurs pas la nature du dommage qui aurait résulté pour lui du maintien de son successeur au poste de secrétaire général. D'autre part, l'absence de perception d'une indemnité de licenciement, à laquelle il ne pouvait en tout état de cause pas prétendre, est sans lien avec la faute alléguée.

21. En troisième lieu, M. C... ne saurait utilement faire grief à la chambre de métiers et de l'artisanat d'avoir violé son droit au procès équitable garanti par les articles 6 § 1 et 13 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

22. En quatrième lieu, M. C... a déjà été indemnisé pour l'absence de réintégration effective sur ses fonctions de secrétaire général de la chambre jusqu'à la décision de radiation du 5 juin 2001, par un arrêt de la cour administrative de Nancy du 30 avril 2008 qui lui a accordé 10 000 euros au titre de son préjudice moral ainsi que 22 000 euros correspondant à l'éviction illégale de 1999 et dans laquelle était incluse l'indemnisation des frais de double résidence et de déplacements pour la période du 19 février 1999 au 15 juin 2001. Enfin, il est constant qu'à la suite de l'annulation de la décision du 5 juin 2001, le requérant a été juridiquement réintégré au sein de la chambre de métiers et de l'artisanat par une décision du 8 août 2002 et qu'il lui a été demandé de réintégrer effectivement son poste ce qu'il n'a pas fait en dépit des mises en demeure de reprendre ses fonctions qui lui avaient été adressées par le président de la chambre. Dans ces conditions, en l'absence de faute commise par la chambre de métiers et de l'artisanat de la Moselle pour la période postérieure à juin 2001 et compte-tenu de l'indemnisation déjà obtenue pour la période antérieure, les conclusions tendant à ce qu'une somme de 150 000 euros soit accordée à M. C... en réparation de ses troubles dans les conditions d'existence et de son préjudice moral ne peuvent qu'être rejetées.

23. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la chambre des métiers et de l'artisanat de Moselle :

24. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... le versement de la somme que la chambre des métiers et de l'artisanat de la Moselle demande sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la chambre des métiers et de l'artisanat de la Moselle présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la chambre de métiers et de l'artisanat de la Moselle.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- M. Goujon-Fischer, président-assesseur,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 novembre 2022.

La rapporteure,

Signé : M. BarroisLe président,

Signé : M. D...

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au préfet de la Moselle en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 19NC02056


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Marion BARROIS
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : SCP MATUCHANSKY - POUPOT - VALDELIEVRE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Date de la décision : 17/11/2022
Date de l'import : 27/11/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19NC02056
Numéro NOR : CETATEXT000046577658 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-11-17;19nc02056 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award